Poursuite de la réflexion à propos du SPO tout au long de la vie
Après avoir défendu l’idée d’un service public d’orientation pour tous, et les choix de son application en France, je vais essayer de montrer comment les différents éléments du cahier des charges pour la labellisation des organismes peuvent fonctionner comme des analyseurs des différents organismes. Il ne s’agit pas ici de les examiner dans leur totalité. Nous examinerons tout d’abord pour commencer la question de base : qui exerce « l’accueil individualisé et le premier conseil » ?
A une question précise… réponse un peu floue à première vue et qui semble laisser quelques interprétations possibles.
L’accueil d’après le cahier des charges
Examinons le texte de l’arrêté du 4 mai 2011 fixant le cahier des charges relatif au label national « Orientation pour tous – pôle information et orientation sur les formations et les métiers » prévu à l’article R. 6111-1 du code du travail.
« 1.1. L’accueil individualisé et le premier conseil
1. La demande formulée est écoutée et analysée quelle que soit la situation des personnes.
2. L’organisme et ses personnels veillent à la confidentialité des démarches. Ils garantissent l’anonymat de l’accueil et du premier conseil proposé à l’usager. Avec l’accord explicite de la personne intéressée, un enregistrement des données indispensables au suivi individuel et à l’évaluation peut être effectué. Le traitement de ces données, ou leur transmission éventuelle à des organismes partenaires, s’opère dans le respect des formalités et des exigences prévues par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
3. Le conseiller s’assure de la situation individuelle (personnelle et professionnelle) de l’usager. Il s’informe de ses intentions et de ses perspectives et, si nécessaire, aide à la formulation de la question posée. Il vérifie notamment qu’il s’agit d’une première démarche et, dans le cas contraire, s’informe des démarches effectuées antérieurement.
4. Le conseiller donne à l’usager un premier conseil portant sur les modalités de sa recherche d’information. Il lui indique notamment, si besoin est, l’organisme qui pourra, sur le même site géographique, lui présenter l’information exhaustive et objective correspondant à sa recherche et lui fournir un conseil personnalisé. Avec l’accord de l’usager, il organise un rendez-vous auprès de cet organisme. »
Dans le point 1, aucune qualification n’est précisée. Il s’agit de rappeler que toute personne doit être accueillie.
Au point 2, l’acteur devient un collectif. L’organisme et ses personnels doivent assurer certaines protections de la personne, et s’organiser pour qu’il en soit ainsi.
Enfin aux points 3 et 4, le « conseiller » réalise l’analyse de la demande et formule le premier conseil.
L’accueil « individualisé » rappelle bien que l’on est du côté service et non du côté traitement du fonctionnement des organismes d’orientation (cf. mon premier post sur le SPO). Chaque personne est porteuse d’une demande spécifique qui devra être identifiée, analysée, et satisfaite par une réponse. Qui peut réaliser ce travail, sinon un « professionnel » ?
Mais qu’est-ce qu’un professionnel ?
« Alors que la logique bureaucratique définit et impose des procédures de travail jugées optimales en regard des objectifs fixés, la logique professionnelle limite le travail prescrit, non par respect inconditionnel de l’autonomie de chacun, mais en considérant que les bonnes solutions émergent au cours des opérations de travail quotidiennes, en fonction de la complexité de situations singulières plutôt que de procédures standards. » Monica Gather Thurler : Innover au cœur de l’établissement scolaire, ESF, 2000 pp. 33
Un professionnel est en capacité d’adapter sa conduite face à une situation non prévue. Le « nouveau » suppose de pouvoir ne pas appliquer une « routine ».
De la distinction entre travail noble et non-noble
Dans tout organisme recevant un public existe un découpage des postes et du travail. Il y a le travail « noble », celui qui assure le cœur de métier de l’organisme, et l’autre travail, celui qui permet l’exercice du premier. Or dans la plupart des cas, le travail noble se trouve protégé du premier contact avec le public. La fonction du premier accueil est conçue comme une opération simple permettant la « confirmation » (vous relevez bien de cet organisme), et la « conformation », soit l’identification et la formalisation de la demande dans les catégories pertinentes pour l’organisme. Et si cette fonction est considérée comme simple, alors elle n’a pas besoin d’être exercée par un professionnel « noble » !
L’accueil individualisé, réclamé, institué par le SPO est enrichi et complexifié de beaucoup. Si la confirmation est négative, elle doit alors être suivie d’un autre travail d’identification. Elle ne peut se clore par un simple rejet. Dans nombre d’organismes, le rejet ne clôturait pas la relation. L’agent d’accueil s’autorisait à quitter sa routine pour rentrer dans une relation « humaine », et donnait un conseil, de personne à personne, celui d’aller voir tel organisme, sans doute plus pertinent par rapport à la demande formulée, donnait un numéro de téléphone, indiquait un parcours… Autrement dit l’agent d’accueil rentrait dans une relation d’aide. Mais cela n’était pas prévu dans le poste et relevait de sa liberté d’action, ceci lui permettant d’enrichir son activité (Voir l’article de Marie Deshayes : Les guichetiers, vendeurs de service public ? dans sciences humaines).
Nombre de ces « accueillants » sont donc sans doute capables d’exercer cet accueil individualisé, mais jusqu’à quel point ? Et les professionnels vont-ils considérer que ce travail est suffisamment noble pour le reprendre à leur compte ?