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Henri Audier

Les cadavres dans le placard en héritage. 1- Les crédits

La ministre de l’ES-R était tout juste nommée que les mouches du coche se déchaînaient. Sous couvert de prendre la tête de l’opposition au nouveau gouvernement, en fait pour affaiblir des syndicats les plus représentatifs, un politiste, fier de sa compétence et de son orthographe écrivait :

« Au moins contre Pécresse-Wauquiez on se battait contre la droite… et tous les ectoplasmes de centre gauche applaudissaient joyeusement en nous regardant, de loin, monter à l’assaut… tout en attendant leurs bénéfices électoraux. Maintenant que ce sont eux qui feront la même politique que Pécresse-Wauquiez : lorsque nous tiendront (sic) le même discours, ils nous traiterons (sic) de “salles gauchistes irresponsables”… freinerons (sic) toutes les mobilisations comme ils ont commencé à le faire au “Snesup-CFDT” (la moitié droite du Snesup + le CA groupusculaire de SLR-PS)… et nous poignarderons (sic) dans le dos au moment des négociations confinées avec le ministère, surtout si il (sic) ne sentent pas dans la partie gauche de leur dos cette petite piqure caractéristique d’une baïonnette qui le menace de voir disparaître leurs adhérents, leurs électeurs et de leur voire perdre leur pouvoir (CNU, Présidences d’Universités, etc) à échéance de quelques années. »

Nous confirmons tout ce que nous avons demandé et écrit par le passé, mais, alors que les législatives sont loin d’être gagnées d’avance, il faut rendre à César ce qui est à César. En héritage, la droite laisse tout à la fois une dette colossale (+ 600 milliards en 5 ans), un retard considérable en matière d’ES-R, un appareil productif terriblement affaibli comme en témoignent, notamment, les cinquante plans de licenciement qui avaient été mis sous le tapis pendant la présidentielle.

Un audit des finances

Dans un entretien donné au Monde (02/06/12), Geneviève Fioraso déclarait : « Nous attendons l’audit de la Cour des comptes. Nous ferons un bilan complet la troisième semaine de juin. A partir de là, nous connaîtrons nos marges de manœuvre et le calendrier possible. Il y aura un collectif budgétaire. J uel] n’a pas été budgété. D’autres dépenses, que je ne peux révéler pour l’instant, qui ont été annoncées et largement valorisées auprès des médias et de la communauté ne le sont pas non plus. »

Mais à quand d’autres bilans ?

Nous ne reviendrons pas ici sur tous les truandages de présentations budgétaires effectués pendant des années par Valérie Pécresse. Il faut que, officiellement, le ministère fasse un bilan de l’évolution réelle des crédits et emplois de l’ES-R depuis 2007 et même depuis 2002, c’est-à-dire en tenant compte non seulement des changements de périmètres du budget, mais aussi de tous les gels et suppressions intervenus en cours d’années. La ministre a besoin de ce bilan pour défendre son budget : durant la campagne, l’actuel ministre des finances n’a pas su argumenter dans un débat face à Valérie Pécresse sur les prétendus milliards qui nous auraient inondés !

De même la lutte contre la précarité étant l’un des 60 engagements du Président de la République, il faut créer une commission administrations-syndicats pour lancer un vrai recensement des précaires, sans parler d’un geste fort et immédiat en leur faveur.

Une baisse des moyens de laboratoires amplifiée par le dépeçage des crédits ANR

Si, comme promis, il doit y avoir « rééquilibrage des crédits récurrents et des crédits sur projet », donc transfert de crédits ANR vers les organismes, le dépeçage récent des crédits de l’ANR a entrainé une amplification de la baisse des moyens des labos.

Si la ministre a trouvé un dixième mois de bourses étudiantes non financé, la Cour des comptes (cf. l’analyse de l’exécution du budget de l’État en 2011) a découvert comment la fin de l’année 2011 a été financée : «  Le versement en 2011 de l’intégralité du dixième mois de bourse  a notamment conduit à prélever 41,5 millions d’euros sur les crédits prévus pour l’ANR ». La Cour ajoute que ce transfert fait suite à deux annulations de crédits pour un montant cumulé de 17 millions d’euros, par les lois de finances rectificatives du 29 juillet et du 19 septembre 2011. Or la dotation de l’ANR avait déjà été « ajustée de 68 millions d’euros pour tenir compte du financement de projets par les programmes d’investissements d’avenir dans le domaine de la biologie, de la santé, des écosystèmes, du développement durable et de l’environnement ».

C’est ainsi qu’à la forte baisse des crédits budgétaires de base des laboratoires, dans les budgets 2011 et 2012 notamment, s’ajoute la disparition de 120 millions de crédits ANR.

« La dette auprès de l’Agence spatiale européenne culmine à 441 millions d’euros »

A cette situation, il faut rajouter les dettes camouflées pour le profane. Ainsi le même rapport de la Cour des comptes affirme : « La contribution française à l’Agence spatiale européenne retient depuis plusieurs années l’attention (…). La dotation que le CNES (Centre national d’études spatiales) reçoit chaque année à cet effet a été pendant la dernière décennie tendanciellement inférieure aux appels de contributions françaises de l’ESA. (…). Il en résulte une dette de contribution de la France qui culmine à 441,3 millions d’euros en 2011, en hausse de 80 millions d’euros par rapport au point haut déjà atteint en 2010. (…) Entre 2008 et 2010, la contribution française à l’ESA est restée inchangée (685 millions d’euros) et la dette française envers l’institution n’a cessé de croître. L’effort budgétaire a été repoussé à 2011 et aux années suivantes ». Merci pour l’héritage à payer (cela représente rien moins que l’équivalent de 7000 emplois annuels !!) qui, de plus, diminue d’autant la marge de manœuvre. Mais les PDG, les traders, les banquiers, les rentiers, les trafiquants, eux en ont profité.

Un dépassement de 575 millions du CIR

Enfin, le rapport déjà cité de la Cour souligne la difficulté de prévoir le coût du CIR, coût qui à l’évidence a été minimisé (ce sont les entreprises qui déclarent ex-post) : « En 2001, l’exécution [du CIR] fait apparaître un dépassement de plus de 575 millions d’euros par rapport au cadrage du PLF, cadrage pourtant reproduit presqu’à l’identique dans le PLF 2012 ».

575 millions, c’est la moitié de ce qu’il faudrait pour résorber la précarité tout en encadrant mieux les premiers cycles, tout en donnant de l’oxygène à nos laboratoires. Espérons que le CIR ne sera pas reconduit en l’état et à ce niveau.

Prochains articles :

Les cadavres dans le placard en héritage. 2- Le Plan campus

Les cadavres dans le placard en héritage. 3- Le Grand emprunt