Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Cour des Comptes, “Les PRES : un second souffle nécessaire“, rapport, 29 pages, Février 2011. Les critiques de la Cour pleuvent : “résultats modestes”… ; ”impact encore faible sur la recherche et la formation” (”PRES peu impliqués dans la rationalisation de la carte des masters”)… ; ”politiques de sites à peine ébauchées en matière de recherche)”…; “gouvernance faible et mutualisation insuffisante des fonctions de soutien”. “En définitive, la politique de recomposition de la carte universitaire reste encore largement à accomplir”… “L’efficience et l’efficacité des PRES restent encore à établir. La Cour estime qu’ils ne doivent pas devenir, dans un paysage déjà encombré, de nouveaux centres de coût sans valeur ajoutée“. Lire aussi le dossier de Camille Stromboni, sur EducPros : “Le rapport de la Cour des Comptes épingle les PRES”.
La possibilité de créer des PRES a été instaurée par la loi Goulard de l’été 2006. 4 ans et demi déjà. Le rapport de la Cour des comptes enfonce le clou : ça ne peut plus durer ! Du petit lait pour le blogueur qui s’éreinte depuis janvier 2009 à dire que les PRES ne sont pas l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Toutes les chroniques de ce blog sur les PRES : cliquer ici. Et en particulier : “Le PRES est obsolète“, “Le PRES HESAM“, “Le PRES Paris PSL“, “Performance des PRES ?“.
Rapport de la Cour des Comptes. “Il faut remédier à cette situation préoccupante par une nouvelle étape de la politique de regroupement“. Laquelle ? Les recommandations de la Cour surprennent : comment peut-elle dire, après toutes ses critiques, que “les PRES sont un outil pertinent pour les recompositions en cours”. Les PRES n’ont pas réalisé leurs missions et ont ainsi perdu toute légitimité. Celle-ci “doit être confortée”, recommande pourtant la Cour ! “Renforcer le pilotage et l’accompagnement de l’Etat” : depuis la création des PRES en 2006, l’Etat a failli dans cet accompagnement. Pourquoi changerait-il aujourd’hui alors que le jury des initiatives d’excellence (IDEX) ne s’est pas encore réuni et que les IDEX n’ont pas le même périmètre institutionnel que les PRES (chronique “IDEX. Pire qu’une usine à gaz !“).
La Cour recommande à l’Etat d’orienter le devenir des PRES dans deux directions. 1. “Soutenir les fusions”, 2. “Quand la fusion ne semble pas pertinente, au regard par exemple du nombre d’acteurs… favoriser la constitution d’ensembles confédéraux pérennes à la forte identité et aux compétences et responsabilités renforcées”. Bref, la Cour propose de pérenniser la pagaille et l’illisibilité actuelles ! Dommage !
Réponse clairvoyante du Ministre du budget au rapport de la Cour. “L’enquête de la Cour montre bien que certains PRES ont recours à des personnels contractuels payés sur leurs ressources propres, qui proviennent notamment des contributions des membres, sans que cela corresponde à une diminution de l’emploi de ces établissements“. Superbement dit ! Plus de ressources humaines consommées pour des résultats faibles ou nuls ! Bravo les PRES !
Réponse de Valérie Pécresse (MESR). Sans vergogne, elle commence par contester le rapport de la Cour : “le bilan des PRES est plus contrasté que la Cour ne le dit”… Mais elle poursuit : “la coordination stratégique à l’échelle d’un site, quand elle est affichée comme une volonté du PRES, s’est heurtée à un double écueil : la propension des membres fondateurs à vouloir préserver leur politique propre” [normal, ne sont-ils pas autonomes depuis la LRU ?] “et les réticences des organismesde recherche, à quelques exceptions près, à s’inscrire dans une telle démarche”. Rien qu’un double écueil ? Un petit écueil ou la cime émergée d’un iceberg destructeur ? Arrête-t-on pour autant les PRES, dotés par le MESR de “62 millions d’euros et de 33 postes” ? Non ! On poursuit et on accélère, dit la Ministre. “Accélérer la mise en place des stratégies territoriales, en déclinant la stratégie nationale de recherche et d’innovation” [c’est quoi cette stratégie nationale ?]. “Le calendrier de l’opération STRATER a été modifié pour s’articulier au mieux avec le calendrier des investissements d’avenir”. Que le lecteur daigne m’excuser, c’est la 1ère fois que j’entends parler de STRATEX, STARTEX, pardon ! STRATER !
Depuis 2006 et encore plus depuis 2007, l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) sont maltraités, humiliés par le gouvernement. Au lieu de faire “simple”, celui-ci fait “compliqué” à force de faire miroiter des milliards d’euros et de proposer de nouveaux périmètres de gouvernance de l’ESR : périmètres différents pour les PRES, les opérations du plan Campus, les investissements d’avenir (Equipex, Labex, Idex) et maintenant STRATER. Ce gouvernement n’a pas de stratégie pour l’ESR, sauf celle de désengager l’Etat, de mettre en concurrence ”Privé” et “Public”, pour achever ce dernier. Il sera redevable devant l’Histoire !
Faire “simple” plutôt que “compliqué”. La France est devenue un pays d’envergure “moyenne” dans la compétition internationale de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tirons-en les conséquences ! Une quinzaine d’universités françaises de recherche ont une chance à terme d’avoir une visibilité et une performance de niveau international. La priorité est donc d’organiser les fusions nécessaires. Mais pas n’importe quelles fusions ! Il faut des universités de recherche, de 20 à 25.000 étudiants, dédiées aux seuls masters et doctorats, intégrant écoles de santé, de droit, de sciences et d’ingénierie, de commerce et de management…
Et pour cela, il faut créer de nouveaux établissements publics d’enseignement supérieur, dédiés au seul cycle “Licence”, regroupant les classes supérieures des lycées (CPGE et STS) et les filières universitaires d’IUT et de licences. Bref, il faut créer des Instituts d’enseignement supérieur (IES), organisés en deux voies de 3 ans, une voie préparant aux études universitaires et une voie professionnelle préparant aux fonctions des professions intermédaires, plus nombreuses sur le marché du travail que les fonctions de cadres et de dirigeants (toutes les chroniques de ce blog sur les IES).
La création de 600 IES permet non seulement d’accélérer les fusions nécessaires, mais elle est aussi la seule voie possible pour permettre à 50% des jeunes d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. L’IES, c’est la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur ! 2011 est d’ores et déjà une année gâchée ! Vivement 2012 ! Mais l’opposition au gouvernement actuel se tromperait lourdement si elle n’avançait pour projet que la seule augmentation des moyens pour l’ESR. Elle doit pouvoir penser et proposer une révolution de l’ESR en France, mais aussi en Europe ! Débattre des IES : Radio Campus Paris m’a invité à argumenter en direct le projet IES, lundi 21 février 2011, de 19 à 20 heures.