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Pierre Dubois

Une étudiante étrangère expulsée

4 mai 2011. Vingt organisations syndicales et politiques appellent à un rassemblement devant le siège du CROUS de Strasbourg (album de 40 photos). “Elles entendent protester contre l’expulsion du territoire français de Widad Belatel, étudiante algérienne inscrite en Master 1 à l’université, et l’attitude de la direction du CROUS envers les étudiants étrangers”. Communiqué et lettre ouverte au directeur du CROUS, monsieur Chazal.

Cette étudiante a été arrêtée par les forces de l’ordre dans la Cité universitaire Appell le 19 avril 2011, conduite en centre de rétention et presque immédiatement expulsée. Les organisations mobilisées rappellent “un principe simple : tout étudiant régulièrement inscrit à l’université [c’est le cas de l’étudiante] doit pouvoir terminer son année en France”.

Widad Belatel avait un permis de séjour quand elle a été acceptée et inscrite une première fois à l’université de Strasbourg. Mais celui-ci doit être renouvelé chaque année. La préfecture a refusé le renouvellement : la jeune femme est donc devenue étudiante en situation irrégulière, facilement repérable car habitant en Cité universitaire, bref une proie facile pour faire progresser le nombre annuel d’expulsés voulu par le chef de l’Etat et son ministre de l’intérieur.

Sur quoi s’est fondée la préfecture pour refuser le renouvellement de la carte de séjour ? Sur une application à la lettre de la réglementation en vigueur. Un étudiant étranger doit non seulement justifier d’un revenu pour vivre en France, mais il doit réussir dans ses études : il ne peut bénéficier que d’un seul redoublement. Widad Belatel, selon les informations que j’ai obtenues ce matin, est une étudiante sérieuse. Elle a cependant eu le tort de se réorienter vers un autre master que celui pour lequel elle avait obtenu un permis de séjour.

Et c’est là qu’est engagée la responsabilité de l’université des services de l’université : ils ne l’ont pas prévenue du risque encouru. Mais le Conseil d’administration de l’université s’est prononcé, à l’unanimité et sans équivoque, contre les mesures de rétention administrative et d’expulsion décidées par la préfecture (motion du CA en annexe du communiqué déjà cité). L’université semble s’être engagée à mettre en place une sorte de cellule de crise pour les étudiants étrangers éprouvant des difficultés à renouveler leur carte de séjour.

Quant au CROUS régional, les organisations, comme l’UNEF dans son tract distribué ce matin, rappellent ”qu’un “entendu” entre les CROUS et les préfectures permet d’assurer une non-intervention des forces de l’ordre pour la recherche d’étudiants sans-papiers en Cité universitaire” (photo ci-contre). Le CROUS de Strasbourg n’avait donc pas à faire du zèle pour faciliter leur intervention dans la Cité Appell. Cela a dû être rappelé au directeur régional par la délégation qu’il a reçue ce matin au terme du rassemblement. Le résultat obtenu par la délégation ? Je ne sais.

Toujours est-il que la contradication est évidemment forte entre l’incitation faite aux universités de renforcer leur attractivité internationale et les comportements au quotidien des préfectures, tenues de remplir les objectifs du nombre d’étrangers expulsés. J’ai demandé au responsable de l’UNEF de Strasbourg (photo ci-contre) ce que son syndicat revendiquait. Il m’a répondu par une phrase d’un bon sens évident : “nous demandons un permis de séjour pluriannuel et non annuel”. Un étudiant, accepté par l’université en 1ère année de licence, devrait avoir une carte de séjour de quatre ans et un étudiant, accepté en master, une carte pour trois ans. On ne peut en effet exiger des étudiants étrangers qu’ils soient plus performants que les étudiants français : il suffit de prendre en compte les données statistiques concernant le taux de succès en licence en trois ou quatre ans et en master en deux ou trois ans. Les étudiants étrangers doivent bénéficier de la même égalité de traitement que les étudiants français. 

Un permis de séjour pluriannuel éviterait aux étudiants étrangers les pertes de temps quand ils doivent renouveler chaque année leur carte de séjour. Les longues attentes en préfecture induisent des absences aux cours. Accueillons mieux les étudiants étrangers et donnons-leur les conditions pour qu’ils réussissent leurs études. C’est leur ambition et il faut la respecter ! Surtout, en ce moment, pour les étudiants des pays du projet Euro-Méditerranée, porté et relancé par Nicolas Sarkozy. On ne peut, d’un côté, soutenir les pays qui empruntent la difficile voie de la démocratisation et traquer dans notre pays leurs jeunes ressortissants qui ont choisi d’y mener des études !