« Un quinquennat à 500 milliards », c’est le titre d’un livre écrit par deux journalistes, qui met en exergue la croissance de la dette imputable à la gestion sarkozienne, répercussion de la crise non comprise. Pour masquer ce bilan scandaleux, qui résulte principalement des colossaux cadeaux fiscaux, les responsables de cette faillite attaquent la gauche par anticipation : « ils alourdiront les dépenses publiques », « il y aura un matraquage fiscal ». Au-delà de cette propagande, il reste que le montant de la dette est un vrai problème, du moins de l’avis de l’auteur, parce que celle-ci est l’un des premiers budgets de l’Etat et que toute augmentation des taux d’intérêt enlèverait d’autant de marges de manœuvre pour la gauche.
Mais, même si on ne peut réparer en trois ans les dégâts de la droite depuis 2002 (et avant 1997), pour autant, il est impensable que la gauche n’investisse pas dans l’avenir, notamment pour atteindre 3 % du PIB pour la recherche, objectif qui a toujours été commun aux partis de gauche. Soyons très clair : si cet objectif n’était pas PRIORITAIRE, il serait vain de parler de réindustrialisation, d’innovation, d’énergies renouvelables, d’aménagement du territoire et même du lien enseignement-recherche, lien qui conditionne la qualité de l’enseignement supérieur. Comme nous le ferons pour les programmes des autres candidats de gauche, nous faisons ici des suggestions dans un esprit constructif.
Une prise de conscience de l’ampleur du désastre que laisse la droite dans l’ES-R
Les propos de Vincent Peillon (VP), en charge du sujet auprès de François Hollande : « Si on retire le crédit impôt recherche (CIR), la France est peut-être le seul pays en Europe où l’on baisse les crédits de recherche », qui parle aussi de « manipulation budgétaire », témoignent d’une prise de conscience de l’ampleur de ce désastre. Selon Educpros, dans son entretien, VP a également évoqué « des problèmes très lourds de financement des universités », ajoutant : « Je crains que les problèmes soient devant nous », qualifiant notamment le plan Campus de rénovation immobilière des universités de « bombe à retardement ». Il constate que « les investissements d’avenir seront tous affectés en mai 2012 ». Pour dégager de nouveaux moyens, le Crédit Impôt Recherche (5 milliards €/ an) est dans le viseur. « Il y a de l’argent à prendre » dans ce domaine, assure VP. A quoi il ajoute dans le récent article de Libération : « Avec les problèmes budgétaires des universités, la droite a créé une situation intenable. Je propose d’affecter les ressources nécessaires à leurs nouvelles missions, de négocier un plan pluriannuel d’emploi et de résorption de la précarité (…). Il conviendra aussi de veiller à rééquilibrer les crédits récurrents et les crédits sur projet ».
Budget de l’ESR : au moins 16 milliards de plus sont nécessaires.
François Hollande a affiché deux objectifs prioritaires : la vie étudiante et le premier cycle. Mais tout le programme qu’il présente par ailleurs, notamment en termes de réindustrialisation, suppose qu’on atteigne le plus vite possible les 3 % du PIB pour la recherche (dont 1 % pour la recherche civile publique). Pourquoi cet objectif quantitatif ? Parce que, dès 2012, douze pays approcheront ces 3 % de très près, parmi lesquels plusieurs dépasseront les 4 %.
Où en sommes nous actuellement? Au même niveau qu’il y a dix ans : à 2,2 % du PIB, en quatorzième position mondiale (OCDE). Dans ces 2,2 %, 1,4 % sont réalisés dans le privé et 0,8 % dans le public. Mais cette répartition entre public et privé n’est qu’apparente parce que la France est l’un des très rares pays à avoir un taux très élevé de recherche militaire réalisée par le secteur public. Du fait de son histoire, elle est aussi l’un des rares pays qui finance et réalise en partie dans le public (CEA, CNES, etc.) des grands programmes technologiques et des recherches industrielles. Quoi qu’on en pense, il reste qu’au sens de la recherche publique civile « sensus stricto » (universités, organismes, agences), c’est-à-dire au sens habituel qui permet des comparaisons entre pays, la France n’y consacre que 0,55 % du PIB contre 0,75 % en l’Allemagne par exemple. 25 % de moins ! une paille ! Ce n’est pas un hasard si l’OCDE nous classe vingt-sixième sur 32 pour le budget civil de la recherche budget qui inclut bien sûr la recherche universitaire (1).
Il s’agit donc de de passer de 0,55% du PIB à 1 %. Prenons des ordres de grandeur. La somme actuelle correspondant à la recherche publique civile dans le budget de la MIRES se situe à environ16 milliards. L’augmentation nécessaire pour une remise à niveau de la seule recherche publique civile – c’est-à-dire sans parler ni de la « vie étudiante », ni des salaires des E-C correspondant à leur activité d’enseignement (forfaitairement la moitié), ni bien sûr des bâtiments, de la recherche industrielle) est donc considérable. Car passer à ce 1 % nécessite de l’ordre de 13 milliards (2) en plus dans le budget, et ce en « net » non en « cumulé ». A titre d’illustration, la promesse de Sarkozy d’augmenter de 1,8 milliards par an le budget de l’ESR aurait due se concrétiser par 1,8 (milliards d’€) x 5 (ans) = 9 milliards d’€ en « net » (différence entre la MIRES 2007 et la MIRES 2012 en € constants) et 1,8 + 2×1,8 …+ 5×1,8 = 27 milliards en « cumulé ». Dommage que la réalité soit proche de zéro (hors Crédit d’Impôt recherche bien sûr).
En combien de temps atteindre la fameuse cible de 3 %du PIB ?
L’auteur a expliqué ailleurs pourquoi ce 3 % ne pouvait être atteint qu’en une dizaine d’année, ne serait-ce qu’en raison de l’insuffisance de docteurs formés dans les sciences « dures » ou technologiques à moyen et même long terme. Le rythme proposé, gagner 0,1 % versus le PIB par an est au mieux celui qui a été adopté par les pays de tête. Si la droite avait réalisé ce rythme depuis 2002, nous serions aujourd’hui dans les 6 pays en tête.
Pour atteindre en ces mêmes 10 ans l’objectif évoqué plus haut de 1% pour la recherche publique civile, il faut 13 (milliards d’€)/10(ans) = 1,3 milliards de plus par an. Soit « en cumulé » 19,5 milliards sur les 5 ans qui viennent.
Comment financer cet objectif de consacrer 1 % du PIB à l’ES-R public ?
Si on reste dans l’objectif que se donne François Hollande de « tenir » la dépense budgétaire publique, l’auteur propose 3 pistes pour couvrir sur 5 ans les 19,5 milliards nécessaires :
– Utiliser sur 5 ans les 17 milliards du grand emprunt dédiés à l’ES-R public. Sur ces 17 milliards, le gouvernement actuel n’a prévu de distribuer aux lauréats des différents EX que les « intérêts » (4% l’an) et non le capital, soit environ 3 milliards en 4 ans. Ces 3 milliards, d’après VP « ne doivent pas être remis en cause mais réorientés par une politique de mise en réseau ». 14 milliards resteraient disponibles pour mettre en place les objectifs que se fixera la gauche.
– Récupérer 2 milliards sur le Crédit d’impôt (cf. partie 5). En effet, l’augmentation du CIR de 3,5 milliards durant le dernier quinquennat n’a été possible, comme on l’a vu, qu’en spoliant l’ES-R public. Et ce pour un résultat négligeable.
– Diminuer de 500 millions le budget de l’ANR (il est de 700 millions), notamment pour pouvoir intégrer (cf. partie 4) une partie des 15.000 CDD dont elle est responsable. Nous estimons qu’il s’agit d’une recette et non d’un redéploiement, car nous avons par ailleurs montré que l’ANR coûte aussi cher que ce qu’elle distribue si on veut bien prendre en compte les temps de montage, d’évaluation et de gestion des dossiers.
Et les autres objectifs ?
– Pour les bâtiments, il conviendra de renoncer à de nouveaux PPP ( partenariats publics privés, ne serait-ce que parce qu’ils obèrent gravement les financements à venir, pour des dizaines d’années) et d’utiliser les 5 milliards de capital du « plan campus » pour construire directement.
– Aux 1000 postes par an proposés par Vincent Peillon pour un meilleur encadrement du premier cycle, ce qui est bien mais trop timide, pourraient s’ajouter des postes d’E-C couverts, faute de mieux, par l’accroissement des crédits MIRES décrit plus haut.
– Par contre, l’amélioration de la Vie étudiante et notamment l’allocation promise ne peut être couverte par ces ressources
Pour comparaison : les propositions du FdG et d’EELV
Les programmes d’autres partis ou candidats de gauche seront analysés dans de prochains articles..
– Le Front de Gauche propose de doubler le budget de la recherche. Si on interprète cette phrase sibylline par « doubler la partie recherche de la MIRES », la proposition faite ici consiste à l’accroître de 85 %, ce qui n’est que légèrement inférieur.
– EELV propose d’accroître le budget de l’ES-R de 1 milliard par an. La proposition faite ici (1,3 milliard/an) est légèrement supérieure.
– Rappelons que Sarkozy proposait 1,8 milliard par an, dont quasiment rien n’a été mis en œuvre.
Nos évaluations montrent que tous les objectifs peuvent être mises en œuvre – hors « Vie étudiante » – sans accroître le budget général. Par contre, en aucun cas, ils ne peuvent se faire à nombre d’emplois de titulaire constant, mais le mode de financement de la plupart des emplois à créer ne relèvera pas du budget ordinaire, mais de l’adjonction à celui-ci d’une partie du capital de l’emprunt.
A suivre 4- Le plan pluriannuel pour l’emploi et la résorption de la précarité
(1) A proportion de la moitié des salaires des enseignants chercheurs, forfaitairement évaluée ainsi, les EC étant pour moitié des enseignants et pour moitié des chercheurs
(2) 16 (milliards d’€) x 45/ 55