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Henri Audier

Recherche publique civile : avons-nous vraiment gagné 15 places en un an au classement OCDE ? Explications.

L’an passé, l’OCDE donnait un classement des pays en fonction du « Civil budget R&D as a pourcentage of GDP (PIB) » (1). La France arrivait 26ème sur 32 classés pour l’année 2010 avec 0,55 % du PIB (référence 1, page 19, troisième tableau). Surprise ! un an après (2), en 2011, avec la même présentation (référence 2, page 19, troisième tableau), la France se retrouve onzième avec 0,79 % du PIB (3).

Explications

1- Wauquiez encore meilleur que Pécresse ! Il est connu que la France fait des pressions constantes sur Eurostat ou l’OCDE. Pour l’effort total de recherche français (DIRD), Eurostat avait publié le chiffre de 2,16 % pour 2010. Pécresse était alors intervenue pour faire accepter ses tripatouillages habituels (dont les changements de périmètres), afin de gonfler le chiffre à 2,26% !

2- La différence signalée provient de l’utilisation de deux concepts différents, qu’on peut schématiser comme suit : 0,55 % du PIB, c’est le budget civil de la recherche publique et 0,79%, c’est le budget public civil de la recherche.

3- Pourquoi une si grande différence ? Parce que la France finance sur son budget public civil des aides au privé ainsi que de la recherche industrielle, notamment pour partie la recherche des grands programmes technologiques (nucléaire, spatial, aérospatial, etc.). Sans parler du fait que, sous ces lignes budgétaires, sont aussi camouflées des recherches militaires.

4- Alors, quid des autres pays ? Il y a une exception française, liée au rôle historique (notamment sous le gaullisme) des entreprises et organismes publics, dont on garde de beaux restes (et que nous ne critiquons pas). La plupart des pays n’ont pas de grands programmes technologiques. Quand c’est le cas, comme au Royaume-Uni, ils sont classés avec la recherche privée (le nucléaire depuis 1992 !). Seuls 4 ou 5 pays ont une recherche militaire importante. L’aide directe de l’Etat à la recherche privée, au travers du budget public civil de la recherche est beaucoup plus forte en France que dans tous les autres pays d’après l’OCDE (sauf la Russie).

5- En résumé, dans la quasi-totalité des pays (sauf peut-être aux USA et en Russie), les concepts de budget civil de la recherche publique et de budget public civil de la recherche ont le même contenu (universités + organismes + agences) et conduisent au même chiffrage. Pour mener une comparaison internationale rigoureuse, c’est donc bien 0,55 % du PIB qui représente le budget civil de la recherche publique pour la France et elle se situe donc bien au vingt-sixième rang sur 32 !

Pourquoi est-ce important ?

L’objectif européen est de 1 % du PIB pour la recherche publique et 3 % du PIB pour la dépense intérieure (DIRD = public + privé). Avec ses 0,55 %, la France a un rattrapage considérable à effectuer pour son budget civil de la recherche publique : universités, organismes, agences.

Il serait souhaitable que l’OCDE suive l’évolution de ces deux concepts, tous deux significatifs et qui sont très différents, mais il est regrettable de passer de l’un à l’autre, d’une année sur l’autre, sans même attirer l’attention du lecteur.

Pour le reste, les dernières données de l’OCDE nous indiquent que pour l’effort global de recherche (public + privé), nous nous traînons toujours lamentablement en quatorzième ou quinzième position mondiale (que nous disputons avec l’Australie dont on n’a pas le dernier chiffre). Nous en sommes au niveau de 2002 (2,23% du PIB), alors que dans la même période beaucoup de pays ont gagné 0,5, voire un point de PIB. Beau succès de la droite ! Avec toutes les conséquences sur la désindustrialisation, le commerce extérieur et l’emploi !

(1) OCDE, “Principaux indicateurs de la science et de la technologie”, volume 2011/1

(2) OCDE, “Principaux indicateurs de la science et de la technologie”, volume 2011/2