Sur son blog, Sylvestre Huet (Libération) rapporte un communiqué de la CURIF (Coordination des universités de recherche intensive françaises), qu’il qualifie de club des “grandes” universités qui tente depuis quelques années de convaincre le gouvernement d’accentuer encore la concentration des moyens de la recherche publique dans quelques universités. A l’évidence, les universités commencent à mesurer ce que disent les syndicats et associations de la recherche depuis cinq ans, et que l’auteur a moult fois développé sur ce blog.
La phrase capitale en est : « «L’université ne peut plus faire de recherche en dehors des contrats et ne remplit plus sa mission d’exploration de domaines scientifiques qui n’intéressent pas un financeur extérieur. L’expérience montre pourtant que bien souvent ce sont dans ces domaines qu’émergent les résultats de recherche les plus avancés». Au-delà, les présidents ne disent rien d’autre que l’autonomie des universités en matière de recherche est quasi nulle.
Les présidents dénoncent aussi un système qui fait que les coûts réels ne sont pas pris en comptes. En particulier, ils montrent que le coût indirect d’un contrat pour un établissement (université, école ou organisme) peut aller jusqu’à 50 % du montant du contrat gagné par une équipe. Plus un établissements a de contrats plus il s’appauvrit : c’est la collectivité qui paye donc une bonne partie de ce que gagnent les équipes. Cela embolise donc les (déjà trop) faibles marges de manœuvre financières qu’ont les établissements.
Rappelons que plus généralement les coûts indirects de l’ANR sont aussi considérables par les jours perdus à monter (que l’on gagne ou pas à ce loto) et à évaluer les dossiers Au total, l’ANR coûte plus à la collectivité que ce qu’elle rapporte directement aux équipes gagnantes.
On attend donc de la gauche autre chose qu’une modeste réforme. Les politiques et les technocrates n’ont rien à voir dans le progrès des connaissances, qui relève des seuls scientifiques, de leurs instances, de leurs établissements, comme de leurs coopérations, fut-ce sous forme de programmes. Ce qui suppose une amélioration significative de leurs crédits de base.
Il conviendra toutefois de préserver le seul succès de l’ANR : celui d’avoir parfois donné leur chance à des jeunes scientifiques privés de moyens et de responsabilités, soit à cause du caractère mandarinal de certains laboratoires, soit du fait de leur pauvreté. Chaque établissement devrait s’assurer que chacun des nouveaux recrutés a les moyens de travailler et la liberté d’entreprendre. Dans ce but, une cagnotte significative pourrait être constituée.
Certes, il faudra une interface – qu’on l’appelle agence, office ou autrement – entre les scientifiques et les demandes du gouvernement, du Parlement et de la société. Ce devra être une structure légère, sans attributions de gestions, qui traduira, lorsque cela s’avèrera nécessaire, ces demande en termes de programme et d’appel d’offre. Chaque programme devra être doté d’un conseil scientifique. La structure pourrait être placée auprès de l’OPECST (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). L’association des établissements à ces programmes permettra de fonctionner sur postes budgétaire et non sur CDD.
Faut-il préciser que la nouvelle structure proposée ici n ‘a plus rien à voir avec l’actuelle ANR. D’où la nécessité de la nommer autrement, pour éviter une confusion déplorable.