Les réactions à la publication de la liste des 7 IDEX pré-sélectionnées sont évidemment contradictoires : les 7 pré-sélectionnées sont contentes ; les 10 non-sélectionnées sont mécontentes. N’importe qui pouvait s’y attendre ! Les IDEX non sélectionnées sont-elles moins excellentes que les IDEX pré-sélectionnées ? Selon le jury international, la réponse est “oui” ! Est-ce le cas ? Je pense, très sincèrement, que la décision du jury et que la stratégie des “Investissements d’avenir” sont absurdes ! Un exemple, un parmi d’autres, le démontre : celui des IDEX de deux PRES franciliens, Sorbonne Paris Cité (universités Paris 3, 5, 7, 13 , chronique de ce blog) et Sorbonne Universités (Universités Paris 2, 4, 6). L’IDEX Open Science (Sorbonne Paris Cité) est battu sur le fil par l’ IDEX SUPER (Sorbonne Universités). Absurde !
C’est encore plus absurde que ce que j’imaginais dans mes deux chroniques sur les IDEX : “IDEX. Pire qu’une usine à gaz” (chronique du 8 décembre 2010) et “Les IDEX ne font pas le printemps” (chronique du 21 mars 2011). Première absurdité : les IDEX ne sont pas cohérents avec les LABEX : Sorbonne Paris Cité et Sorbonne Universités ont en effet fait jeu égal pour les Laboratoires d’excellence (LABEX) : cliquer ici.
Le PRES Sorbonne Universtés ne s’est pas encore félicité de ses résultats LABEX et IDEX (pas de communiqué sur le site du PRES : pas de service de communication). A l’inverse, le PRES Sorbonne Paris Cité se félicite de ses résultats LABEX (cliquer ici) : il “se félicite de la sélection de 18 laboratoires d’excellence, qui témoigne de la qualité de ses équipes au cœur d’une région francilienne dont la prééminence sur la scène nationale est confirmée. Parmi ces 18 projets, Sorbonne Paris Cité est porteur de 7 projets, couvrant tous les champs disciplinaires et qui attestent de l’engagement d’une politique de maillage des forces scientifiques entre les établissements membres. En outre, des équipes des établissements membres de Sorbonne Paris Cité coordonnent ou participent à 11 autres projets lauréats”.
Le président de Paris 7 Denis Diderot, Vincent Berger (PRES Sorbonne Paris Cité), est dès lors plus que surpris par la non pré-sélection de l’IDEX Open Science : “nous ne manquerons pas de solliciter des explications permettant de comprendre comment a pu être laissé de côté un ensemble d’établissements qui représente la force scientifique que l’on sait — les résultats des Labex en sont la preuve —, et qui a su se structurer efficacement” (cliquer ici).
Les deux PRES franciliens “Sorbonne” ont fait jeu égal pour les LABEX. Et “1 à 0″ pour les IDEX (score “à plates coutures”, diront certains. La deuxième absurdité est encore plus absurde. Comment peut-on envisager une seule seconde que 3 universités de Paris intra-muros vont percevoir les intérêts d’un capital de plus d’un milliard d’euros pendant quelques années puis bénéficier de ce capital alors que les 4 universités de Sorbonne Paris Cité et 10 autres universités de l’Ile-de-France ne vont bénéficier d’aucun centime d’euros ? Ces universités et leurs enseignants-chercheurs vont hurler devant une telle injustice !
Troisième absurdité, encore plus grave. Au lieu de faire apparaître des pôles d’excellence, les investissements d’avenir vont généraliser une guerre au sein de la recherche francilienne : ce ne sera plus seulement la guerre fratricide entre les sciences de Paris 6 et celle de Paris 7, entre la médecine de Paris 5 et celle de Paris 7, entre les lettres et sciences humaines de Paris 3 et celles de Paris 4. Cette guerre va s’étendre aux universités de la 1ère couronne et à celle de la 2nde couronne, humiliées par les deux victoires de PRES de Paris intra-muros (PRES Sorbonne Universités et PRES Paris PSL, en fait l’ENS Ulm). La guerre étendue aux banlieues de Paris ! Guerre de coups fourrés, de communiqués rageurs, d’humiliations, de rancoeurs. Guérillas totalement antinomiques avec les progrès de la recherche
Et enfin l’absurdité sommitale. Il faut s’attendre à ce que les IDEX vaincues mènent une bataille à coup de QPC, de “questions prioritaires de constitutionnalité“. Je ne suis pas juriste et les professeurs de droit public estimeront si les universités maltraitées ont des “billes” pour introduire des QPC. Mais, de mon point de vue, il y a matière. Les “investissements d’avenir” (IA) ne sont certes pas inscrits dans la loi, mais les premiers intérêts du capital qui devraient être versés aux IDEX gagnantes ne sont-ils pas inscrits dans la loi de finances de 2011 ? L’Etat ne doit-il pas traiter de manière égale toutes les universités publiques de France, ce qu’il ne fait pas avec les IDEX. Et enfin, il me paraît bizarre d’avoir confié l’expertise des IA à des jurys internationaux : certes, ceux-ci ne décident pas formellement le montant des dotations attribuées aux EX divers. Si leur avis est pris en compte, ne pourrait-on dire, et je dis cela bien entendu sans aucune xénophobie à l’égard des collègues étrangers qui ont fait le travail demandé, que “l’étranger” (en l’occurrence, il ne s’agit pas ici de l’Union européenne) intervient dans la répartition du budget de l’Etat français“.
Les investissements d’avenir introduisent un climat délétère dans l’enseignement supérieur et la recherche. Il faut les arrêter en urgence, au plus tard dès le printemps 2012. Il faut repartir sur une toute autre base : celle de la constitution de quinze à vingt universités de recherche et d’enseignement pluridisciplinaires, réparties sur tout le territoire français (il y a place en Ile-de-France pour trois universités pluridisciplinaires d’égale importance). A ces universités de recherche, dédiées aux masters, dont certaines organisés dans des Ecoles, et aux doctorats, seraient associés des Instituts d’enseignement supérieur (IES) de proximité, indépendants statutairement des universités et dédiés au cycle Licence (voies longues et voies professionnelles). Les milliards d’euros du Grand Emprunt doivent servir à la création de ces universités de recherche et des IES, et non pas être gaspillés dans la démolition du système public d’enseignement supérieur. Toutes les chroniques de ce blog sur les IES : commencer la lecture par les chroniques les plus anciennes !