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Michel Kalika

A trop regarder les étoiles…. les Business Schools (BS) ne risquent-elles pas de perdre pied ? (*)

‘ Pourquoi notre manuel de cours est-il une traduction d’un livre anglophone réalisé par des auteurs d’une BS concurrente ?
Ainsi s’exprimait une étudiante d’un programme de MBA qui se demandait si elle n’aurait pas du choisir le programme de la BS concurrente.
Une telle situation traduit, à notre sens, l’évolution connue par les BS durant ces dernières années.
La course aux accréditations (AACSB, EFMD) et la logique des classements ont conduit les BS à investir massivement dans la recherche et les étoiles. Les BS ont fait évoluer profondément leur faculté en privilégiant l’académique (doctorat, publications, etc.) et ont mis en place des systèmes de promotion avec une organisation privilégiant la recherche pour s’aligner avec les standards du secteur.
Les conséquences sont connues et l’on peut citer :
des enseignants qui ne sont pas encouragés à publier des livres ou des cas, seuls les articles étant valorisés (notre situation d’introduction) ;
des investissements coûteux pour le recrutement de chercheurs qui ne croisent jamais des étudiants (ni en formation initiale, ni en formation continue) ;
des recherches déconnectées de la pédagogie ;
des recherches déconnectées des entreprises et dont l’utilité managériale est discutable ;
des achats d’étoiles ou l’externalisation partielle de la recherche avec pour seul motif la progression dans les classements ;
la prééminence d’un modèle de publications anglo-saxonnes; il faut lire à ce sujet la critique récemment adressée à nos institutions par le linguiste Claude Hagège dans son dernier ouvrage[].
Que l’on ne se méprenne pas, l’auteur de ces lignes n’est pas en train de vilipender les processus d’accréditations et la recherche. Il a eu lui-même le loisir de reconnaître ‘manager par les accréditations’, celles-ci constituant de puissants leviers de changement. Il a aussi mis en place des systèmes de primes (qui ne concernaient cependant pas que les articles étoilés). Les processus de management de la qualité ont sans conteste permis d’améliorer le fonctionnement des BS.
On peut toutefois se demander si la culture du ‘A journal’ et ‘la course aux étoiles’ n’ont pas des effets pernicieux et si le balancier qui oscille entre le managérial et l’académique n’est pas allé trop loin du coté de l’abscons.
Dès lors, plusieurs questions se posent :
  • La mission d’une BS est-elle d’investir dans la publication d’articles de recherche qui ne seront lus que par quelques initiés ?
  • Quel lien réel existe-t-il entre la recherche réalisée dans les BS et la pédagogie ?
  • Quelle est la mission des BS ? Additionner les étoiles ou former de futurs entrepreneurs, des managers, innovateurs et développeurs de l’économie ?
  • La mission des BS se limite-t-elle, ce qui est déjà bien, à l’insertion professionnelle ? N’ont-elles pas aussi une mission de développement économique ?
  • N’est-il pas paradoxal que notre économie et notre balance des paiements soit dans la situation que nous connaissons avec un tel maillage de notre territoire par des BS ?
Il est bien sûr aisé de critiquer, et par la-même de feindre d’ignorer les effets d’isomorphisme et de mimétisme qu’imposent les logiques d’évaluation, les classements et les accréditations.
La clé se trouve probablement dans l’ajustement du pendule du balancier et dans la différenciation comme le suggèrent Dameron et Durand. Les BS devront à l’avenir apporter des éléments de réponse à ces questions. La réintroduction des étudiants et des entreprises au cœur des préoccupations des BS est de ce point de vue déterminante.

Comme il est d’usage de le préciser, ‘toute ressemblance avec la réalité serait totalement fortuite’ J ! http://www.amazon.fr/Contre-pens%C3%A9e-unique-Claude-Hag http://www.aacsb.edu/publications/researchreports/currentreports/