Suite des chroniques sur les élections aux conseils centraux de Toulouse 1 Capitole (”Sire ! Le Capitole brûle-t-il ?“, “Présidents de Toulouse 1 en photos“). 25ème chronique sur le SUP en Midi-Pyrénées.
Axe 1 de la profession de foi de la liste “Rayonnement et excellence“, conduite par Bruno Sire, président candidat à sa réélection. “La démarche qualité, qui est inscrite dans notre contrat quinquennal, sera, tout d’abord, mise en œuvre. Le chantier est lancé et nous le poursuivrons autour d’une équipe dynamique qui se donne un objectif ambitieux : arriver à une certification ISO 9001 sur plusieurs sous-ensembles avant la fin du contrat”. La certification : une bonne idée ou une fausse bonne idée ?
La démarche qualité est expliquée sur le site de l’université. Les objectifs sont fixés pour la période du contrat quinquennal. “Par où va-t-on commencer : par l’évaluation des enseignements ! Diantre : celle-ci est obligatoire depuis les décrets Bayrou de 1997 ! Le contrat quinquennal : je ne l’ai pas trouvé sur le site ; help au lecteur ! Dommage car celui-ci fixe des objectifs à atteindre et leur réalisation est suivie par des indicateurs : quel objectif l’université s’est-elle fixée pour le taux de passage direct en 2ème année de licence ? pour l’obtention de la licence en 3 ou 4 ans ?
Navigation sur le site de l’université à la recherche de données chiffrées sur longue période : indicateurs de performance sur les formations, les parcours, les taux de succès et d’insertion des différents diplômes. Certifions l’excellence ! Pour engager une démarche d’amélioration continue, il faut savoir où on en est, fixer une date de départ pour mesurer les progrès !
Les chiffres à l’UT1 fournissent des données sur les activités et sur les ressources, et non sur les résultats. Insuffisant pour l’organisme certificateur. Le nombre d’étudiants par filière de formation n’est pas un indicateur de qualité…
L’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE), dirigé par Marc Boudier, par ailleurs président du RESOSUP, fournit des données et des indicateurs pour les formations et les insertions. Premier document consulté : la Lettre n°8 de l’OVE (septembre 2011) : plusieurs résumés d’enquêtes sur les étudiants de 1ère année, sur le devenir des diplômés de licence professionnelle, de master, et de doctorat. Impossible à partir de ces résumés de prouver l’excellence de chacune des formations, des progrès qu’elles ont réalisés au fil du temps.
Deuxième document consulté, un document de 15 pages, pertinent et bien fait (juin 2010). Les indicateurs de performance, année universitaire 2009-2010, évolution depuis 2001. Pour la licence, les indicateurs figurent page 10 : les résultats aux examens en cursus L. Taux de réussite en L1 des primo-entrants et taux de réussite en L3 : la performance globale n’est pas bonne et ne progresse pas depuis l’année 2001-2002 (courbe du bas de la page). Le taux d’obtention de la licence en 3 ou 4 ans (page 12) est inférieur à 40% et n’a pas pas progressé pour les 5 cohortes observées. Un point faible : il s’agit de taux globaux et non par sous-ensembles disciplinaires et encore moins licence par licence. Vous avez dit excellence ? Pour la licence, la certification n’est pas pour demain.
Troisième document consulté. Rentrée 2011 : données sur les 2.470 primo-entrants en 1ère année de licence. Document essentiel mais qui n’a pas pour but de mesurer l’excellence. Il décrit les profils scolaires et sociodémographiques, la construction du choix d’études (voeux dans Admission post-bac), les conditions d’information sur les formations, les projets d’études et les motivations. “90% d’entre eux ont choisi volontairement la filière dans laquelle ils sont inscrits et ont un profil scolaire adapté”. C’est là, des études de la DEPP l’ont montré, une condition importante du succès en licence. Problème : soit, pour cette cohorte récente, le taux de passage en 2ème année de licence sera meilleur que dans les cohortes précédentes ; soit, il y aura une contradiction entre les documents 2 et 3. L’organisme certificateur Qualité se posera évidemment la question… si on lui donne la mission de certifier la qualité des licences !
Quatrième document consulté. L’insertion professionnelle des diplômés de licence professionnelle 2008, deux ans et demi après l’obtention du diplôme. Les différents critères d’insertion (taux d’emploi, taux de professions intermédiaires) sont ceux attendus eu égard aux enquêtes nationales. Mais si l’enquête n’est pas utilisée pour constituer des répertoires d’emplois, licence par licence, la certification Qualité de telle ou telle licence ne pourra être établie.
La volonté de prouver l’excellence par une certification pourrait pousser l’université de Toulouse 1 Capitole à des pratiques visant les conditions de l’entrée à l’université : établir une sélection à l’entrée de plus en plus en diplômes, en professionnalisant à outrance l’offre de formation. Cette tendance est déjà observable par l’existence de doubles diplômes, de composantes à entrée sélective (licences et masters pros, formations en anglais, IAE, IEP, Ecole d’économie et peut-être bientôt Ecole de droit). L’emploi du terme “certification de sous-ensembles” est d’ailleurs révélatrice. Peut-être le projet politique de Bruno Sire est-il, consciemment ou non, celui-là : renforcer le nombre de formations certifiées, gage d’une plus grande attractivité, et donc d’une sélection encore plus rigoureuse, et donc encore de meilleurs résultats, gages d’un maintien de la certification. La boucle d’un cercle vertueux.
Bref, une université à deux vitesses au sein des mêmes murs. Pas tout à fait les mêmes murs car les crédits du Plan Campus iront aux constructions des formations élitistes. D’un côté, des licences ouvertes à toutes et à tous et ayant de mauvaises performances comme c’est le cas démontré par les études de l’OVE. D’un autre côté, des formations de plus en plus sélectives, attractives au plan national et international. Des étudiants délaissés d’un côté, des étudiants privilégiés d’un autre côté.
La certification Qualité : une politique contre la démocratisation de l’accès et du succès dans l’enseignement supérieur ! Une politique clairement libérale ! Bruno Sire, est-ce la politique que vous voulez accentuer au cours de votre second mandat ?