Chronique “L’élection du président annulée“. Commentaire de Jean-Yves Coquelin, “élu au CA de l’université Bordeaux 3 et candidat à la présidence de cette université le 23 mars 2012, je voudrais préciser et rectifier quelques points.
1. Pierre Beylot a d’abord saisi la commission électorale qui s’est déclarée incompétente sur le cas d’espèces. C’est donc la procédure de requête devant le TA qui a pris le relais.
2. Le Tribunal administratif, lorsqu’il est saisi d’une requête, lance une instruction écrite. Il n’y a pas d’enquête à proprement parler, mais des mémoires écrits par les parties qui se répondent durant la phase instruction qui a ici duré moins de deux mois. Des faits sont rapportés par les uns, éventuellement contredits par les autres. Pour cette affaire, les faits rapportés sont simples : entre le premier et le deuxième tour, Jean-Paul Jourdan est passé de 8 voix à 12, atteignant la majorité absolue (qui, pour 22 électeurs est à 12 et non à 11). Or, pendant ce scrutin, si le secret du vote a été respecté, l’utilisation d’instruments électroniques a pu favoriser la communication entre élus et entre les élus et l’extérieur. Or, la loi stipule que le huis-clos est de rigueur. Elle prévoit même une suspension de séance d’une demi-heure entre le deuxième et le troisième tour et limite le nombre de tours par réunion du CA à 4. Si elle prévoit une suspension de séance entre le deuxième et le troisième, c’est qu’il n’y en a pas – pas même électronique – entre le premier et le deuxième. Ces faits n’ayant pas été “utilement contredits”, précise le jugement du TA, la décision ne pouvait aller que dans le sens d’une annulation de l’élection. Point. Le droit s’applique effectivement, même aux universités et aux universitaires. Comme au conclave des cardinaux, sinon Moretti n’aurait pas eu l’idée de faire son huis-clos papal.
3. Plutôt que de stigmatiser le “mauvais perdant”, c’est-à-dire Pierre Beylot qui a déposé la requête – ou moi-même d’ailleurs (dans les couloirs de l’université) qui n’ai fait que confirmer ces éléments objectifs par écrit, ayant été requis par la justice pour donner mon témoignage comme les deux autres candidats -, ne vaudrait-il pas mieux se demander : a) pourquoi le huis-clos n’a pas été garanti par ceux qui ont en charge de faire appliquer la loi ? b) pourquoi la défense (totalement et étonnamment inexistante) avancée par l’université et Jean-Paul Jourdan n’a pas permis de convaincre le tribunal que la sincérité du scrutin n’avait pas été atteinte ? Certains commentaires font comme si c’était celui qui dénonçait la bévue qui en était responsable. Il conviendrait de remettre les chose dans l’ordre, non ?
4. L’université Bordeaux 3 n’est pas paralysée : un administrateur provisoire a été nommé par le recteur le jeudi 31 mai, qui n’est autre que Patrice Brun, ancien président, qui, ironie de l’histoire, était déjà administrateur provisoire de cette même université le 23 mars et a présidé au déroulement de ce scrutin. Il dispose de tous les pouvoirs d’un président. Tous (sauf la prime de président comme il l’a précisé lors de la dernière réunion du CA réduit qui s’est (bien) tenue vendredi 1er juin). Il a même nommé aussitôt Jean-Paul Jourdan “chargé de mission aux affaires générales”. Quand on n’est plus président, on peut toujours être premier ministre.
Il existait une autre solution pour provoquer très rapidement une nouvelle élection : reconnaître la décision de justice, faire un mea culpa rapide et indolore sur l’utilisation des portables lors du scrutin et passer à une nouvelle élection. Au lieu de cela : alors que la décision a été connue dès le jeudi 24 mai au soir, l’université (ou Jean-Paul Jourdan, je ne sais pas) va faire appel pour que l’affaire soit rejugée dans les deux mois. S’il obtient gain de cause, il redeviendra président au cours de l’été, sinon, une nouvelle élection aura lieu en septembre.
5. Quel est le préjudice pour l’établissement ? Faut-il considérer qu’une université dans laquelle chacun s’emploie à faire respecter la loi voit automatiquement sa réputation ternir ? J’aurais plutôt tendance à penser le contraire. Mais j’entends bien la dérive procédurière… qui n’est jamais dénoncée que quand les décisions de justice vous sont défavorables… Pierre Dubois lui-même ne s’insurge-t-il pas, et à juste raison, contre le fait qu’à Rouen, aucune requête n’a été déposée devant le TA alors même que les élections dans le collège B faisait apparaître 4 suffrages exprimés de plus que d’électeurs votants ?
6. Ceux qui croient savoir ce qu’est l’atteinte à la sincérité du scrutin feraient bien de lire la loi. On peut être majeur et vacciné, voter secrètement et consciencieusement dans un isoloir ET être victime de manipulation par le biais, par exemple, de fausses et ultimes informations. C’est pour cette raison que la loi distingue le secret du vote (l’isoloir, l’urne, les bulletins non marqués) et la sincérité du vote. C’est aussi pour cela – et heureusement – qu’il existe un délai (court) de 5 jours pour déposer une requête en annulation.
7. Le rectorat exerce effectivement un contrôle de légalité sur les décisions prises au sein des universités, soit par le président, soit par le conseil d’administration. Mais, le plus souvent, ce contrôle se limite à des “observations” que l’université suit ou ne suit pas. Et si personne ne dépose de recours devant le TA…
8. A Yves Raibaud qui se plaint de ma “logorrhée procédurale” en CA [lire ci-dessous] qui “monopolise la parole” et l’empêche de s’exprimer : pour prendre la parole, il suffit de lever la main, de savoir ce que l’on a à dire, et de le dire. Je ne crois pas parler pour ne rien dire et ne parle que quand je sais de quoi je parle. Mais il a le droit d’en juger autrement. Un rappel : ma seule voix représente 24,4% des électeurs qui se sont exprimés dans le collège B, quand les 5 voix de la liste Partages à laquelle il appartient en représentent 42,5%. Mais peut-être cette anormale disproportion produite par la loi LRU lui paraît-elle plus acceptable que les contraintes de la loi électorale”.
Cordialement, Jean-Yves Coquelin
Commentaire d’Yves Raibaux. “Supposons qu’il y ait eu des textos et des mails pendant la séance à laquelle j’ai participé comme élu… Etant assis en face de la liste Beylot et de Jean-Yves Coquelin, il m’a semblé qu’ils étaient également, eux-aussi, en train de pianoter, comme tout le monde… Et quant bien même chacun aurait-il pianoté, mailé, tweeté, textoté sur son doudou informatique, le vote n’est-il pas de la responsabilité de chaque individu ? Qui a mis le bulletin dans l’urne, est-ce une marionnette manipulée par un texto ou un.e élu.e libre et conscient.e de son choix ?
Autre remarque : administrateur depuis peu, après quatre réunions, plein d’idées et de désir de bien faire, je n’ai pas pu en placer une, comme la plupart de mes collègues (y compris les personnalités extérieures, médusées par ce cirque), le débat étant monopolisé par la logorrhée procédurale de Jean-Yves Coquelin… Une alliance Coquelin Beylot ? Etrange affaire, très troisième république, à la faveur d’une loi électorale délirante imposée par la LRU”…