Suite de la chronique “Sages-femmes du 16ème siècle“. L’histoire des sages-femmes, l’un des plus vieux métiers du monde, est celle d’une professionnalisation croissante. Rappelons-en quelques dates : 1500, première ordonnance réglementant le métier à Strasbourg, 1660, intégration du métier dans la corporation des chirurgiens. 1728, création d’une école de sages-femmes à Strasbourg… 1945, création de l’Ordre et du Conseil national. Où en est-on aujourd’hui ? La réforme de la formation se met en place… à petits pas et non sans difficultés.
L’évolution en cours est relativement exceptionnelle en France : la formation à la profession de sage-femme est en train de s’intégrer davantage dans le giron de l’université. Il s’agit là d’un mouvement inverse de celui observé durant cinq siècles : l’histoire des universités a en effet été celle de la création d’écoles extra-universitaires prenant en charge des formations professionnelles supérieures ; cette histoire a été celle d’un appauvrissement progressif de leur portefeuille de formations.
L’universitarisation de la formation de sage-femme, comme celle de la formation en soins infirmiers (mais pas encore celle de masseur-kinésithérapeute) est certes liée à l’harmonisation des formations de santé en Europe (processus de Bologne) et à une volonté d’y permettre une libre circulation réelle de la main-d’oeuvre. Mais elle est sans doute facilitée par le fait que le métier est né et s’est structuré, à partir du début de l’ère moderne, dans le cadre du système corporatif et non du système universitaire.
Jusqu’à ces dernières années, pour exercer la profession de sage-femme, il fallait être titulaire d’un diplôme d’Etat (ministère de la santé), correspondant à 5 années d’études supérieures. La formation était assurée dans une trentaine d’écoles, rattachées ou non à des Centres Hospitaliers Universitaires (au CHRU à Strasbourg). Les élèves étaient recrutés sur concours en fin de première année de médecine (PCEM). Le nombre de places au niveau national et au niveau de chaque école était fixé annuellement par arrêté (30 places en moyenne par école, environ 1.000 par an).
La réforme en cours ne change pas l’architecture générale de la formation (5 années d’études, concours en fin de 1ère année, numerus clausus en deuxième année), mais elle l’intègre dans la réforme LMD. Première étape de la réforme : l’arrêté du 28 octobre 2009 organise et réglemente la Première Année Commune des Etudes de Santé (PACES mise en place à la rentrée 2010). C’est en fin de premier semestre que les étudiants choisissent la spécialisation (médecine, pharmacie, odontologie, sage-femme) : dix crédits sur soixante. Ils peuvent se présenter à plusieurs concours. L’admission en 2ème année dépend du rang de classement au concours. La PACES vise à permettre les réorientations des étudiants – sans perte de temps – en fin de 1er semestre ou en fin de 1ère année. Elles sont loin d’avoir parfaitement fonctionné en 2010-2011. A noter que la PACES a été très vite dénommée “L1 Santé“, alors que l’arrêté n’utilise pas le terme.
Deuxième étape de la réforme applicable à la rentrée 2011. L’arrêté du 19 juillet 2011 sur le Diplôme de formation générale en sciences maïeutiques, premier cycle du diplôme d’Etat de sage-femme (JO du 10 août 2011). “La formation comprend six semestres de formation validés par l’obtention de 180 crédits européens, correspondant au niveau licence”. Autrement dit, l’arrêté ne dit pas clairement que le diplôme ou le grade de licence est délivré suite à la réussite aux examens. L’ambiguïté demeure grande. Et pourtant, les deux années post-PACES sont déjà dénommés L2 et L3.
Cet arrêté précise les objectifs de la formation, les modalités de la formation et de contrôle des connaissances. Une annexe définit un nombre très imposant de matières à enseigner et de compétences à acquérir (rappelons que ce n’est pas le cas pour la réforme de la licence, décidée pourtant à la même date par Laurent Wauquiez-Motte. Chronique du blog sur la Licence). L’arrêté ne précise pas le volume semestriel et annuel d’heures d’enseignement, le nombre de crédits par matière enseignée. Il s’ensuit une possible foire d’empoigne entre les enseignants. Selon le témoignage d’un proche, les enseignants cherchent à placer absolument l’enseignement de leur sous-discipline, quitte à accepter de faire des cours d’une durée de 10 heures seulement, complétés par des cours optionnels, dont on sait qu’ils engendrent, au final, des heures complémentaires fort coûteuses.
Il est curieux d’observer que l’arrêté ne prévoit pas d’entrée possible sur le marché du travail à ce niveau (bac+3). C’était pourtant l’occasion d’inventer une profession intermédiaire (technicien supérieur en maïeutique : aide à la sage-femme). Retour à la hiérarchie instaurée par les corporations ? Ou possibilité pour certaines étudiantes de commencer à travailler plus tôt, d’aller chercher plus tard le diplôme de master en formation continue ? Cette architecture s’intégrerait mieux dans les Instituts d’enseignement supérieur à créer !
La troisième étape devrait concerner le second cycle (le master). Pas d’arrêté en vue ! Selon le témoignage du proche mentionné dans le paragraphe précédent, “c’est extrêmement perturbant de devoir organiser les cours, les TP, et les TD de L2 et de L3, sans pouvoir penser à la progression des connaissances et des apprentissages que nous organiserons en master”. Mais Master, il y a déjà. Une université comme celle de Dijon s’est déjà placée sur le créneau des sages-femmes cadres ou enseignantes (Master Périnatalité : management et pédagogie). Droits d’inscription : 5.000 euros en M1, 5.000 euros en M2. Ce sont là les tarifs de la formation continue.