La réussite éducative se concrétisera dans un bon fonctionnement de l’orientation des personnes. Cela suppose comme je le répète dans ce blog une modification radicale de notre conception de l’orientation scolaire, et la suppression des procédures d’orientation au collège. Mais cela supposera alors un renforcement de l’aide auprès des élèves, des jeunes, pour leur permettre de construire des choix, des projets, des représentations de leur avenir. L’éducation à l’orientation permettant l’acquisition des compétences à s’orienter au cours de la vie adulte devra être également réellement mise en œuvre.
Pour tout cela les enseignants et les personnels d’orientation seront les premiers impliqués, mais ils ne sont pas les seuls acteurs, nécessaires et pertinents en ce domaine. D’autres acteurs seront sollicités : les parents, les collectivités territoriales (ville, département, région), les entreprises, et la société civile.
Nous consacrerons ce billet à cette « société civile » et à quelques débats qu’elle agite.
La société civile, un terme flou
« Le terme de société civile est employé pour parler globalement de personnes et groupes de personnes organisés collectivement, indépendamment de l’Etat.
Sous cette appellation, on regroupe des mouvements, organisations, associations qui agissent en dehors de l’Etat et des pouvoirs constitués, pour faire prendre en compte leurs valeurs ou leurs intérêts par les décideurs politiques et économiques. Les ONG, les syndicats, les associations d’usagers, les groupements paysans, les entreprises par exemple, font en théorie partie de la société civile. » Une définition parmi d’autres.
Parmi toutes ces formes d’organisation, celles qui nous intéresseront ici seront les associations, organisation à but non-lucratifs qui s’investissent d’une manière générale dans l’aide auprès des jeunes. Elles sont une multitude sur le territoire français, de taille variable. Certaines ne représentent que leur président, d’autres des intérêts locaux. Certaines sont affiliées à des organisations politiques, religieuses, professionnelles. Aider les jeunes et en particulier en ce qui concerne leur orientation est une thématique particulièrement partagée.
L’éducation étant contrôlée majoritairement par l’état, reste le périphérique. L’insertion en tant que moment de connexion avec la réalité sociale est particulièrement importante pour ces associations. C’est un » entre-deux » mondes, un moment d’incertitude et donc de malléabilité des jeunes et qui pour beaucoup dure de plus en plus longtemps.
Le laisser-faire dans ce domaine peut-être dangereux socialement. Toutes les dérives sont possibles.
L’observation des politiques éducatives locales
L’institut Français de l’Education et le laboratoire Triangle, de l’Ecole Normale Supérieure organisaient à Lyon le 30 mai 2012 le lancement de l’Observatoire des Politiques Educatives Locales, sous la houlette de Daniel Frandji, sociologue. Le Cafépédagogique en a rendu compte : Quel avenir pour les politiques éducatives locales ?
Nous retiendrons deux interventions qui y sont rapportées.
Et tout d’abord celle de Nathalie Mons :
“Plus que la décentralisation politique, c’est l’autonomie scolaire et pédagogiques qui semble soutenir positivement les apprentissages scolaires, plus que l’autonomie administrative du chef d’établissement noyé sous un ensemble de tâches sans rapport avec les apprentissages. Et le consensus se fait sur l’importance de la régulation par l’état central, en matière de contrôle des curriculum. »
Cette conception de l’autonomie ouvre le thème, au moins possible, de la participation des acteurs locaux à la production éducative.
Dominique Glasman de son côté à pose une série de questions :
“Encore faudrait-il comprendre dans le détail ce qu’on y fait. Un observatoire ne peut pas faire l’impasse sur ce qu’on met derrière le terme “éducatif”, et notamment l’apport qui est réellement fait par les associations d’éducation populaire, pour jouer le rôle d’aiguillon des politiques publiques. En effet, elles disent elles-mêmes que la nécessité de professionnalisation de leurs acteurs a nécessité qu’elles soient progressivement intégrées aux politiques publiques. – quelle évaluation de la qualité, de la diffusion des innovations ? – quelle relation entre le public et le privé sur un territoire ? Les entreprises de soutien scolaire privé font des appels d’offre aux collectivités.”
Mais une « observation » ne fait pas une politique.
Actualité riche de cette préoccupation
De son côté, PRISME organise sa huitième Université d’été les 5 et 6 juillet 2012 au CNAM Paris, dans le cadre de la Biennale de l’Education et de la Formation.
« En quoi les projets éducatifs territoriaux sont-ils facteurs de réussites éducative et sociale pour tous les acteurs de l’éducation dans sa globalité (enfants, jeunes, familles, professionnels, associations, institutions publiques, collectivités territoriales…) ?
Quels accompagnements et leviers mobiliser dans les différents temps et lieux ayant vocation et finalités éducatives, dans l’école et hors de celle-ci ? »
L’éducation, et tout ce qui en découle, orientation, formation, insertion… ne relèvent plus seulement de l’Etat. Un consensus s’installe sur ce partage de responsabilité. Ainsi, lors de son dernier congrès, la FCPE prône de son cote une “coéducation” parents/enseignants.
Mais ce partage ne va pas de soi.
A l’ouverture du 5ème Forum des enseignants innovants à Orléans, le 1er juin 2012, l’innovation est replacée dans son contexte local. Ainsi, la complémentarité Etat, collectivités est importante pour donner de la cohérence au-delà des contraintes ressenties par les acteurs. Les acteurs internes à l’éducation nationale se méfient souvent de l’intrusion des autres acteurs, et ceux-ci considèrent le plus souvent ses règles comme étant des restrictions à leurs actions.
Une proposition parmi d’autres
L’association Actenses vient de lancer un appel intitulé :
La Société civile doit se mobiliser pour l’égalité des possibles dans l’éducation .
« Mais l’Ecole ne peut pas, seule, faire face à l’ampleur du chantier de restauration de l’égalité. C’est la société civile dans son ensemble qui doit se mobiliser, aux côtés de l’Education Nationale. Il s’agit là d’un chantier majeur : apporter aux élèves de tous niveaux, dans les territoires délaissés, l’accompagnement, la connaissance des métiers, les réseaux, le soutien indispensable à la confiance en soi, qui sont des éléments déterminants d’un parcours, quel qu’en soit la nature et la durée, choisi et réussi. »
Ce texte se termine par la proposition suivante :
« Nous proposons la création ‘un label «association référent Egalité des chances ». Ce label serait attribué aux associations partenaires de l’Education Nationale, après un examen attentif de la qualité des interventions, de leur pertinence, et de leur caractère désintéressé.
La lutte pour l’égalité réelle passe impérativement par une action concertée de la communauté éducative, des élèves, des parents, et des associations, intermédiaires avec la société civile qu’il faut aussi mobiliser. L’analyse de nos complémentarités avec l’Ecole, et la reconnaissance de notre légitimité par ce label, constitue le cadre qui nous permettra de rassembler nos énergies. A l’heure où notre pays s’interroge sur son avenir collectif, nous devons remettre l’égalité au centre du débat. En 2012, les français naissent toujours égaux en droits et en talents, unissons nos forces pour qu’ils le demeurent ! »
Le principe de labellisation peut permettre une « vérification » de la nature de chaque association, mais surtout comme l’indiquait Dominique Glasman, elle permet par ses exigences de faire évoluer la professionnalité des intervenants, sans pour autant transformer les acteurs bénévoles en professionnels.
Bernard Desclaux