Les résultats de la 6ème enquête “Conditions de vie des étudiants en 2010″ étaient attendus (chronique de ce blog, 10 février 2010). Les premiers résultats ont été publiés cette semaine par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE). Ils sont résumés dans un communiqué de 3 pages (ici) et dans un document de 24 pages (brochure Répères 2010). Les thèmes abordés dans ces premiers résultats : les conditions d’études (durée hebdomadaire du travail studieux, stages, séjours à l’étranger), le logement et le temps de transport, les ressources (dont le travail rémunéré) et les dépenses, les pratiques culturelles (internet et télévision, sorties), la santé (soins, alcool et tabac). Le lecteur trouvera facilement l’information qu’il recherche dans le document fort bien présenté.
Les conditions de vie et d’études des étudiants varient selon un certain nombre de facteurs, identifiés par l’enquête : caractéristiques socio-démographiques (origine sociale, âge et sexe) et caractéristiques des études (en lycée ou en université, filière et niveau d’études). Les premiers résultats publiés donnent des résultats bruts (exemple : “33% des étudiants vivent au domicile des parents ou de l’un d’eux”) et des résultats reportés à tel ou tel facteur énuméré ci-dessus (exemple : “plus l’âge de l’étudiant est élevé, moins il habite chez ses parents”). Il est évident que le lecteur aimerait en savoir plus : “la décohabitation décroît-elle avec l’âge, au même rythme selon que l’étudiant est une fille ou un garçon, selon qu’il a un père ouvrier ou un père cadre” ? Il est sûr que l’enquête de l’OVE, forte de ses 33.000 répondants, permet de répondre à ce type de question. Dommage que le lecteur doive attendre les publications ultérieures de l’OVE pour satisfaire sa curiosité intellectuelle et politique !
Autre limite d’une publication de type “premiers résultats” : aucune comparaison n’est faite avec les résultats des enquêtes antérieures. “La proportion d’étudiants vivant chez leurs parents est-elle plus forte ou plus faible qu’il y a 4 ans” ?
Quelques résultats. Certains sont connus mais méritent d’être rappelés, d’autres sont nouveaux pour moi ou me surprennent. Les voici “en vrac”. L’enquête couvre les écoles de soins infirmiers : les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) y sont peu nombreux (17%) ; les garçons représentent 15% des effectifs (le métier d’infirmière se masculiniserait-il un peu ?). Les études de management ont un recrutement social plus élitiste (52% d’enfants de CPIS) que les études de santé (49%) et que les classes préparatoires aux grandes écoles (48%) ; sans doute parce que l’enquête inclut des écoles de management privées, aux droits d’inscription élevés…
Parmi les étudiants inscrits en master, ce sont les étudiants de Lettres et sciences humaines qui sont les plus pessimistes : 43% seulement d’entre eux pensent trouver facilement du travail avec leur formation. Il faut dire que seulement 51% d’entre ont effectué un stage au cours de leur année de master (70% pour l’ensemble des étudiants). Avant de penser à introduire des périodes de stage dans les années de licence, ne serait-il pas préférable de rendre obligatoires les stages en master, y compris dans les masters “recherche”. Le stage facilite l’accès au marché du travail.
35% des étudiants inscrits en master ont effectué au moins un séjour à l’étranger depuis le début de leurs études : ce taux est plus élevé que celui auquel je m’attendais. Séjour à l’étranger pour 67% des étudiants en management et 61% pour les étudiants en école d’ingénieurs : 2 filières dont le recrutement social est élevé ; les séjours à l’étranger sont coûteux et l’accès à ces séjours est marqué par l’origine sociale. Seulement 22% des étudiants en master de sciences ont effectué un séjour à l’étranger. Parmi ces étudiants, certains feront un doctorat : la plupart des publications scientifiques sont écrites en anglais ; un séjour dans un pays anglophone ne serait-il pas utile ?
Deux commentaires sur les budgets des étudiants. Le document Repères (page 16) identifie, avec raison, trois types de ressources : versements familiaux, rémunérations d’activité, aides de la collectivité (essentiellement les bourses, les allocations d’études et les aides personnelles au logement). Le tableau démontre de fortes inégalités et d’insupportables ”injustices sociales”. 100% des boursiers reçoivent évidemment une aide de la collectivité (montant moyen : 385 euros par mois), mais c’est le cas également de 40% des non-boursiers (287 euros par mois).
Enfants d’ouvriers et d’employés et enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) ? Ces derniers sont plus nombreux (67%) à percevoir de l’argent de leur famille (359 euros par mois en moyenne) que les premiers (respectivement 42% et 207 euros). Les ressources issues du travail rémunéré ne clivent guère les deux populations. Par contre, 49% des enfants de PCIS perçoivent une aide de la collectivité (pour un montant moyen mensuel de 292 euros). La collectivité aide à peine plus les enfants d’ouvriers et d’employés : 68% de bénéficiaires pour un montant moyen de 374 euros. 49% des enfants PCIS perçoivent une aide de la collectivité et 32% des enfants d’ouvriers et d’employés n’en bénéficient pas ! Etonnement !
Le loyer est, bien évidemment et de loin, la principale dépense mensuelle pour les étudiants qui n’habitent pas chez leurs parents (Repères, page 17). Dépenses pour l’achat de livres : 18 euros en moyenne. Pour le téléphone : 31 euros. Pour les sorties : 51 euros. Il n’est pas inutile de rappeler le montant des droits d’inscription en licence : 14,50 euros par mois. 82 euros pour le téléphone et les sorties et moins de 15 euros pour faire des études. Le lecteur sait que la comparaison de ces deux chiffres a le pouvoir de m’agacer : “Coûts de rentrée : agacements“.