Chronique sur les formations en Arts appliqués : le difficile ou l’impossible chemin de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur et au “bon” emploi ! Journée Portes Ouvertes au Lycée et CFA Le Corbusier (Illkirch-Graffenstaden, Bas-Rhin). Lycée CFA des métiers de l’architecture, de la construction & du design. Mon attention avait été attirée sur ce lycée car il délivre un Diplôme supérieur d’arts appliqués (DSAA) à bac+4. Chronique : “Quatre ans d’études supérieurs en lycée“. Je me rends au lycée, samedi 18 février, en vue de comprendre l’architecture des diplômes supérieurs d’Arts appliqués. Quatre BTS à La Corbusier, mais pas en alternance alors que le lycée accueille un CFA : communication visuelle (option graphisme, option multimédia), design d’espace, design de produits. Album de 50 photos.
Je discute avec Bruno, professeur agrégé dans le DSAA Créateur concepteur (photos). Diplôme en deux ans après un bac+2, permettant une poursuite d’études à bac+5, mais absence d’enquête de suivi des diplômés. Des effectifs réduits : la capacité d’accueil est facilement pourvue ; les élèves viennent de partout. De fort bonnes conditions d’études : les classes supérieures des lycées sont encore protégées de la réduction des effectifs enseignants, mais l’inquiétude règne. Gérard, professeur de génie civil, me fait visiter les nouveaux bâtiments (photos), financés par la région (mais la construction de l’un d’entre eux est arrêtée à cause de la faillite d’un sous-traitant).
Le DSAA, une pédagogie basée sur la réalisation de projets en partenariat avec une collectivité territoriale ou une entreprise locale. Les projets sont valorisés chaque année par une plaquette éditée par le Lycée et donc valorisables par chacun des élèves pour son CV. Les projets en cours sont exposés dans les salles de cours pour la journée Portes ouvertes. Apprendre en faisant. Je suis admiratif.
Quelles formations pour les passionnés d’architecture intérieure, de design, de graphisme, bref pour les amoureux des arts appliqués ? Les bacheliers 2012 ont encore 3 semaines pour saisir, dans Admission post-bac, leurs voeux de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur. Que propose Admission post-bac ? Trois types de formation semblent plutôt adéquats dans la liste proposée : diplômes des Métiers d’art (66 formations et… 34 spécialités possibles en lycée ou en CFA), Ecoles supérieures d’art (17 formations), et pourquoi pas Ecoles d’architecture (22 formations). Fort logiquement, aucune 1ère année de licence n’est proposée quand on explore, dans Admission post-bac, ces 3 types de formation.
Dans quelles régions sont proposées les diplômes des métiers d’art ? Forte concentration à Paris : 37 formations ; aucune autre région n’en a plus de 4. Les métiers d’art : une formation de proximité ou pour les enfants de riches ? En Alsace, zéro formation.
Y aurait-il d’autres formations d’arts appliqués que celles mentionnées ci-dessus ? Oui ! Où se cachent-elles dans Admission post-bac ? Dans les BTS de communication (graphisme), de design (5 spécialités dont le design de produits). Dans un DUT (spécialité sciences et génie des matériaux – arts appliqués). Dans des licences d’arts appliqués… S’orienter vers un diplôme en arts appliqués : un parcours du combattant.
Comment choisir ? Lire les maquettes des formations ? Valeur des diplômes sur le marché du travail ? Privilégier par exemple l’accès sélectif (sélection dans toutes les filières, sauf la licence) ? Ou plus simplement la proximité ? EducPros vient de mettre en ligne un palmarès (L’Etudiant. Palmarès des Ecoles d’Arts appliqués). Il se fonde sur des enquêtes auprès de professionnels qui recrutent. Trois domaines : architecture intérieure (18 écoles citées dont 10 à Paris), Design objet (15 écoles citées dont 7 à Paris), Graphisme (26 écoles citées dont 10 à Paris). Les écoles de Paris dominent le palmarès, surtout pour l’architecture intérieure et à un moindre degré pour le Graphisme. Problème : ces formations sont-elles ouvertes aux néo-bacheliers ? Ce qui est certain : des écoles élitistes.
Après le bac, la proximité de la formation avec le domicile des parents peut être un critère clé de choix. A la recherche des formations en Arts appliqués en Alsace. Dans cette région, l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (ESADS) est la seule Ecole d’Alsace qui figure dans le palmarès de L’Etudiant : elle se classe 13ème pour le Desgin Objet, 14ème pour le graphisme.
Faible lisibilité de l’offre de formation en arts appliqués en Alsace, mais aussi dans les autres régions (à Paris, l’offre est fort abondante et hiérarchisée). Par rapport aux BTS et au Diplôme supérieur d’arts appliqués (DSAA) du lycée Le Corbusier, quelles concurrences ? Celle de l’ESADS (lire supra) ? Celle de l’Ecole d’architecture de Strasbourg (ENSAS) ? Pas directement. Celle de l’INSA Strasbourg (formations d’ingénieur et de master) ? Pas directement. Celle de licences universitaires en Arts et arts appliqués ? Il en existe une à l’université de Strasbourg. Mais il y a aussi la concurrence du privé, celle de l’Institut supérieur des arts appliqués (LISAA) ; droits d’inscription en BTS supérieurs à 7.000 euros.
Ce parcours à la recherche de formations post-bac en Arts appliqués en Alsace, formations dont j’avais une faible connaissance, m’a déstabilisé et choqué. Pléthore de diplômes et donc questionnement sur une probable gabegie de la dépense publique (les diplômes privés du LISAA sont reconnus par le ministère de la culture et de la communication). Impossibilité de choisir rationnellement une formation et donc angoisses des familles et des élèves de terminale : une formation privée et fort coûteuse n’est-elle pas meilleure qu’une formation de BTS gratuite ? Et évidemment aucune enquête du devenir professionnel, commune à toutes ces formations ! Dans les Arts appliqués, les enfants des classes populaires et moyennes ont-ils les mêmes chances de trouver un bon emploi que les enfants des classes aisées ? S’orienter et choisir dans le brouillard ! Je m’indigne !