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Joël Echevarria

Les RTRA dans la tourmente…

Une récente réunion du Centre Français des Fondations consacrée aux Réseaux Thématiques de Recherche Avancée (RTRA) et à leurs Fondations de Coopération scientifique (FCS) a mis en lumière le flou et l’incertitude dans lesquels se trouvent la plupart de ces structures. Le dernier rapport de la Cour des Comptes, publié le 8 février, enfonce le clou et se montre sévère à l’égard de l’Etat, coupable à ses yeux d’avoir “laissé filer” des structures sans réel contrôle, ni scientifique, ni financier. Seule Fondation qui trouve grâce aux yeux de la Cour : la Fondation Jean-Jacques Laffont – TSE, qui grâce à une réelle ambition scientifique et à une excellente connexion avec les entreprises, a su à la fois augmenter notablement sa dotation initiale et se positionner comme un des 10 meilleurs centres de recherche du monde en Economie.

Les RTRA ont été créés par la loi de programme pour la recherche de 2006, impulsée par le gouvernement De Villepin. Leur objectif était d’atteindre cette fameuse « taille critique » en rassemblant, sur un thème donné, des laboratoires de très haut niveau autour d’un noyau dur d’unités de recherche géographiquement proches, afin d’être compétitif avec les meilleurs centres de recherche au niveau mondial.
13 RTRA furent ainsi « labellisés » après appel à projet, couvrant les principaux domaines de la recherche : mathématiques, physiques, chimie, sciences de l’ingénieur, sciences de l’information et de la communication, sciences de l’information et de la communication, sciences de la vie, économie, sciences humaines et sociales. Seule discipline à disposer de deux RTRA : l’Economie, avec PSE (Paris School of Economics) et TSE (Toulouse School of Economics).

Le gouvernement avait prévu d’adosser chaque RTRA à une structure porteuse, une Fondation de Coopération Scientifique, OVNI juridique créé pour la circonstance. La FCS devenait le bras armé du RTRA, en collectant des fonds publics (l’Etat y a injecté globalement 200 millions d’Euros) et privés et en assurant ainsi la pérennité du RTRA.

L’Etat devait mettre en place un contrôle de ces RTRA comme l’indique cet extrait d’un document officiel : « Chacun d’entre eux [les RTRA] a signé avec l’État un contrat d’objectifs incluant des indicateurs spécifiques. Ils sont une expérience nouvelle pour la plupart des communautés sélectionnées. Au-delà d’une phase d’apprentissage, le suivi et l’évaluation à moyen terme de ces structures permettront un premier bilan de ce système dont le succès devrait être garanti par la qualité des équipes sélectionnées. »

Mais la réalité est toute autre, comme le dénonce la Cour des Comptes. A l’issue du contrat quinquennal initial (signé en 2006-2007 et donc arrivant à échéance en 2011), une bonne partie des FCS présentes à la réunion du CFF ont exprimé leurs plus vives inquiétudes quant à leur pérennité : tarissement des fonds, manque de politique scientifique claire, absence de contrôle ou d’accompagnement de l’Etat, lancement de nouveaux outils (Labex, Idex, etc.) issus du grand emprunt qui semblent se substituer à l’outil RTRA.

Faute d’avoir voulu ou pu collecter des fonds privés, de nombreuses FCS (à l’exception notable de la FCS Toulouse School of Economics, que la Cour des Comptes désigne comme la notable exception) ont progressivement consommé la dotation initiale de l’Etat – limitée à 20% par an -, et plus personne ne répond côté Ministère quand la question est posée de « l’après 2011 ». La Fondation Campus Condorcet pourrait ainsi être une des premières FCS à se dissoudre. Les Sages de la Rue Cambon préconisent d’ailleurs la dissolution des FCS qui fonctionnement mal. Si on rajoute à cela la gymnastique quotidienne que doivent faire les animateurs de ces FCS pour évoluer dans un cadre juridique flou, avec des instructions ou des recommandations ministérielles fluctuantes, on comprend l’inquiétude de ces Fondations.

Et avant même d’avoir fait le bilan de ces RTRA, l’Etat dégaine en 2010 de nouveaux outils issus du Grand Emprunt, avec de nouvelles règles du jeu, de nouveaux objectifs de « taille critique », de nouveaux engagements de contrôle et de pérennité, etc. : Labex, Idex, Equipex, Idefi, …

Ce mille-feuille technocratique, dénoncé par la Cour, est d’ailleurs regretté par Laurent Wauquiez dans sa réponse aux Sages, même si dans son esprit, sans qu’il le dise expressément, les dispositifs “investissements d’avenir” vont de facto se substituer aux conventions RTRA de 2006 (certains RTRA ayant été porteurs de projets labellisés en 2011 et 2012).

Dommage que dans ce domaine comme dans bien d’autres (la fiscalité par ex.), la stabilité des politiques publiques ne soit pas encore à l’ordre du jour. Combien de bonnes idées ou de projets prometteurs abandonnés en cours de route pour le bon vouloir ou le bon plaisir d’un successeur plus zélé ou plus opportuniste ? Même s’il est communément admis, comme le souligne le dicton, « qu’on remplace toujours un incompétent et qu’on est toujours remplacé par un intrigant », on peut considérer que les acteurs de l’enseignement supérieur français (chercheurs, enseignants, techniciens, étudiants, etc.) méritent mieux que ces valses à 3 temps.

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