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Bernard Desclaux

Le CAS et le Service public d’orientation tout au long de la vie

Le centre d’analyses stratégiques vient de publier un rapport intitulé « Le service public de l’orientation tout au long de la vie » (Note d’analyse 302 – Novembre 2012). Le fichier pdf peut être récupéré sur le site en bas de la page.
Que peut-on en dire au moment où la question de la régionalisation de cette politique est à nouveau soulevée ?

L’usager au centre

Cette note s’ouvre sur une définition de l’orientation qui est à rapprocher de la définition européenne formulée lors de la Conférence PETRA, Rome, novembre 1994 :
« S’articulant autour d’un service dématérialisé (un portail internet et une plateforme téléphonique) et s’appuyant sur les organismes dédiés à l’orientation, le SPO s’attache dans ses grandes lignes à faciliter la visibilité, l’accès et la qualité de l’orientation en s’adressant non plus à des publics spécifiques mais à tous les publics. » (p 2), et un peu plus loin : « L’orientation relève de l’ensemble des activités qui visent à aider les individus, à tout moment de leur vie, à faire un choix d’éducation, de formation et de profession. » (p 2)

La définition européenne est : « un processus continu d’appui aux personnes tout au long de leur vie pour qu’elles élaborent et mettent en œuvre leur projet personnel et professionnel en clarifiant leurs aspirations et leurs compétences par l’information et le conseil sur les réalités du travail, l’évolution des métiers et professions, du marché de l’emploi, des réalités économiques et de l’offre de formation ».

Le SPOTLV a donc à mettre en œuvre des services aux personnes et non des dispositifs d’orientation des personnes. C’est là une différence essentielle.

La dynamique régionale

Le CAS remarque que la mise en œuvre sur le territoire du SPO est très diversifiée. Elle s’est surtout appuyée sur la préexistence d’une dynamique locale, régionale. C’est à dire que ce sont les régions qui furent dynamique en l’occurrence avant l’objectif du SPO, alors que l’état maintenait le jeu différentiel de ses différents réseaux. J’ai déjà abordé cette question à propos de la démarche de labellisation :
« Vu le peu d’empressement de ces diverses hiérarchies à soutenir la demande de leurs unités locales, on peut se demander si elles-mêmes se sentent tenues de favoriser, d’inciter, de réclamer, cette participation ?
C’est le problème, sans doute éternel, de l’application d’une politique interministérielle (en France, mais seulement en France ?) : chaque administration attend une manifestation claire de son ministre de tutelle… qui lui-même attends un ordre précis du Premier ministre… Et comme ces politiques se font en général sans moyens supplémentaires propres, chaque administration freine, sans freiner ouvertement, mais très pratiquement, la mise en œuvre qui aboutirait à « détourner » ses moyens propres liés à ses « propres » objectifs.
Ce n’est là qu’un simple constat assez classique de sociologie administrative. » Post publié le 1/7/2011 .

Ce point n’est pas particulièrement développé dans cette note. Il est pourtant fondamental. L’état légifère pour instituer le SPO, mais ne donne aucune directive à ses propres acteurs. Pire, ceux-ci perçoivent ce silence comme le signe que l’état veut se débarrasser d’eux ou procéder à des dégraissages ou des fusions ; ce qui « explique » le peu d’enthousiasme des personnels de terrains. Et ici je ne parle pas que des personnels de l’éducation nationale. Ceux des Missions locales sont également très inquiets.

Les recommandations

Le CAS propose ensuite une série de recommandations. Toutes supposent et développent l’autorité et le pouvoir du DIO. Le Délégué à l’information et à l’orientation chargé d’élaborer une politique nationale en ce qui concerne l’orientation, créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie 2004. Les propositions du CAS sont formulées sans prendre en compte certaines déclarations politiques (peut-être trop récentes) concernant le rôle des régions en tant que pilote d’un SPOT (T pour territorial), et le projet qui concerne les personnels d’orientation de l’éducation nationale. Curieux !
Voici ces axes :
Axe 1 : une nécessaire clarification du pilotage national du SPO
« La conception des normes de qualité du SPO établie(24), l’action du DIO pourrait s’articuler autour des deux missions suivantes : l’accompagnement et l’évaluation des structures labellisées. Cette organisation des missions viserait ainsi à positionner le DIO, d’une part, comme un garant des principes du service public par l’entremise d’une évaluation du processus de labellisation et, d’autre part, comme une instance de réflexion, d’appui et de capitalisation des expériences innovantes sur le terrain. » (p. 6)

  • accompagner et outiller les structures et les professionnels de l’orientation
  • piloter l’évaluation des structures labellisées
  • assurer des moyens financiers pour les structures labellisées

Axe 2 : encourager une animation territorialisée du SPO
« Ce positionnement laisserait ainsi une place prépondérante aux CCREFP dans le pilotage et la conduite des politiques d’orientation. »

  • adapter les politiques d’orientation au contexte local
  • organiser la coordination des structures autour du parcours des usagers
  • La mise en cohérence des activités en direction du public

Axe 3 : informer les usagers sur les débouchés des formations et les perspectives d’emploi
Il s’agit de « Rendre disponibles sur le portail “Orientation pour tous” des informations sur les débouchés des formations et former les professionnels de l’orientation à leur usage. » (p. 10)

Donc pour résumer la situation

Un DIO (via la note du CAS) cherche à développer le SPO par une amélioration de son rôle central dans le contrôle du développement du dispositif. D’un autre côté, les régions seraient prêtes (peut-être pas toutes) à prendre la responsabilité de la coordination du SPO sur leur territoire. Et enfin l’un des ministères, le MEN, important dans le dispositif, cherche à se défaire de ses personnels spécialisés dans l’orientation et sans doute les plus qualifiés professionnellement.

Très, très curieuse situation !

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La saine colère du socle

Depuis quelques jours des articles virulents contre le socle commun de connaissances et de compétences ont entrainé des réponses sur le web. Je vais donc y ajouter ma propre note dans ce concert à plusieurs voix, ou voies… ?

Éléments d’une séquence

Cette séquence (tout en sachant qu’une séquence est une manière de découper un flux continu) s’est ouverte par un article de Denis Paget, de l’institut de recherche de la FSU : « Que faire du socle ? »
Vient ensuite un article d’Henri Baron dans la Tribune de l’Humanite Tribune intitule : « Socle commun version hard ou version light : débarrassons-nous en ! » .
Jean-Paul Brighelli à poursuivi la charge avec un titre délicat « École : Demain les rats, Quand les pédagogistes cesseront-ils de martyriser la pédagogie ? »


Guillaume Touzé, sur Twitter, a signalé l’article de Luc Cedelle qui avait répondu par avance dès 2010 à ces arguments qui sappuyaient sur des interprétations plus que rapides : « Pour une « baisse de la qualité de l’éducation » ? L’OCDE et ses accusateurs peu scrupuleux ».
Annie Di Martino proposa : « Tout le monde peut se tromper », et Jean-Michel Zakhartchouk : « Oui aux compétences à l’école, mais pas n’importe comment ! »
Et Annie Di Martino repris avec « Le Socle et son marteau, par Thor ! ».
Enfin Laurent Fillon proposa dans son blog “Peut mieux faire” : « Et si on jouait au Bingosocle ? »

Je ne vais pas reprendre les arguments déjà énoncés par ces auteurs pour défendre l’idée d’un socle commun, mais je vais essayer de formuler une condition nécessaire à une mise en œuvre réelle du socle.

Condition du socle pour tous

Un petit rappel historique et politique, et pour cela, je m’appuie sur le petit livre ( petit par la taille, mais par la taille seulement) de Claude Lelièvre : L’Ecole obligatoire : Pourquoi faire ? Une question trop souvent éludée, Editions Retz, 2004). Ce livre écrit avant la loi de 2005 instituant le socle, répond à sa question-titre ainsi : « … la scolarité obligatoire, n’a vraiment de sens que s’il existe une définition claire de l’instruction obligatoire, nécessaire à tous et pour tous. » (page 6 de l’avant-propos).
Et dans la conclusion, il écrit : « La tentation peut être grande de prendre le chemin d’une certaine diversification délibérée au collège et de rejoindre de facto l’ensemble des pays du centre de l’Europe aux types d’enseignement nettement différenciés alors même que leurs résultats paraissent pourtant fortement sujets à caution. Ou bien on choisit clairement la voie de l’ensemble des pays du Nord de l’Europe (une Ecole obligatoire clairement affirmée, à structure unique), qui ont des résultats nettement meilleurs.” (p. 133)

Et son livre montre comment cette question politique n’a jamais pu être réellement prise en charge par les politiques (livre publié en 2004).
Au fond c’est la question de savoir si l’école obligatoire doit être sélective ou congruente ? Doit-elle renforcer la différenciation sociale ou bien l’atténuer ? Ce sont bien là des questions politiques de base qui traditionnellement clivent le champ politique en ses deux camps. Et en effet, le texte de Denis Paget s’ouvre par ce paragraphe :

« L’idée du « socle » est historiquement très marquée à droite sous des formes diverses : savoirs de base, smic culturel, kit de survie… et le socle est effectivement la mesure phare de la politique initiée par F. Fillon. Elle résume l’idéal de l’élitisme républicain : l’école sélectionne et dégage les élites mais la société ne peut fonctionner sans une politique « inclusive » qui façonne les attitudes, les comportements et fournit des compétences de base à la masse de ceux qui n’atteindront jamais le niveau d’un baccalauréat. Ce socle serait le lot de consolation de ceux qu’on considère comme a priori incapables de dépasser la scolarité obligatoire à 16 ans et répond aux inquiétudes ancestrales des classes dirigeantes et du Medef qui craignent la présence d’une population marginalisée et potentiellement menaçante. »

Je suis assez sidéré par cette inversion du sens du socle : ce qui doit être commun à tous, devient ce qui va distinguer les uns des autres. Pourquoi le socle deviendrait l’étalon de différenciation ?

Un étalon est nécessaire au principe de l’orientation

Je pense avoir une « réponse » : parce que le raisonnement se fait dans un état du fonctionnement du système inchangé. En effet, si le collège reste la machine à trier pour le lycée, alors le socle, comme la « réussite scolaire » actuellement, sera utilisé pour argument dans le jugement d’orientation. Les enseignants n’auront en effet pas d’autre solution.
Si en effet la refondation se fait sur le principe du socle commun tout en gardant le fonctionnement de la procédure d’orientation au collège alors, en effet les détracteurs du socle auront/avaient raison. J’ai largement défendu ce point de vu dans de nombreux article sur ce blog. Je vous renvoie à un petit article que j’avais écrit « Une condition oubliée pour le socle commun » et publiée le 15 mars 2012 sur le site LE SOCLE COMMUN, promesse démocratique.

Pour réfléchir, encore

Je propose un extrait d’un article de Pascal Le Merrer : « Rapprocher l’école et l’entreprise, oui mais comment ? » afin de poursuivre cette réflexion.

« Du côté de l’Education nationale on a de longue date privilégié l’acquisition des connaissances avec pour corollaire, la notation, l’orientation “sélective”, l’angoisse de l’échec et le décrochage précoce. Problème, cet élève qui fait un long parcours de la maternelle jusqu’à l’enseignement professionnel ou supérieur intègre l’idée que seuls les meilleurs ont une chance de s’en sortir. Pour cela il vaut mieux ne rien dire quand on n’a pas compris et montrer, si tout va bien, que l’on peut répéter le discours du professeur. Résultat, on apprend peu aux élèves à coopérer, à construire de la confiance entre eux et en eux. Enfin on néglige l’acquisition des compétences. Finalement, l’image du système éducatif se dégrade comme celle de l’entreprise. »

Mais il s’agit d’un économiste… enseignant à l’ENS de Lyon voir sa page.

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Où en est l’orientation en lycée ?

Il y a deux ans, suite à la mise en œuvre de la réforme du lycée j’écrivais un article dans ce blog : L’orientation au lycée, réforme nationale ou locale ? je m’interrogeais sur l’évolution réelle des procédures d’orientation. Je pointais l’idée que cette réforme reposerait sur le local, et cela de plusieurs façons :

  • les moyens dégagés dans les établissements pour mettre en œuvre les modules et les stages,
  • l’implication des personnels,
  • et l’engagement des chefs d’établissement.

Je n’avais pas insisté sur un quatrième élément : l’information des parents d’élèves et des élèves eux-mêmes !
Etant donné l’absence de données ce sujet de la part du Ministère, je fais un appel aux collègues du terrain, aux collègues de toutes fonction. J’attends vos témoignages et vos informations sur ce qui se passe dans vos bassins, dans vos établissements. N’hésitez pas à prendre contact avec moi.

Une exploration des sites du ministère

Voici ma maigre récolte sur ces sites.
Sur le site du ministère, nulle explication des modifications de la procédure d’orientation sur la page qui y est consacrée « Le choix d’orientation d’un élève » . Rien non plus sur la page « Orientation au lycée » . On y parle par exemple de l’orientation active, mais pas des procédures.
Cette réforme repose pourtant sur un décret, le décret n° 2010-100 du 27-1-2010 – J.O. du 28-1-2010 (NOR > MENE0929872D)  et pas une simple circulaire.
Sur le site Eduscol, où se cache l’orientation ? Dans la page intitulée « Personnalisation des parcours » . Et sur cette page, dans la partie consacrée à l’Orientation, on trouve :

Et toujours pas un mot sur les procédures et leur assouplissement au Lycée.
Bien sûr, je m’empresse d’y aller sur cette page… et que trouve-t-on ? Une présentation de l’analyse statistique de juin 2010 (nous sommes en novembre 2012 !)  avec une simple page et quelques résultats et aucune autre statistique sérieuse. Et depuis juin 2010, rien, pas un chiffre ! Pourquoi ? En fouillant on trouve finalement quelques données « Fin de seconde générale et technologique, juin 2007 à juin 2010 ».

Sur le site national de l’ONISEP, pas un mot sur les procédures d’orientation au lycée. La brochure de l’an dernier, vers les 1ères n’existe plus sur le site.
Il faut donc remonter au Code de l’éducation et explorer… et trouver la section 4 : La procédure d’orientatio….  qui ne comporte que deux articles. Curieux, vraiment très curieux, mais je me trompe peut-être dans des manipulations sur LegiFrance. Je poursuis cette recherche et je tombe sur le site droit-finances.commentcamarche.net et qui fait une présentation également du code l’éducation, et à la section 4, il affiche  23 articles dont le dernier pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Et dans cette présentation je trouve enfin quelques éléments du décret.

Quant aux sites des fédérations de parents d’élève, je n’ai rien trouvé également.

Ce parcours que je viens de faire, combien de familles vont-elles le faire pour s’informer ?
Et si elles le font, combien comprendrons de quoi il retourne ?

Donc comme on dit,

Appel à témoins !

Comment ça se passe chez vous dans votre établissement, dans votre bassin ?

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Francis Danvers, l’orientation et la sérendipité

Francis Danvers vient de publier le tome 2 de son dictionnaire de sciences humaines et sociales aux éditions Septentrion, intitulé : S’orienter dans la vie : la sérendipité au travail ?  Un conseil pour ceux qui s’intéressent à l’orientation et à l’éducation : vous vous le procurez et vous le conservez près de vous.

Ancien conseiller d’orientation, Francis Danvers est professeur de psychologie de l’éducation à l’Université de Lille III.

Un dictionnaire ? Oui, mais pas seulement

Un dictionnaire, c’est bien sûr des mots classés par ordre alphabétique, et ce livre suit en effet cette règle, mais une petite astuce vient bouleverser ce calme. Chaque mot est précédé d’une question. Et vous avez là, en main, cent questions.
Utilisons la sérendipité, et piochons au hasard.
L’entrée « Orientation pédagogique » est précédée de la question « Y a-t-il une révolution pédagogique de l’orientation ? ». Six pages sont consacrées à y répondre par une excellente synthèse de ce thème, avec de nombreuses citations et références et trois conseils de lecture.
« Goût » est coiffé de la question : « Faire ce que l’on aime, ou aimer ce que l’on fait ? ».
« Démocratie » est introduite par « La démocratie est-elle simplement un régime de la décision ? », et « Temporalité » par « L’ère post-moderne : des temporalités qui s’entrechoquent ? ».
« Affectation » est premier ouvrant ce livre, et il est l’occasion pour Francis Danvers de nous questionner : « Pourquoi en France, la question de la relation affectation-orientation est-elle source de malentendu ? ».
Ainsi peut aller votre lecture. Au hasard des pages, les réponses aux questions sont toujours ouvertes et vous engagent vers d’autres pistes. Ainsi le mot « Latin », qui est amené par la question « Pourquoi le latin fut-il bien autre chose qu’une question linguistique qui devait se traduire en termes de compétences et de performances », renvoi à « Didactique », « Elite », « Front-populaire », « Humanités », « Langue », « Plan Langevin-Wallon ».
Ces cent mots et questions forment un panorama des thématiques concernant l’orientation et l’éducation. Car on mesure combien en France l’orientation est encrée du côté de l’éducation et finalement assez peu du côté du travail. Malgré cette donnée culturelle, Francis Danvers élargi le propos, et comme le dit la quatrième de couverture : « Son objectif est d’élaborer des éléments de connaissance pour une approche anthropologique de l’orientation au sens large du terme… ».
En ces temps de réflexions sur le fonctionnement de notre éducation nationale, cet ouvrage montre que l’orientation est loin d’être une question institutionnelle. Il s’agit d’un processus qui définit l’homme. Et l’éducation devrait d’abord le reconnaître et participer à son développement et à sa réalisation.
Pour prendre connaissance des dernières publications de Francis Danvers – Les ouvrages scientifiques
Et à propos de la sérendipité :
Colloque de Cerisy : La sérendipité dans les sciences, les arts et la décision, sous la direction de Pek Van ANDEL et Danièle BOURCIER

Bernard Desclaux

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Une nouvelle gouvernance dans l’éducation nationale

Poursuite de la réflexion à propos de la décentralisation des CIO.
Dans un premier article « Après la décentralisation, la territorialisation des services d’orientation » , je rappelais mon analyse que je faisais en 2003 lors de la première tentative. Jean-Marie Quairel dans l’article que je publiais « Services d’Orientation de l’EN : Un virage pour rebondir ou pour disparaître ? » précise les conditions nécessaire d’une telle modification.
Dans ce billet court, j’essaye de replacer cela dans un contexte plus général.

Modification du fonctionnement des CIO

« A la mi-octobre, Vincent Peillon a annoncé aux syndicats sa volonté de transférer les CIO aux régions, et de placer les conseillers d’orientation-psychologues et les directeurs des CIO sous une double autorité rectorale et régionale. » écrit Sandrine Chesnel.
Si je comprends bien cette déclaration, il faut distinguer deux modifications. L’une porte sur l’établissement, le service et son budget, et l’autre sur les personnels.
Pour la première, il faut rappeler que lors de la transformation des COSP (centres d’orientation scolaires et professionnels) en CIO (Centres d’information et d’orientation), il s’agissait de transférer à l’état la responsabilité du financement de ces organismes qui jusque-là se trouvaient financés par le département. Nous étions au début des années 70. Aujourd’hui plus des deux tiers des CIO sont encore départementaux. Il faut dire que lors de la première loi de décentralisation au début des années 80, les CIO ont été oubliés dans la répartition des attributions et depuis quelques années (pour certains, cela fait 20 ans tout de même) les Conseils généraux remettent en question leurs responsabilité dans le financement de ces organismes.

Beaucoup sont passés à l’acte, obligeant les recteurs à réagir : réaménagement, fusion, suppression. Le BOEN publie les suppressions ou créations de CIO (d’état), Bulletin officiel n° 39 du 25 octobre 2012 par exemple.
En tout cas, le transfert aux régions sera sans doute compliqué. Entre l’installation dans des propriétés de l’état ou du département, les locations, et l’hébergement dans des établissements scolaire, la situation immobilière de ces organismes et loin d’être simple.
Pour l’autre modification
, le statut de fonctionnaire de l’état ne semble pas remis en cause. Mais la ligne hiérarchique serait double : rectorat et région. Cela peut paraitre fou, bizarre, impossible à mette en œuvre. Sandrine Chesnel rapporte dans sa présentation que les syndicats SNES, CGT Education, Education Sud et SNFOLC pensent que la double tutelle, conduiraient à créer un nouveau style de fonctionnaire, « dépendant de l’Education nationale le matin et de la Région l’après-midi ».
Mais cette évolution de la gouvernance est-elle réservée à nos seuls services ?

Vers une nouvelle gouvernance

Le décret n° 2012-1193 du 26 octobre 2012 modifiant l’organisation administrative et financière des établissements publics locaux d’enseignement, précise :

« Le budget sera dorénavant élaboré en tenant compte notamment du projet d’établissement, du contrat d’objectifs conclu avec l’autorité académique ainsi que des orientations et objectifs fixés par la collectivité territoriale de rattachement. »

Un principe « ternaire » de gouvernance s’installe dans l’éducation nationale : relier le projet de fonctionnement de l’unité à deux attentes extérieures, celle de l’autorité académique représentant l’état, et celle de la collectivité territoriale représentant la population locale élargie.
Je pense que c’est cette conception qui va s’appliquer également aux CIO, et considérer les CIO comme une unité de fonctionnement de l’éducation nationale n’est au fond peut-être pas une si mauvaise nouvelle.

Bernard Desclaux

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Services d’Orientation de l’EN : Un virage pour rebondir ou pour disparaître ?

Toujours suite à la déclaration de Vincent Peillon rapportée par sur le site d’Educpros j’ai proposé un premier article sur mon blog.
Jean-Maire Quairel
a écrit l’article suivant. Il précise bien les éléments en question dans ce débat, c’est pourquoi je le propose dans mon blog.

Bref historique

Lâchés depuis plus de 20 ans par les Ministères successifs, les Conseillers d’orientation Psychologues et Directeurs de CIO sont à l’agonie : Recrutements en bernes, obligeant à faire appels à des centaines de contractuels non formés et budgets de fonctionnement misérables pour les CIO d’Etat, rendent la situation très difficile. Si on y ajoute le désengagement de nombreux CG de la gestion des CIO départementaux, associé à une mise en place chaotique et mal pilotée d’un nouveau Service Public d’orientation (SPO) en lien avec la loi sur « le droit à l’orientation tout au long de la vie », nécessitant une « labellisation » des organismes concernés, tous les ingrédients sont réunis pour créer les conditions d’une situation totalement délétère. Le contexte de dérégulation libérale de l’économie et de la finance, entraînant logiquement une méfiance des acteurs de la formation à l’égard des évolutions proposées, augmente un peu plus les enjeux autour de l’orientation des jeunes. Au-delà des valeurs humanistes, toujours portées par les services d’orientation, qui sont à l’opposé des dérives observées et qui doivent être rappelé avec force, il me semble q’une attitude « d’ouverture vigilante » s’impose, de préférence à une opposition systématique, ne serait ce qu’en raison d’un rapport de force qui n’est pas favorable aux services.

En 2003, une première tentative de « régionalisation » des services d’orientation de l’EN, conduite à la hussarde par Luc Ferry, a très normalement échoué, suite à la juste mobilisation de l’ensemble de la profession et au soutien des enseignants. Il s’en est suivi plusieurs années de dénigrement et de déstabilisation des personnels, à travers une multitude de rapports assimilant abusivement le dysfonctionnement du système éducatif (élitisme, orientation par l’échec, difficultés d’insertion du jeune) aux pratiques des COP. Il faut se rappeler aussi que le « désamour » entre le Ministère et les COP, depuis plus de 20 ans, a pour origine, en partie, une affaire familiale concernant un conseiller du Ministère (toujours en activité) qui s’est emparé de la « dérive psychologisante » d’une petite minorité, pour en faire une affaire d’état, et dénigrer l’ensemble de la profession. C’est de la petite histoire, mais qui met en lumière le manque anormal de confiance du ministère en ses fonctionnaires et l’absence totale d’une « politique de l’orientation » digne de ce nom … Et cela n’a pas changé depuis … A quoi peut tenir l’avenir d’un service !

Aujourd’hui

C’est donc dans un contexte particulièrement mal engagé, qu’arrivent les propositions du Ministère de Vincent Peillon, suite à la concertation sur la « refondation de l’école » :

Une double tutelle, Ministérielle pour ce qui concerne les activités des COP en établissements scolaires et Régionale pour les activités en CIO.

Une telle organisation, originale, est elle viable, sans remise en question du statut des personnels et de leurs missions ? A moins de laisser le choix aux COP, ce qui signifierait un éclatement du corps.
Il va falloir que les Syndicats et les organisations représentatives de la profession, fassent preuves de lucidité, de vigilance et de responsabilité. Ils sont malheureusement divisés sur l’avenir des services et sur les missions :

  • Le SNES, majoritaire et affilié à la FSU, défend historiquement, la dimension de « psychologue de l’éducation » pour le COP, dans le cadre d’un « grand service de Psychologie scolaire de la maternelle à l’université » ; il récuse aussi l’inclusion de la formation initiale dans la loi sur « le droit à l’OTLV ».
  • Le SGEN-CFDT, de part sont appartenance à une confédération ouvrière, est plus sur une ligne qui situe le COP comme un psychologue du « Conseil en orientation » pour tous les publics, scolaires ou non, et considère qu’il ne peut pas y avoir de « COP sans CIO ». Il pense que la loi « OTLV » est une chance pour les CIO et les personnels, si on sait y faire respecter quelques principes qui fondent la profession.
  • L’UNSA se rapproche plutôt du SGEN, avec des nuances. SUD et FO, très minoritaires, sont pour le statu quo, occultant apparemment les positions des ministères successifs qui nous ignorent.
  • Schématiquement, l’ACOP-F ( Association des COP ) est proche des positions du SNES tout en essayant de maintenir un difficile œcuménisme , alors que l’ANDCIO ( Association nationale de Directeurs de CIO ) se rapproche plus de celle du SGEN et de l’UNSA .

Compte tenu d’un contexte où « la refondation de l’école ne semble pas envisager la création d’un « grand service public de psychologie scolaire », confirmant en cela le refus d’un apport significatif de « psychologues- fonctionnaires » dans le champ éducatif , on peut avoir le sentiment que, dans ce qui n’est qu’un projet, le Ministère a essayé de concilier les positions, au risque de mécontenter surtout le syndicat majoritaire :

  • Au SNES, la réaffirmation de l’établissement scolaire comme lieu d’exercice privilégié des COP et leur gestion administrative par le Ministère ;
  • Au SGEN, la reconnaissance de l’existence des CIO dans le nouveau SPRO et une conception « tous publics » de la pratique des COP .

Mais beaucoup de points restent flous, en particulier le Statut des COP et Directeurs de CIO et leurs missions, redéfinies pourtant, après négociations en 2010. Il faut vérifier, juridiquement, ce qui peut empêcher de conserver le statut sous sa forme actuelle, dans le cadre du projet Ministériel. Un aménagement, sans bouleversement total, est sans doute envisageable.

Enjeux et nécessités

Ceux pour les personnels sont, de fait, indissociables de ceux pour le Public.

En effet, on peut les résumer ainsi :

Nécessité du maintien des CIO comme lieux de référence pour les COP afin de leur garantir une indépendance vis-à-vis des pressions des établissements scolaires et des branches professionnelles, ainsi qu’une maîtrise de leurs outils et de leurs pratiques.

Nécessité de garantir aux différents Publics, scolaires ou non, une neutralité et une objectivité des informations sur les études et les professions (importance de la référence ONISEP), impliquant le maintien d’ une formation professionnelle des COP, hors des influences du secteur privé.

Nécessité pour les COP et Directeurs de pouvoir se référer à un cadre éthique et déontologique rigoureux, incluant, entre autres, le secret professionnel. Ce code, s’inspirant de celui des Psychologues récemment révisé, est peut être à inventer pour donner une assise forte à la profession.

Nécessité de bien clarifier les liens hiérarchiques, surtout s’ils sont différents et de bien délimiter les limites des pratiques et des missions pouvant être demandées aux COP et Directeurs de CIO, par l’une ou l’autre des hiérarchies.

Nécessité de bien définir le fonctionnement des partenariat entre CIO et autres partenaires, au sein du futur SPRO (labellisé ou non). Le champ d’activité de chacun et les pratiques spécifiques. Une mutualisation pouvant alors s’envisager, en respectant les identités de chacun et dans le cadre d’un pilotage qui ne pourra être que collégial.

Perspectives

Si ces nécessités sont prises en compte et concrétisées dans la future organisation qui se dessine et dans les textes qui devraient l’encadrer, alors un avenir existe pour les CIO, les COP, Directeurs et Personnels administratifs. Un avenir et une reconnaissance sans doute supérieure à celle qu’ils vivent depuis trop longtemps, car ils ne tarderont pas à faire valoir leurs compétences et « valeurs ajoutées » comparativement à des organismes et à des professionnels plus ou moins solides, qui gravitent dans le champ de la formation et de l’insertion. C’est peut être une chance historique à ne pas manquer, sachant que la situation ne peut pas être pire qu’aujourd’hui, sauf peut être, dans deux cas de figures :

Le non respect des nécessités que j’ai tenté de formaliser plus haut qui entraînerait la dissolution des CIO dans un conglomérat insensé et la perte de professionnalité des COP, des Directeurs et des PA.

Le refus de toute évolution et le replis des COP dans les établissements scolaires, qui entraînerait la disparition des CIO (par désengagement prévisible de l’état) et la lente absorption des COP, sous l’autorité des chefs d’établissements, dans les équipes éducatives, par assimilation de leurs pratiques à celles des établissements : Je ne crois pas à la place et au sens d’une pratique de Psychologues à l’intérieur d’un système qui n’est pas organisé en conséquences… Il n’est alors question, en fin de compte et malgré des exceptions, que de le pérenniser.

D’autres changements nécessaires

En résumé :

Il faut rester ferme sur la qualification professionnelle, l’éthique et la déontologie : il y a des pratiques qui ne pourront pas être imposées.
Le scénario qui se dessine n’est pas le pire : Si on doit dénoncer le désengagement de l’Etat, qui pouvait faire de l’axe « aider les jeunes et tous les publics à mieux s’orienter » un pivot de la « refondation de l’école », le pire des scénarios serait la disparition des CIO et la fin, en pente douce, des COP dans les établissements, aux ordre des Principaux et des Proviseurs.

Toutefois, soyons sans illusions sur les améliorations que pourraient apporter cette nouvelle organisation de l’Orientation. Il s’agit de la partie visible du système … Plus d’informations sur les études et leurs débouchés, même régionalisées, ne régleront pas les problèmes de décrochages scolaires et d’insertion des jeunes. Si l’on ne s’attaque pas aux causes structurelles qui affectent la formation et le monde du travail, rien ne changera vraiment. La « Refondation de l’école » devrait créer les conditions de changements positifs concernant, les programmes, les méthodes pédagogiques, l’évaluation/notation, les procédures d’orientation, la place des parents, pour une école plus démocratique et égalitaire… Une organisation du travail enfin respectueuse des personnes, devrait permettre d’améliorer l’image des métiers et de les rendre plus désirables pour les jeunes.

Ce sont là les questions fondamentales pour l’avenir … Les COP et Directeurs de CIO, devraient plus croire en eux et apporter leur énergie, leurs compétences et leurs valeurs d’appartenance au service public, pour contribuer à y répondre.

Jean-Marie Quairel , Directeur de CIO Honoraire

Avignon le 22/10 / 2012

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Bernard Desclaux

Après la décentralisation, la territorialisation des services d’orientation

La question de la régionalisation des services vient à nouveau de se poser. Sandrine Chesnel sur Educpros vient d’en donner quelques éléments et réactions de certains acteurs en se centrant en particulier sur les COPsys ?

Il est normal et légitime que les syndicats et associations professionnelles s’inquiètent lors de modifications envisagées. Mais cette inquiétude risque de se transformer en blocage systématique.
Pour ce premier post de réponse à l’actualité, je vais reprendre simplement ce que j’avais écrit en 2003 lors de la modification de la constitution française. A l’époque il y avait eu une tentative de transférer la profession à la région. Vous trouverez sur mon site (la page La décentralisation de la République)  un ensemble de textes publiés par différents auteurs à cette occasion et par moi-même. Je reprends ci-dessous un large extrait d’un de ces textes « La construction d’une profession ».
D’autres posts poursuivront cette discussion. Depuis 2003 d’autres éléments sont apparus.

Un aparté historique

Vous trouverez sur le site de l’ACOP-F à propos des projets de décentralisation un texte intitulé « L’ORIENTATION : POSITIONS ET PROPOSITIONS DE L’ACOP-France ». Il me semble qu’il s’agit là d’une lecture harmonieuse, continue, sans ruptures de notre « profession ».
Le passage de la multitude d’organismes différents à une tentative d’unification sous la bannière de l’INOP et de l’enseignement technique ne s’est pas fait tranquillement au cours du premier quart du Xxe siècle. De même pour le passage de l’Orientation Professionnelle à l’Orientation Scolaire. On peut en discuter encore avec quelques anciens qui participent au GREO (Groupe de recherche sur l’évolution de l’orientation). J’ai déjà un peu écrit sur certains conflits. Voir le texte sur mon site concernant mon atelier que j’avais fait lors des Journées d’études de l’ACOP-F à Caen. « Histoire française de la conception de l’orientation : les résistances face aux changements »

Il me semble que ce que nous allons vivre est de cet ordre.

Il faut s’interroger sur la soudaineté de cette situation.

Régulièrement il a été question de supprimer les conseillers d’orientation. Déjà en 68 un texte était près et fut balayé par les événements. Les tentatives ou les rumeurs se répétèrent. La progression du recrutement fut arrêtée brutalement au début des années 80 avec l’arrivée de la Gauche. Je considère qu’un choix important fut pris à cette époque : avec la création de l’EPLE, il devenait possible d’attribuer à cette entité la responsabilité de l’organisation de l’aide à l’orientation. Et dans le même moment de la fin de l’expansion de la profession, il y avait une généralisation du public potentiellement affronté à des questions d’orientation tout au long du système scolaire. Un nouveau champ pour l’orientation fut également ouvert : l’insertion des jeunes, mais de multiples hésitations nous ont empêché « d’y aller ». On ne met pas les deux pieds dans un dispositif éphémère ! Il va bientôt fêter ses vingt ans !

Une hypothèse, tout à fait personnelle. Nous avons été intégrés dans le Ministère de l’Education nationale, et autorisé à travailler dans le secondaire en 59 sur la base d’un quiproquo : vous êtes autorisés à rentrer dans nos classes à condition que vous vous occupiez de ceux dont nous ne voulons plus. A l’époque le conseiller détenait une compétence très recherchée : ses connaissances et sa position lui permettait de « placer » l’élève rejeté du système général. Avec la gestion administrative de l’affectation cette compétence disparue. Par ailleurs en informant les familles de leurs droits, nous permettions une mise en œuvre des procédures d’orientation (totalement étrangères à la culture « totalitaire » pédagogique du secondaire de l’époque). Aujourd’hui on peut penser que le système a totalement intégré les procédures, qu’elles soient d’orientation ou d’affectation. Une bonne partie de cette machinerie repose désormais dans des rôles professionnels répartis entre plusieurs acteurs. La remonté des informations sur son fonctionnement sera sans doute informatisée d’ici peu à partir des bases élèves de chaque établissement. Quant à l’affectation, l’informatisation poursuit son contrôle.

Bien sûr, l’orientation est toujours une souffrance pour nombre d’enfants, d’élèves, de familles, et une écoute psychologique est nécessaire pour atténuer, pour reconnaître, pour reconstruire un nouvel horizon. Et bien sûr nous sommes très utiles à ces personnes. Cette « utilité » a même été transformée en droit par le fameux article 8 de la Loi d’orientation de l’éducation nationale de 1989. Sauf que l’Etat en est resté là, puisqu’aucun décret ne fut publié.

Donc la question d’importance qui se pose aujourd’hui pour nous : faut-il lutter pour que cette profession perdure dans le système éducatif ? Mon interprétation brutale est que nous ne servons plus au système, nous n’avons plus grand chose à échanger. A mon sens la dernière chose que nous pouvions encore échanger fut refusée par la majorité de la profession : jouer un rôle d’accompagnateur, de coordonnateur, de conseiller technique pour la mise en œuvre de l’éducation à l’orientation.

Si la question de la délimitation du passage du scalpel pour distinguer ceux qui resteront au sein de la structure éducation nationale et ceux qui seront mis à disposition se pose, il en est une autre qui se posera sans doute très vite : la formation initiale détenue jusqu’à présent (avec l’appui financier des régions) par l’Etat le restera-t-elle ? Dans la logique qui s’engage il semble probable que cet enseignement professionnel rejoindra les autres dispositifs déjà sous la responsabilité de la Région. Là aussi, sans doute se posera la question de la limite : le professionnel uniquement, ou le technique également, tout le technique ou seulement certaines parties ? Le lycée des métiers recomposant l’alliance entre le professionnel et le technique, et l’enseignement professionnel supérieur pose cette question.

Si cet enseignement professionnel (et technique), post-troisième, passe totalement sous la responsabilité de la région, il n’est pas certain que l’orientation scolaire à la française puisse se maintenir : c’est l’établissement d’origine qui détermine l’avenir de l’élève. Dans la plupart des pays européens, l’entrée de la formation professionnelle se trouve sous le contrôle de l’accueillant. Si cette hypothèse est juste, la nécessité d’un personnel à la fonction d’atténuateur du conflit n’est plus vraiment nécessaire du point de vue du système.

La reconfiguration de la formation professionnelle

Il s’agirait d’une mission de service publique attribuée aux régions et non au seul champ du privé comme certains le disent.
Où se trouve l’avenir de l’orientation en tant que question sociale ?

Au début du XXème siècle il s’agissait de l’entrée en formation professionnelle de la jeunesse. Puis ce fut la généralisation de la scolarisation avec le développement de l’Orientation scolaire. Aujourd’hui je pense qu’il s’agit de l’accompagnement des personnes dans la Formation professionnelle tout au long de la vie.

Il y a des modifications structurelles de la FP en Europe mais également à l’université et dans le supérieur, très profondes. L’organisation par crédits est fondamentale. Elle touche toutes les formations professionnelles en Europe, ainsi que l’organisation de l’enseignement supérieur. On sort de la formation “paquet cadeaux”, du menu obligatoire, qui simplifiait beaucoup la tâche d’orientation. Il s’agissait de choisir la bonne porte d’entrée dans le chemin nécessaire. il pouvait y avoir quelques chemins possibles avec choix entre eux. Mais la question de l’orientation était essentiellement le choix de l’entrée.

Une nouvelle conception de l’orientation

La question de l’orientation dans un cadre de crédits, de modules, de compétences, dont les combinaisons sont plus ou moins porteuses de potentialité d’employabilité de la personne, sont je pense beaucoup plus complexes aussi bien pour la personne, que pour le « conseiller », que pour les organismes de formation eux-mêmes.

Il s’agit alors de s’interroger sur les compétences professionnelles des services d’orientation alors nécessaires dans ce cadre. J’en distingue quatre :

  • Etre capable d’aider la personne à identifier ce qu’elle veut faire.
  • Quelles compétences nécessaires ou probables seront alors nécessaires pour exercer cette activité.
  • Où les obtenir (et sûrement pas en un seul « lieu » ni d’une seule forme d’acquisition).
  • Maintenir l’information du sujet au cours de ce processus.

La responsabilité personnelle, l’énergie psychologique, les risques personnels seront alors très forts pour le sujet.

Nous savons tous que la conception adéquationniste de la relation formation-emploi est totalement illusoire. Mais elle sera sans doute encore très présente, car elle est simple pour soutenir un discours politique.

Donc, à la condition de prendre cette distance et de se positionner par rapport à la Formation Professionnelle tout au long de la vie, nous pouvons alors défendre notre compétence de psychologue. L’accompagnement, au sens fort, des personnes sera essentiel. Ceux qui travaillent notamment dans le cadre de la VAE sentent bien cette nécessité. Il ne s’agit pas seulement d’un traitement administratif d’une demande de « certification ». Et en passant, c’est également au nom de cette conception complexe de l’orientation, que la nécessité de l’éducation à l’orientation se posera dans l’initial (en faisant la distinction entre la gestion des parcours, le conseil aux personnes, et l’éducation à l’orientation).

Sur ce terrain de l’orientation, de la formation et de l’insertion tout au long de la vie, existent déjà quelques dispositifs et des personnels. Beaucoup sont dans des statuts précaires, et seront sans doute très intéressés par la création de ce nouveau corps de fonctionnaires territoriaux. On peut donc penser que la construction de ce nouveau champ professionnel se fera entre autre par l’agglomération de personnels issus d’horizons différents. Il faut rappeler que ce fut déjà le cas lors de la création des COSP avec le rassemblement pas toujours facile entre les anciens de l’OP et ceux du BUS.

Pour négocier cette création il nous faudra des structures ouvertes, que ce soient nos syndicats ou des associations, ouvertes à l’étranger. Oui les COP actuels ne représentent qu’une petite part de ce champ professionnel.

extraits du texte de 2003

Bernard Desclaux

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Pourquoi aller à l’Ecole ?

Ce lundi 22 octobre la lecture de deux articles me réjouissent et me donnent envie de poursuivre leur réflexion.
Lionel Jeanjeau sur son blog écrit : Antoine Prost et les notes : les élites intellectuelles seront-elles les limites de la refondation ?
Bruno Devauchelle
sur le Cafépédagogique propose Les conseils de classe à l’ère du numérique
Aujourd’hui je commente l’article de Lionel Jeanjau

Question essentielle en effet

Sans grand effet, j’ai trouvé deux réponses à la même question sur le web :A QUOI SERT L’ÉCOLE ? Rudolf Bkouche (IREM de Lille) , et Jean-Marc Bellot ont répondu d’une manière semble-t-il assez proche en opposant l’objectif culturel à l’objectif marchand, et en considérant, comme d’habitude, qu’avant c’était bien sûr l’objectif culturel qui prévalait. Je ne rentrerais pas dans cette discussion, il suffit de renvoyer à la lecture critique de l’école républicaine par François Dubet.


Mais admettons qu’à l’origine (sic) l’école soit intégratrice, son objectif était de faire l’unité, l’unité du pays. A partir des années 60, avec notamment Bourdieu, l’école sociologique française a développé l’idée au contraire de la fonction triante, hiérarchisante de l’école.


Il s’agissait alors toujours de répondre à la question des décideurs, des organisateurs, c’était toujours la question fonctionnelle, sociologique, politique, économique, au fond la question des adultes.

Pour quoi vont-ils à l’école ?

Dans les années 80, la question du point de vue des acteurs se pose enfin. François Dubet avec la notion de face, reprise d’Erving Goffman, puis Anne Barrère, prennent la question du côté des élèves.
Antoine Prost avait écrit un petit texte pour la revue de l’AFAE qu’il avait intitulé si je me rappelle bien : Pourquoi aller à l’école ? Et son texte apportait deux réponses malicieusement simples : il y avait la réponse en terme de “pour” et celle en terme de “parce que”. Les « parce que » vont à l’école car ils y sont obligés, l’école est obligatoire, c’est comme ça. Les « pour » y vont pour en obtenir quelque chose. Ce quelque chose peut être très différents, une culture, un plaisir, une utilité. Mais ceux-là y vont « motivés » par l’obtention de quelque chose.
Philippe Perrenoud dans son livre L’évaluation des élèves. De la fabrication de l’excellence à la régulation des apprentissages. Entre deux logiques, De Boeck Université, 1998, avait répondu de manière peut-être encore plus cru : à tout travail mérite salaire, et la note est le salaire du travail scolaire.

Bonjour tristesse

Dans son blog, Lionel Jeanjau rapporte les idées développées par Antoine Prost dans une de ces dernières interventions : « En substance, il a affirmé qu’un programme d’histoire ne pouvait être enseigné que s’il donnait lieu à des exercices que l’on puisse noter. ». Et Lionel Jeanjau commente : « Les propos d’Antoine Prost interrogent, à tout le moins, sur l’idée qu’il se fait des finalités de l’enseignement de l’histoire. Moi qui croyait que l’histoire s’enseignait pour donner aux élèves un bagage culturel, une base nécessaire à la compréhension du monde et un arrière-plan civique, me voilà déboussolé : un des plus grands historiens actuels vient nous souffler l’idée que les élèves travaillent l’histoire, en réalité … pour la note. ».
J’aurai tendance à considérer qu’il s’agit pour Antoine Prost de faire malheureusement un constat. De même qu’il disait il y a bien longtemps que l’orientation marchait à l’échec scolaire, aujourd’hui il considère que l’enseignement marche à la note.
Lorsque j’ai commencé à faire des formations pour la mise en œuvre de l’éducation à l’orientation dans les collèges, l’argument de défense le plus entendu était la question de la « gratuité » : s’il n’y a pas de notes, les élèves ne voudront pas travailler dans cette activité. Il s’agissait bien sûr d’un argument émis par les enseignants eux-mêmes.
La note semble être dans la plus part des cas la seule arme disciplinaire pour l’enseignant français. On peut s’en offusquer sans doute, mais notre système a dérivé vers cette situation.
Un petit conseil de lecture, décapante : Maya Beauvallet : Les stratégies absurdes. Comment faire pire en croyant faire mieux, col Le Point, Le Seuil, 2009, et en particulier le chapitre premier intitulé : Quand on aime, on ne compte pas. Comment l’argent tue le plaisir.
Et je pourrais paraphraser, comment la note sur l’apprentissage.
Bernard Desclaux

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Le processus contre-productif de nos procédures d’orientation

Conclusion prévue de mon intervention dans la table ronde de l’INJEP. Voir mes posts précédents dont le premier était : Améliorer l’information, est-ce suffisant ?
J’ai déjà écrit longuement sur nos procédures d’orientation essentiellement à propos de leur effet sélectif. Voir quelques un de ces articles dans ce blog.

Choisir présuppose d’être informé

Pour la conclusion de cette intervention, ma critique portera sur un autre aspect. Dans la première partie de cette intervention « Une ébauche d’histoire de l’information en orientation », j’ai indiqué que nos procédures d’orientation ont introduit la notion de choix d’orientation à formuler par les parents et/ou les élèves. Et que ce choix devait être éclairé par une information systématique des personnes. D’où le développement de l’ONISEP, qui, en rassemblant l’information, et en la rendant « publique », prend le rôle d’égalisation face à l’information. C’est pourquoi, aux paliers d’orientations, les publications de l’ONISEP sur l’offre de formation locale est distribuée gratuitement. Les séances d’information dans les classes, réalisées par les conseillers d’orientation-psychologues se sont généralisées après les procédures de 1973, et dans chaque établissement, la documentation pour l’information est de la responsabilité du professeur documentaliste et à disposition des élèves dans le CDI.

Dans les années 80, la DEP avait enquêté au niveau cinquième pour connaître l’effet de l’information systématique des élèves, et les résultats n’avaient pas été probant : 5% se rappelaient qu’un CAP se faisait en 3 ans de formation après la cinquième ! Autrement dit, informer ne suffit pas pour que l’information soit retenue, ce qui n’est pas une découverte.

Etre informé suppose une action de la part du sujet, une attention, un intérêt, une démarche de recherche, etc.

Nos procédures déclenchent-elles un besoin d’information ?

D’une certaine manière oui, elles déclenchent ce besoin, mais chez qui ? Précisément chez ceux qui devront « sortir du chemin normal ».

Lorsque les paliers étaient cinquième, troisième, seconde, ceux pour qui le passage en classe supérieur n’étaient acceptable par les conseils de classe avaient tout intérêt à s’informer sur les différentes possibilités de formation professionnelle. Nul besoin pour les autres, puisqu’ils « poursuivaient ». On (les conseillers d’orientation) observait même, que pour des élèves justes, signaler son intérêt pour un métier était « dangereux ». Les conseils de classe avaient alors tendance à proposer une orientation professionnelle. Et nous disions que paradoxalement, ne pas avoir de projet professionnel permettait de poursuivre en voie générale !

Sur les quatre paliers d’orientation mis en place depuis 1995 lors de la réforme Bayrou du collège, les deux premiers (sixième, quatrième) devraient plutôt s’appeler des paliers de redoublement. Nul besoin de développer ou non des stratégies d’information. Reste surtout le palier troisième qui est la grande bifurcation de notre système. Moins de 60% des élèves de troisième passent en seconde générale et technologique (Eduscol analyse des résultats de 2010).

Et le problème reste le même. Ceux qui poursuivent leurs études en lycée n’ont pas un réel besoin d’information, ils « poursuivent » leur chemin.

Finalement la terminale avec cette organisation de notre système scolaire est le premier moment où, pour ces élèves, existe un réel besoin d’information. Et encore, on peut se poser la question de l’objet de l’information. Sur quoi porte l’information ? Qu’est-ce qui sera déterminant dans le choix de la formation, du chemin ?

Jean Guichard avait montré il y a plusieurs années que le choix des études supérieures reposait essentiellement sur le critère des disciplines, sur l’idée de réussite possible dans la matière, et très très peu sur un projet professionnel.

Rompre avec nos procédures d’orientation

Je terminerais donc cette intervention par l’idée que j’affirme dans ce blog : il est nécessaire de supprimer nos procédures d’orientation.

Ceci non seulement

  • pour une question d’équité sociale, la séparation scolaire recoupe les différentiations sociales ;
  • pour une question d’efficacité pédagogique, l’objectif de l’atteinte par tous d’un socle commun ne peut se faire dans système qui réclame la hiérarchisation.

Une réelle éducation à l’orientation suppose que les élèves soient actifs dans ce processus, or le système actuel les place dans une passivité vis à vis de leur avenir.

Bernard Desclaux

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Où en sont les recommandations européennes ?

Troisième partie de mon intervention à l’INJEP. Voir la présentation, la première partie intitulée Une ébauche d’histoire de l’information en orientation , et la deuxième partie Ce n’est pas l’information qui est complexe.
Cette troisième partie n’a pas pu être présentée en totalité. Les quinze minutes imparties étaient bien courtes.

Le Conseil de l’Union européenne

Dans sa Résolution sur “Mieux inclure l’orientation tout au long de la vie dans les stratégies d’éducation et de formation tout au long de la vie”, 2905ème session du Conseil ÉDUCATION, JEUNESSE et CULTURE, Bruxelles, le 21 novembre 2008, le Conseil de l’Union européenne précise les quatre principes directeurs :

1. favoriser l’acquisition de la capacité à s’orienter tout au long de la vie,
2. faciliter l’accès de tous les citoyens aux services d’orientation,
3. développer l’assurance qualité des services d’orientation,
4. encourager la coordination et la coopération des différents acteurs aux niveaux national, régional et local.

Je retiendrais les deux premières de ces recommandations.

L’accès aux services d’orientation

La loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24/11/2009 a créé un droit à l’information et à l’orientation dont l’exercice s’appuie sur la mise en place d’un service public de l’orientation (SPO).
Elle a également créé la DIO (Délégation à l’information et à l’orientation ayant pour mission de :

– Proposer les priorités de la politique d’information et d’orientation. – Etablir les normes de qualité pour le service public de l’orientation.
– Evaluer les politiques nationale et régionales d’orientation.

Actuellement, le Service public de l’orientation (SPO) est constitué
● d’un service multimédia composé

– d’un site internet « Orientation pour tous »
– d’un service téléphonique pour tous publics – sur des sites géographiques rayonnant à l’échelle d’un bassin de vie, selon un maillage défini au niveau régional, – rassemblant des organismes volontaires liés par convention qui ensemble respectent le cahier des charges des critères de qualité, – à ces conditions, labellisation des sites par le préfet de région après avis du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP).

● de lieux d’accueil et de conseil en face à face offrant leurs services à tous les publics : Pôle information et orientation sur les formations et les métiers

Des résistances se font jour

Dans un contexte de restrictions budgétaires au plan national, mais aussi au niveau des collectivités territoriales, le SPO est perçu comme un moyen de réduire les différents organismes, et le maillage de chaque organisme. Il provoquerait une perte de spécificité et d’identité des professionnels. Mais il faut également remarquer que les résistances ne proviennent pas que des personnels, mais également des différentes “administrations” qui les supportent. Les unes comme les autres ont tardé à tenir un discours clair d’engagement des différentes unités dans le processus de labellisation.

Et pourtant,il s’agit d’une évolution essentielle

Le SPO met en œuvre une définition de l’orientation bien différente de notre conception d’action sur autrui :

« un processus continu d’appui aux personnes tout au long de leur vie pour qu’elles élaborent et mettent en œuvre leur projet personnel et professionnel en clarifiant leurs aspirations et leurs compétences par l’information et le conseil sur les réalités du travail, l’évolution des métiers et professions, du marché de l’emploi, des réalités économiques et de l’offre de formation », (Conférence PETRA, Rome, novembre 1994).

Or la plus part de nos organismes d’orientation mettent en œuvre ou son adossés à des politiques d’orientation des personnes et non pas d’aide aux personnes.

L’acquisition des capacités

Il s’agit donc de passer d’une orientation des personnes à l’aide à l’orientation des personnes. Le SPO propose une aide aux personnes, mais elles doivent être capables de construire des projet et d’utiliser de tels services. C’est pourquoi la résolution européenne demande de « favoriser l’acquisition de la capacité à s’orienter tout au long de la vie ». Je cite le développement de l’annexe :

« La capacité de s’orienter est déterminante pour donner aux citoyens les moyens de les rendre acteurs de la construction de leur parcours d’éducation, de formation, d’insertion et de vie professionnelle.
Cette aptitude, qui devrait être entretenue tout au long de la vie, s’appuie sur les compétences clés, notamment la compétence “apprendre à apprendre”, les compétences sociales et civiques – y compris les compétences interculturelles – et l’esprit d’initiative et d’entreprise. La capacité de s’orienter inclut les dimensions suivantes, notamment dans les phases de transition:

  • se familiariser avec l’environnement économique, les entreprises et les métiers;
  • savoir s’auto-évaluer, se connaître soi-même et être capable de décrire les compétences acquises dans le cadre de l’éducation formelle, informelle et non formelle,
  • connaître les systèmes d’éducation, de formation et de certification;

Pour progresser dans cet axe, les États membres tendent, selon leurs situations particulières, à:

– inscrire dans les programmes d’enseignement général, d’enseignement professionnel et de l’enseignement supérieur des activités d’enseignement et d’apprentissage visant l’acquisition de l’aptitude à s’orienter;
– préparer les enseignants et formateurs à la conduite de telles activités et les accompagner dans cette tâche;
– inciter les parents à s’investir dans les questions d’orientation;
– associer davantage les organisations de la société civile et les partenaires sociaux;
– faciliter l’accès à l’information sur les filières de formation, leurs liens avec les métiers, et sur les besoins prévisionnels de compétences sur un territoire;
– développer la capacité de s’orienter dans les programmes de formation pour adultes;
– inclure l’orientation dans les objectifs des établissements scolaires, des prestataires de services d’EFP et des établissements d’enseignement supérieur. L’insertion professionnelle et le fonctionnement du marché du travail, au niveau local, national et européen, devraient notamment être pris en compte. »

D’où la mise en place du Parcours de découverte des métiers et des formations

Pour plus d’information sur le PDMF, voir sur le site du Ministère et sur Eduscol ). L’ONISEP propose des activités de classe sur son site .
Le PDMF fait suite à l’éducation à l’orientation (1995) et présente les mêmes difficultés. Il nécessite une implication et une collaboration de tous les acteurs dans un système qui ne l’encourage guère, et il suppose une modification des rôles et des identités professionnelles alors que l’enseignant français est définit avant tout par l’appartenance à sa discipline. Enfin n’ayant pas de fléchage des moyens, en cas de réduction (et c’est ce qui s’est passé ces dernières années), les chefs d’établissement réduisent les activités « non-disciplinaires », et le PDMF en fait partie. A ma connaissance, aucune enquête n’a été faite sur sa mise en œuvre réelle.


Bernard Desclaux

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Ce n’est pas l’information qui est complexe

Deuxième partie de mon intervention à la table ronde de l’INJEP  “Jeunes et pratiques d’information : quels enjeux ?”. Voir la présentation et la première partie intitulée Une ébauche d’histoire de l’information en orientation.

Complexité, complication, confusion

Ce qui est complexe, c’est l’organisation de notre formation, et je prendrais comme niveau le post-bac, l’enseignement supérieur, ce que l’Europe appelle le tertiaire.

Le schéma des études après le bac proposé par l’ONISEP montre bien la complexité de cette offre. Ici sont représentés les types de formation et non pas les formations spécifiques.

Derrière ce schéma quelle est la structuration de l’offre ? Au début des années 80, on considérait que 80% des places post-bac étaient universitaires. Au début des années 90, c’était 50%, et aujourd’hui, qu’elle la répartition ?
On peut approcher ce chiffre à partir de la note d’information de la DEPP 11.08 mai « Les bacheliers 2008. Où en sont-ils à la rentrée 2009 ? » :

Le tableau 1 de cette note donne un chiffre : 31% des bacheliers 2008, quel que soit leur bac se trouvent en université (inclus PCEM et exclu les IUT).

Notre baccalauréat a une double valeur. D’une part il atteste de la fin des études secondaires, et d’autre part, en tant que premier diplôme universitaire, il ouvre le droit à une poursuite d’étude dans l’enseignement supérieur. On peut considérer que dans un univers de 80% de places universitaires, ce droit est respecté, mais qu’en est-il lors ce champ se trouve réduit à 30% ? Le bac n’est plus suffisant, c’est le niveau de « réussite » (identifié par divers marqueurs) qui autorise la poursuite d’études. De fait notre enseignement supérieur est devenu sans le déclarer un espace de sélection et protégé.

Il suffit d’observer la différenciation des inscriptions selon le type de bac. L’offre et le public étudiants se trouvent segmentés.
Face à cette amplification de la sélection et de la segmentation, on a actuellement deux formes de régulation qui se sont développées. Tout d’abord une régulation organisée par les pouvoir publics, ainsi, les inscriptions, l’accompagnement de celles-ci, une gestion de la sélection, se trouvent organisées autour de « APB », le système informatique Admission-post-bac , et par l’orientation active.
L’état dans les années 80 a organisé une politique de discrimination positive pour l’éducation au niveau primaire et secondaire. Voir le texte « Les enjeux de la discrimination positive » (je n’ai pas trouvé l’auteur).  Mais au niveau de l’enseignement supérieur, ce sont des initiatives privées qui se sont engagées sur cette thématique, telles que les Grandes écoles Sciences Po, l’ESSEC, HEC. Voir par exemple un article dans le Sciences Humaines 15/06/2011 « Discrimination positive à Sciences Po ».

A cela il faut rajouter les évolutions organisationnelles dues à l’environnement et à la concurrence internationale : la mise en place des PRES (les pôles de recherche d’enseignement supérieur, 2006), et la loi dite LRU de 2007.
Cette évolution vers la complexité provoque un besoin d’information de plus en plus important.

Une formation cloisonnée


La forme générale de notre formation est celle du menu et non de la carte. Le diplôme valide l’ensemble d’un parcours fermé, aux choix très étroits. Chaque formation est un silo, rares sont les passages possibles d’une formation à une autre. La réforme du LMD, recommandée par l’EUROPE afin d’assurer une mobilité des étudiants basée sur la validation de fait des formations, supposait une refonte de l’organisation supposant un principe de modules à combiner par les étudiants. Or nos formation ont bien été recalibrés en modules, en crédits, mais le principe combinatoire fut rejeté. Un diplôme correspond toujours à un ensemble relativement fermé.

Deux conséquences :

  • L’orientation en France est un choix de chemin déjà tracés, et non pas la détermination de son propre chemin.
  • D’où une pression à bien choisir l’entrée de ce chemin. Pourras-t-on aller jusqu’au bout ? Et ça ne me plaît pas, ou si je ne réussis pas, comment changer d’orientation ? Le choix en France est particulièrement risqué, car il engage dans un temps long de plusieurs années.

D’où, là encore un « besoin » d’information sur la/les formations, ce qui reboucle avec ma première partie.

Rajoutons pour terminer que cette « angoisse » se manifeste également, pour certains par une recherche d’information sur soi, aussi le secteur marchand développe à nouveau le testing et une nouvelle pratiques, le coaching.

Bernard Desclaux

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Une ébauche d’histoire de l’information en orientation

Dans le cadre de la Conférence-débat : Jeunes et pratiques d’information, organisée le mardi 25 septembre 2012 par l’INJEP, j’ai participé à la première table ronde intitulée : Orientation : les pratiques d’information changent la donne. Voir la présentation de cette opération sur le site de l’INJEP http://www.injep.fr/Conference-debat-Jeunes-et .

J’ai proposé une intervention en trois parties sur le contexte de la situation actuelle. Le prezi utilisé est visible à l’adresse suivante : http://prezi.com/5srqtuwau__i/information-orientation-jeunes/
Cette première partie ébauche une histoire du/des rapports à l’information pour l’usager et le professionnel.

Le mouvement d’orientation en France prend sa naissance sur la question de la formation professionnelle des jeunes. La suppression des corporations en France, à la période révolutionnaire, a désorganisée la formation. La question de l’orientation est celle de l’orientation professionnelle, et elle aboutit à la loi Astier de 1919, légiférant l’apprentissage, puis à celle de 1938, qui créé un centre d’orientation professionnelle par département, et rend obligatoire l’avis d’orientation délivré par un conseiller d’OP pour signer un contrat d’apprentissage. La question de l’information est alors bien mince. Chaque conseiller se fait sa propre information qui consiste surtout à établir un réseau de connaissance avec les lieux de formations. Le conseiller examine le jeune, détermine une orientation, et parfois place le jeune. Celui-ci et sa famille n’exerce que très peu de choix. Le conseiller est testeur et un « placeur ».
C’est dans les années 30 que débute le rassemblement d’information pour un public. Le BUREAU UNIVERSITAIRE DE STATISTIQUES ET DE DOCUMENTATION SCOLAIRE, le B.U.S., est créé en 1933 « sous le régime de la loi d’association de 1901 grâce à un accord conclu sous le patronage d’A. de Monzie, ministre de l’Éducation nationale, entre la Confédération des travailleurs intellectuels, l’Union nationale des associations générales des étudiants de France, la Fédération des associations de parents d’élèves des lycées et collèges et l’Institut national d’orientation professionnelle, devint un établissement public en 1954. Il fonctionna jusqu’en 1970, date de création de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (O.N.I.S.E.P.). Bien avant la Seconde Guerre mondiale, le B.U.S. avait élargi son champ d’action limité lors de sa création à des tâches d’information : citons l’établissement de nombreuses statistiques, la réunion d’une abondante documentation, la mise en œuvre de plusieurs enquêtes et des interventions auprès des pouvoirs publics pour créer de nouveaux débouchés en faveur des jeunes diplômés. » http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/series/pdf/63AJ.pdf

En 1959, au moment de la loi Berthoin, les Centres d’OP deviennent des centres d’OSP (orientation scolaire et professionnelle). Les conseillers de l’époque poursuivent leur travail d’examen et d’orientation au sein du système scolaire (alors qu’ils étaient à la charnière du primaire et des centres de formation). La « réussite scolaire » et les tests orientent, nul besoin d’information.

C’est au début des années 70, après 68, que la question de l’information s’impose. Le Centre d’information et d’orientation prend la suite des COSP. Les conseillers sont conseillers d’orientation. Les nouvelles procédures d’orientation de 1973 créent la possibilité du choix pour les parents et les élèves, ce qui suppose qu’ils soient informés. Et le BUS devient ONISEP. Même si l’ONISEP commence à publier et vendre des documents d’information, même si un secteur marchand (privé) de l’information sur l’orientation se créé avec par exemple la naissance de l’Etudiant, pour l’essentiel elle reste produite pour les professionnels, et avoir accès à l’information suppose d’abord de rencontrer un conseiller. Le conseiller est un médiateur obligatoire ou quasi-obligatoire.
Il faut attendre les années 80 pour que la notion d’auto-documentation se développe. L’ONISEP créé son auto-documentation qui sera installée dans les CIO puis dans les CDI des établissements, et le CIDJ diffuse ses classeurs. Avec la décentralisation, une région comme celle de l’Ile-de-France va payer ces classeurs pour tous les CDI des lycées. La mise en place de l’ « auto-doc » dans les CIO sera souvent difficile pour des raisons architecturales, mais aussi pour des raisons de pratiques professionnelles, le public ayant ainsi un accès directe à la « matière première » de l’information1/ . Le conseiller n’est plus médiateur, mais accompagnateur.

Vient dans la foulée, l’explosion des Salons, carrefours, nuits, forums, etc…, qui suppose une rencontre directe entre le demandeur d’information et les offreurs d’information. Deux nouveaux acteurs prennent alors de l’importance, les collectivités territoriales (de la région à la commune) qui organisent, financent ces opérations, et les salonniers qui les mettent en œuvre. On est alors sur le mythe du contact direct, de l’absence d’intermédiaire.
Et ce mythe va se réaliser avec l’Internet. L’information est produite pour le web, pour le public. Elle est produite de plus en plus « facilement », à moindre coût aussi bien par les grands organismes d’information (ONISEP, CIDJ, et autres) que par chaque organisme de formation. La période antérieure est marquée par la question du classement des documents, avec le web la question devient la recherche d’information. Au fond, l’usager comme le professionnel se trouve face à la même source d’information. Au pire le professionnel se trouve placer dans le rôle du vérificateur, au mieux, dans celui d’accompagnateur. C’est la posture « côte-à-côte » qui s’installe face à l’écran commun. D’une relation asymétrique, complémentaire, on passe à une relation symétrique.
Bien sûr, le professionnel peut toujours se penser en avance sur l’usager. Mais pour avoir vécu l’implantation laborieuse des ordinateurs dans les salles d’auto-documentation des CIO, j’ai pu constater la crainte des collègues. Chacun devait se débrouiller seul pour tenter d’élaborer une ébauche de compétence à la recherche. Et j’assistais plus à un co-apprentissage (professionnel et usager) de cette nouvelle pratique.
Nous sommes aujourd’hui dans un emballement informationnel, pris dans un cercle vicieux, ou vertueux (selon sa vision). La masse d’informations s’accumulant, divers acteurs veulent aider, ou profiter de l’angoisse qu’elle déclenche, en créant des occasions de rencontres (que ce soient des salons ou que ce soient des portails sur le web). Cet accroissement d’acteurs dans ce champ de l’information créé de plus en plus d’informations, et ainsi de suite.
Pour terminer, il faut ajouter que cette évolution se place dans une évolution beaucoup plus vaste des « métiers travaillant sur autrui », analysé par François Dubet dans son livre Le déclin de l’Institution, 2002, Le Seuil. La relation d’autorité qui caractérisait ces métiers (santé, éducation, social) s’est transformée dans une relation supposant la coopération entre la personne et le professionnel. Nos amis québécois parlent de métiers adressés à autrui. Voir par exemple l’article de Philippe Maubant et Lucie Roger : Les métiers de l’éducation et de la formation : une professionnalisation en tensions.

1/ J’écrirai sans doute un article sur cette période durant laquelle j’ai mené une quinzaine de stage en région parisienne dans les CIO.

Bernard Desclaux

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Améliorer l’information, est-ce suffisant ?

Dans le cadre de la Conférence-débat : Jeunes et pratiques d’information, organisée le mardi 25 septembre 2012 par l’INJEP, j’ai participé à la première table ronde intitulée : Orientation : les pratiques d’information changent la donne. Voir la présentation de cette opération sur le site de l’INJEP.
Elle se tenait à l’occasion de deux parutions :

Viendront ensuite la publication sous forme de plusieurs posts de mon intervention que j’avais intitulée « Trois éléments de contexte ».
Le prezi utilisé se trouve à l’adresse : http://prezi.com/5srqtuwau__i/information-orientation-jeunes/

Améliorer le processus de l’information en matière d’orientation est sans doute nécessaire aujourd’hui en France. La synthèse des travaux de l’INJEP présentée ici, et surtout
les propositions formulées vont dans ce sens :

  • mieux s’adapter à la “demande”, aux différents profils ;
  • trouver la “bonne” interface, celle qui sera “pertinente” pour rentrer en communication, et acceptée par le demandeur ;
  • coordonner les dispositifs d’information, objet de la mise en oeuvre actuelle du service public d’orientation tout au long de la vie.

Mais est-ce suffisant pour affronter les deux difficultés majeures à mes yeux qui constituent le problème de l’orientation en France ?

Ce n’est pas l’information qui est complexe et compliquée, mais le monde de la formation. Il est d’abord multiple, foisonnant, mais il est également fait d’entités qui ont chacune leur “politique de recrutement”. Aussi, l’information n’est jamais neutre. Elle est toujours l’effet et l’enjeu de forces, d’autant plus que notre système est marqué par la sélection. Il ne suffit pas d’être informé, et de bien choisir, il faut encore avoir les atouts pour être pris, choisi, retenu.

L’organisation de nos procédures d’orientation a des effets structurants sur l’état des personnes. Elles laissent supposer que le choix de l’élève est premier et essentiel.

Mais les réels décideurs de son orientation étant les personnels de l’éducation, enseignants de l’élève et chef d’établissement (et non pas les conseillers d’orientation), ce sont les critères scolaires (réussite, difficulté dans les matières) qui fonctionnent et non la motivation de l’élève. D’où l’intégration, très vite, par l’élève de ces critères pour arrêter ses “propres choix”.

Si développer un service public d’information et de conseil en orientation est nécessaire pour aider les membres de la société dans la tâche sans doute de plus en plus permanente et répétitive de se réorienter, ce n’est pas suffisant pour que son utilisation soit efficace.

Il faut encore que les compétences et les capacités à s’orienter soient acquises. Et le fonctionnement de nos procédures d’orientation dans le monde scolaire est plutôt contre-productif par rapport à cet objectif.

Bernard Desclaux

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Bernard Desclaux

Quatre propositions pour une organisation expérientielle

Dans cette période de concertation, je vous propose de réfléchir à ces quatre propositions formulées par Jean-Marie Quairel. Voir son dernier article publié sur ce blog : L’orientation des élèves : un marqueur politique majeur.

QUATRES PROPOSITIONS POUR UNE ORGANISATION « EXPERIENTIELLE. » DE LA FORMATION, DE L’ORIENTATION et DE L’INSERTION DES JEUNES.

……POUR UNE ECOLE EMANCIPATRICE DANS UNE SOCIETE EDUCATIVE

« Les enseignants seraient ils des dévots du savoir et des mécréants de l’expérience ? » (Pierre Bringuier, COP retraité)

Aujourd’hui, les réponses institutionnelles aux dysfonctionnements du système sont de nature curatives : Elles essaient d’agir sur les conséquences et non sur les causes des phénomènes d’exclusion et de marginalisation sociales :

Il existe d’autres réponses préventives pour s’attaquer aux causes, pouvant s’articuler autour de deux repères nécessaires si non suffisant.

. Dans un livre récent (la fabrique de la défiance) les économistes Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg citent des expériences de neurobiologie qui montrent « que les situations où la réalisation d’une tâche se traduit par un classement conduisent à une forte élévation du niveau de cortisone et de stress ……Nous apprenons beaucoup mieux lorsque nous nous sentons soutenus et confortés dans nos aptitudes à réussir. En situation de stress ou d’angoisse, notre cerveau relâche de la cortisone qui limite nos facultés de raisonnement et de mémoire. En revanche, lorsque nous nous sentons bien (ndlr validé) notre cerveau relâche de la dopamine, qui aide au contraire nos capacités de mémorisation et de raisonnement. »

Dans son petit ouvrage ( Réflexion sur l’Université) Noam Chomsky fixe un défis pour les temps présents : « Créer des formes sociales qui concrétiseront la conception humaniste de l’homme …La responsabilité incombe aux enseignants, aux citoyens, et à nous-mêmes de libérer la pulsion créatrice et d’affranchir nos esprits et les esprits de ceux avec qui nous traitons, des contraintes imposées par les idéologies autoritaires afin de pouvoir faire face à ce défi avec sérieux et ouverture d’esprit. »

1° Mesure

Il faudrait donc changer la loi concernant l’Orientation, en accordant aux parents et aux jeunes le pouvoir ultime de décision et en rendant ainsi inutiles les commissions d’appels : c’est une application indispensable du « droit à l’égalité des chances » quand on sait à qui profite sociologiquement, l’organisation actuelle (appels et recours en TA) et comment elle alimente les cours privés de tous ordres. Cette mesure ne coûte rien, en même temps qu’elle fait respirer tout le système. Elle éviterait aussi à des parents de venir exposer des drames familiaux ou à s’humilier pour obtenir un passage en seconde : De bien tristes moments pour ceux qui en sont les témoins ! Elle créerait les conditions d’un travail plus recentré des professeurs sur leur mission principale d’enseignement, en leur évitant d’être « juges et parties » et d’une action mieux comprise des COP, perçue dans toute sa dimension de psychologie du développement personnel, encrée dans le réel. Elle atténuerait le pouvoir des enseignants qui est déjà considérable (notation) sur l’avenir d’un jeune et les préparerait à une transformation de leurs missions (inéluctable avec la révolution numérique et Internet), vers plus de « guidance ». Elle serait enfin le seul moyen de mettre à égalité de reconnaissance, les différentes voies de formations, car la persistance d’une « mise à l’écart » de fait de la voie générale, par l’orientation, de toute une population, explique en grande partie l’échec, récurant depuis 30 ans, de la revalorisation des formations professionnelles. Le temps des alliances entre partenaires est venu, en lieux et place de celui des « oppositions » : celui de la confiance en la jeunesse aussi.

Evidemment, ce changement est une première étape qui doit amener la disparition même de la notion d’orientation dans le second degré. Elle serait remplacée par celle de « choix de parcours de formation », les CIO étant transformés en « Centre de conseil en parcours de formations » et les COP devenant « Psychologues-Conseillers en parcours de formations ».

2° Mesure

En amont des choix de formations après la 3°, il faut généraliser à tous les élèves, dès la 5°, un « parcours de découverte des métiers et des formations » conçu comme une transmission inter générationnelle en vue d’une culture citoyenne commune. Ce parcours serait construit, en fonction de l’âge des élèves, à partir de témoignages de professionnels très divers, de séquences d’expériences sur le terrain et d’apports théoriques transversaux dans le plus part des matières scolaires. Il devrait représenter au moins 3 heures par quinzaine. Les Conseillers d’Orientation Psychologues pourraient en être des acteurs importants, pour aider à une intégration structurante de ses expériences par le jeune, la question de l’Orientation étant débarrassée de son aspect stigmatisant.

Ceci étant, il reste qu’un certain nombre d’élèves (moins nombreux qu’aujourd’hui), ne seront toujours pas en mesure d’émettre un projet au moment où on le leur demande : il faut leur donner du temps. D’autres constateront, qu’ils se sont trompés de formation.

3° Mesure

Au sortir du collège, on pourrait créer un « Dispositif d’aide au choix de formations ». Cette « année SAS » serait accessible : Aux élèves n’ayant pas pu faire un choix ; A ceux n’ayant pas obtenu satisfaction dans leur affectation ; A ceux qui auraient fait une erreur d’orientation en Lycée ou LP. Ce dispositif serait installé à la fois en LP, en Lycée Général et technologique et en CFA. Il fonctionnerait sur le principe de l’alternance : 1/3 de stages de découvertes professionnelles (entreprises, artisans, administrations, associations) et 2/3 de cours en enseignement général (3 mois dans chaque structure). Après évaluation de cette année (contrôle continue et rapport de stage) l’objectif serait que le jeune puisse choisir la formation qui lui convient et sa forme (Lycée ou Apprentissage) et valide le « socle commun » s’il ne l’a pas obtenu en fin de 3°.

Cette mesure n’est pas exclusive des dispositifs d’accueil, d’accompagnement et de soutien qui doivent être opérationnels en classe de seconde générale et technologique ou professionnelles, comme en CFA.

Le financement de ce dispositif pourrait être assumé par l’Etat, les Régions et les Départements.

4° Mesure

Pour faciliter la mise en œuvre de ces deux dernières mesures, il faut implanter dans chaque bassin de formation, une « Maison des métiers et des cultures » : Lieux de présentations, de démonstrations et d’expériences, elle doit favoriser le partage et les échanges entre les diverses composantes du tissu socio-économique et culturel. Elle est un lieu de ressources et de transmission intergénérationnelle, ainsi qu’un pôle fédérateur des différentes initiatives « citoyennes » recherchant la qualité du « vivre ensemble ». Elle peut s’appuyer sur les réseaux existants (Pacte éducatif, Pacte civique, associations diverses …..) pour développer une véritable approche coopérative et partenariale des questions d’éducation, de formation et d’insertion. Les rencontres entre jeunes et professionnels seraient déterminantes pour enclencher un processus de « mise en expérience professionnelle » devant déboucher sur une embauche en CDI, ou sur une entrée prioritaire en formation continue.

Son financement serait assuré à la fois par l’Etat, les Collectivités territoriales et locales, ainsi que par les Chambres des métiers et Chambres de Commerces.

Cette organisation devrait évidemment s’accompagner d’une indispensable amélioration des conditions de travail, de salaire et de santé, dans de nombreux métiers, afin de les rendre plus attractifs pour les jeunes : Une véritable reconnaissance « humaine » du salarié et de son « intelligence » au travail, se traduisant par une réelle « sécurisation » des parcours professionnel, à l’image de ce qui existe dans les pays du nord de l’Europe .

CONCLUSION

L’organisation « expérientielle » de la formation, de l’orientation (devenue choix de parcours) et de l’insertion a donc trois objectifs :

1/ Créer, pour un jeune, les conditions d’un droit à l’essai et à l’erreur dans la construction de son parcours de formation.
2/ Lui permettre l’acquisition d’une expérience professionnelle reconnue et d’une qualification à la fois désirée et utile à la collectivité.
3/ Faciliter la mise en œuvre d’une véritable « société éducative », plus juste, plus solidaire et plus responsable. Pour prendre tout son sens, elle devrait évidemment s’inscrire dans une école et une société transformées, ayant pour idéal, la formation et le « vivre ensemble », de citoyens mieux éduqués, autonomes, responsables, attentifs et respectueux de leur environnement, tout autant que des humains qui y travaillent et y vivent.

Je suis persuadé qu’elle permettrait une diminution significative du « décrochage en formation » et une augmentation du niveau général de la jeunesse et de la qualité de son insertion.

En cela, c’est une approche totalement écologique et humaniste, pour contribuer à une alternative au « monde marchand » qui veut s’imposer et s’opposer à l’avènement d’un « monde d’alliances solidaires ».

Un monde aux ressources finies, où le « chacun pour soi » libéral est une voie sans issu, une folie, aux regards des enjeux à venir : Les hommes se sauveront ensembles ou disparaîtront seul ou par petits groupes de semblables, les uns à côté des autres…. Chacun obsessionnellement effrayé par l’autre différent de soi et voulant totalement ignorer ses richesses.

Septembre 2012 JM Quairel

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Bernard Desclaux

Diplôme professionnel et poursuite d’études, le cas du bac pro

Le 27 septembre dans la rubrique Idées, le Monde.fr publiait deux articles qui ont attiré mon attention :

Et ce même jour, la DEPP rendait public sa Note d’information 12-15 intitulée : Sortants sans diplôme et sortants précoces – Deux estimations du faible niveau d’études des jeunes

Question sous-jacente : quelle est la fonction d’un diplôme professionnel ?

Que fait l’Université ?

S’appuyant sur l’expérience actuelle de l’Université de Cergy-Pontoise, Université dans l’ouest de l’Ile-de-France, Pascale Krémer (La réussite des bacs pro, gageure pour l’université), posait le problème du côté de l’Université. Les faits sont là, ces élèves avec un bac pro se retrouvent à l’Université, et là dans une forte proportion. Je cite les chiffres qu’elle donne :

« … les bacs professionnels représentent cette année 16 % des inscrits en première année de lettres et sciences humaines (contre 7 % en 2009), 15 % de ceux d’économie-gestion (contre 9 %), 9 % en langues, 5 % en droit. Les bacheliers technologiques comptent pour 18 % ou 19 % des étudiants de première année de droit, d’économie-gestion ou de lettres, et pour plus du quart des étudiants de langues. »

Il faut rajouter de plus qu’une bonne partie de ces étudiants ne voulaient pas poursuivre des études universitaires. Les deux témoignages de l’article de Pascale Krémer sont tout-à-fait éloquents.
Voir la Note d”information de la DEPP 10-06 Que deviennent les bacheliers après leur bac ? Choix d’orientation et entrée dans l’enseignement supérieur des bacheliers 2008

Donc ils sont là, et que faire ? Les deux réponses sont mises en œuvre dans cette université. Tout d’abord, un travail en amont auprès des lycées, de prévention des lycéens, d’explication, d’accompagnement des enseignants. Et d’autre part, pour ceux qui sont là finalement inscrits à l’Université, un accueil particulier, un accompagnement pédagogique ciblé, et un arrangement des dispositifs d’enseignement. Je reprends la description qu’en fait Pascale Krémer à la fin de son article :

« D’où, encore, le renforcement à l’université du rôle d’orientation des secrétaires pédagogiques vers les différents services qui peuvent aider. Les conseils dispensés par des enseignants “référents”, proches des professeurs principaux du lycée. Les tests de français, d’anglais, de maths, organisés en début d’année pour identifier les publics en difficulté et les soumettre à des séances de rattrapage. Les travaux dirigés en groupes restreints, les cours en amphithéâtre qui se raréfient. Les réorientations possibles à tout moment, en interne (vers d’autres filières ou vers un semestre de remise à niveau) ou en externe, avec quelques places réservées en BTS. »

Et cette dernière phrase conclusive pleine d’espoir : « Réflexion rendue nécessaire par ces nouveaux publics accueillis mais dont tous les étudiants pourraient à l’avenir profiter. »

A quoi sert le bac pro ?

Le deuxième article est nettement plus morose, voire plus critique.

A en croire l’auteur, qui reste anonyme, la création des « bacs pros » par Chevènement a permis d’atteindre l’objectif des 80% d’une classe d’âge au niveau du bac. Soit même si la raison est différente.

Rappelons que Chevènement, ministre de éducation nationale est revenu d’un voyage au Japon avec la statistique : 90 % des ouvriers japonais ont un bac. Et justement un problème se posait à l’époque en France : comment faire accepter l’entrée dans un BEP alors qu’il n’y a quasiment aucune perspective de poursuite d’études. Car à l’époque le problème de l’allongement de la scolarité se posait à ce niveau. L’entrée sur le marché du travail avec un seul BEP était déjà difficile. Ainsi fut créé le bac pro, et non pour chercher à atteindre les 80%.

Et, dès sa création d’ailleurs, une question essentielle, avant même sa première année d’existence fut posée : le baccalauréat professionnel est-il bien un baccalauréat ? Donne-t-il le droit à la poursuite d’études ? Et la réponse bien entendu fut positive.

Aujourd’hui, le même phénomène se reproduit, mais au niveau du bac. Les élèves qui suivent cette formation professionnelle ne veulent, ou ne peuvent s’arrêter à ce niveau de formation. Mais derrière ce « phénomène » se trouvent en fait diverses logiques qu’il est important de distinguer.

Une première logique correspond à ce qu’Antoine Prost avait décrit dans son livre célèbre Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Collin, 1968. Je le résume de la manière suivante, tout enseignement technique, professionnel, au sein de l’éducation nationale, tend à devenir théorique pour assurer sa reconnaissance, au sein même du système. C’est l’évolution systématiquement la même qu’il observait dans notre enseignement. Et derrière cette observation, il y a l’idée qu’un diplôme professionnel pour assurer sa valeur doit pouvoir assurer une entrée sur le marché du travail, mais également une poursuite d’études.

Une deuxième logique est dans la suite de cette première. Les élèves, du moins certains, cherchent à progresser dans leur formation professionnelle, ils réclament donc des poursuites de formation professionnelle, et dans le cas des bacs pros, il s’agit de formation vers l’obtention d’un BTS ou d’un DUT. Au passage, rappelons que l’inscription en section de BTS n’exige pas légalement la détention d’un bac. On connait la réalité de ce principe… En tout cas le principe de promotion professionnelle ne peut être remis en cause. Sauf que les Lycées filtrent les élèves provenant du bac pro (1) , et les IUT leur ferment la porte pour la plus part. D’où l’inscription au final de ces élèves en Université.

Enfin une troisième logique doit être formulée, c’est celle résultant de la « bifurcation » opérée par l’orientation en fin de troisième. Nombre d’élèves se trouvent orientés vers une formation professionnelle qu’ils ne désiraient pas. Une grande partie de ceux-ci vont alimenter le flux des décrocheurs (voir la Note d’information de la DEPP 12-15), et une partie des autres qui parviennent à décrocher ce diplôme vont l’utiliser comme un sésame pour leur « revanche » : faire les études générales dont ils ont été détournés à la fin de la troisième.

Un bon analyseur

Autrement dit la question du bac pro est un bon analyseur de notre système actuel.

Quel peut être le statut d’une formation professionnelle au sein du système éducation nationale ? Et rappelons que nous avons intégré, en France, l’ensemble des formations professionnelles initiales dans le système éducatif relevant du ministère de l’éducation nationale (à part l’enseignement agricole…, mais il faut y regarder de plus près).

Comment assurer « l’égale dignité » des diverses formations comme on dit dans les textes alors que ces différentes formation aboutissent à des places sociales fortement hiérarchisées elle-même ?

Et enfin comment être surpris des comportements des élèves dans un système fonctionnant, pour l’essentiel, à la contrainte des individus ? Voir cet article très intéressant : L’école française, une “fabrique de défiance” ?

(1) Rappelons que les sections de BTS sont installées en lycées général et technologique, pas en lycée professionnel ; à leur création il permettait la poursuite d’études aux élèves des Brevets techniques, transformés par la suite en Baccalauréats techniques puis de technologie.

Bernard Desclaux

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L’orientation des élèves : un marqueur politique majeur

La suppression des procédures d’orientation est enfin un thème public. La FCPE, par son président Jean-Jacques Hazan vient d’en formuler la demande, et le Cafépédagogique en rend compte dans son expresso du 13 septembre
Jean Marie Quairel (ancien directeur de CIO) que je citais dans mon dernier post « Les 40 ans des Nouvelles procédures d’orientation »  m’a proposé de publier le texte qui suit.

Le contexte des projets politiques

La période que nous vivons, démontre l’importance des enjeux autour de la question de l’orientation. Alors que la gauche (PS, FDG, EELV) préconise un système où les choix d’orientation soient reculés le plus tard possible , la droite ( UMP, FN) envisage des orientations dés la fin de la 5° (13 ans) et un développement massif de l’apprentissage : deux choix de société très différents et deux conceptions opposées de la formation des citoyens .

Le constat des verrous scolaires

Aujourd’hui, des verrous existent en fin de 6°, 4°, 3° et Seconde qui expliquent en partie le blocage de l’ascenseur social, les orientations par l’échec, la désaffection pour la voie professionnelle et la croissance exponentielles des décrochages. Les solutions passent-elles par encore plus d’orientation précoce ou par une meilleure préparation de tous les élèves à des choix plus tardifs ?

Les décisions d’orientation : une question démocratique cruciale

Observons que ce débat véhicule un non dit assourdissant et une belle hypocrisie. Aujourd’hui, les jeunes et les familles ne sont pas « égaux de fait » devant les décisions d’orientation. A tous les niveaux où elles existent, certains peuvent réellement s’orienter selon leur choix, tandis que d’autres sont orientés, contre leur grés. Ce sont évidemment les notes qui font la différence, dont on sait qu’elles sont majoritairement fortement corrélées à l’appartenance sociale et culturelle et dont on connaît le caractère aléatoire. Les décisions d’orientation maintiennent donc le système éducatif en l’état et, au-delà, toute l’organisation sociale et économique.

Une solution radicale pour une école réellement émancipatrice

En attendant des transformations indispensables du système éducatif, portant en particulier sur la formation et le service des enseignants, le contenu des programmes, les modes de transmissions et d’évaluation des connaissances et compétences, il est urgent d’appliquer une mesure qui garantisse l’égalité de fait de tous les élèves et familles, vis-à-vis des choix d’orientation.

La décision d’orientation doit être prise, in fine, par l’élève et/ou sa famille.

En amont, toutes les conditions d’une information objective et d’un conseil individualisé, sont mises en œuvre.

En aval, les dispositifs d’accueils, d’accompagnement et de soutiens des élèves qui en ont besoins, sont systématisés.

Cette mesure concerne autant le redoublement que les choix d’études après la 4° et surtout la 3° et la seconde.
Elle permet de supprimer l’arbitraire actuel, où les chefs d’établissements, premiers arbitres des désaccords entre demande de la famille et propositions des enseignants, n’appliquent pas tous les mêmes règles. Certains donnent systématiquement raison à la famille, d’autres aux enseignants.
Elle entraîne, de fait, la suppression des commissions d’appels qui ne font pas honneur à la République, quand des parents viennent se justifier voire s’humilier en exposant des situations douloureuses de l’ordre de l’intime , devant des inconnus, pour obtenir un passage en seconde.

Les bénéfices attendus sont évidents :

  • Les enseignants peuvent se consacrer à leur mission principale et ne sont plus « juges et parties »
  • Les parents et les élèves, responsabilisés, sont beaucoup plus réceptifs et moins défensifs
  • Le travail des Conseillers d’orientation Psychologues est mieux compris
  • Toutes les voies de formations sont à égalité de valeurs
  • Le droit à l’erreur est reconnu
  • La confiance entre partenaires éducatifs peut s’installer
  • La gestion des flux, ne peut qu’être améliorer, en évitant les choix forcés, les décrochages précoces et le recours aux formations privées
  • La pression exercée aujourd’hui par certains enseignants sera relativisée et atténuée de fait, car on n’utilise pas les mêmes arguments dans un dialogue où l’on sait que l’interlocuteur dispose, in fine, du pouvoir de décision.

Le statu quo est incompatible avec un projet éducatif réellement démocratique et égalitaire

On peut comprendre le silence des parties de droites sur cette question, voire leur volonté de renforcer une sélection précoces : ils sont cohérents avec leurs projets de société.

De fait, la balle est dans le camp des partis et des syndicats progressistes, ou qui se prétendent tels. Le moment est venu de marquer leur différence et leur volonté de promouvoir un autre système éducatif, en se positionnant clairement sur une question qui conditionne tout le reste.

Les objectifs d’élévation du niveau général des élèves, de développement de la confiance entre les acteurs ( parents, enseignants, élèves), de leur responsabilisation, de leur autonomie, de leur attention aux autres et à leur environnement… Ces objectifs ne pourront être atteints si les décisions d’orientation continuent d’échapper à une grosse minorité d’élèves et de familles (1/3 environ). Tout comme ne pourront se concrétiser un autre regard, plus positif, sur les formations professionnelles et au-delà de l’école, un autre fonctionnement social.

Aujourd’hui il est déterminant que, partisans d’une école nouvelle, coopérative et libératrice, politiques et syndicalistes se mobilisent pour rompre définitivement avec un fonctionnement objectivement conservateur et inégalitaire.
Le pouvoir de décider et de conduire sa vie, ne peut pas être accordé à certains citoyens et refusé à d’autres. Ce qui se joue dés le collège pour beaucoup d’entre eux, explique en grande partie la défiance et le mal vivre au travail qui caractérisent notre société. La méritocratie et l’élitisme républicain ont atteint leurs limites. Il faut leur redonner un sens en leur insufflant une nouvelle énergie, contenue dans les aspirations libérées de toute la jeunesse.

Mars 2012         Jean Marie Quairel

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Les 40 ans des Nouvelles procédures d’orientation

Ce 11 septembre 2012, la concertation reprend à propos du collège. J’espère que nos concertistes pourront lire ce billet ainsi peut-être que quelques autres (Conséquences du collège unique et Pourquoi faut-il supprimer les procédures d’orientation entre autres).

Le 8 octobre 2003, j’animais la table ronde du matin pour fêter les 30 ans des procédures d’orientation organisé par le GREO ! 2013 approche à grands pas ainsi que l’horizon du quarantième anniversaire cette fois-ci. A moins, à moins qu’une décision courageuse ne soit prise par Vincent Peillon : la suppression des procédures d’orientation.


Je vais reprendre ici l’introduction que j’avais préparée pour ouvrir cette table ronde ainsi que quelques textes que je viens de trouver sur le net.

Introduction de la table ronde

Le système de formation que nous connaissons aujourd’hui en France est à l’époque un ensemble d’organismes séparés, parfois étanches, relevant de ministères différents ou d’autres organisations, et l’histoire des procédures est liée à l’histoire de la mise en système comme le rappellera sans doute Antoine Prost cette après-midi.
Je rappellerai quelques caractéristiques de ces éléments dans un premier temps, et ensuite je ferai un rappel rapide de l’état des lieux juste avant 1959 sur l’aspect « circulation des élèves » et notamment :

– Le développement du Décret de 1938, qui place maintenant les conseillers en position dominante dans le rapport entre l’école primaire, l’apprentissage et l’enseignement technique.
– L’articulation entre l’école primaire et après. Se fait sur la base d’une commission départementale alimentée par des « observations » de trois ordres : des résultats scolaires, des appréciations des instituteurs, et des tests psychotechniques (depuis 1956). L’examen d’entrée en sixième a été supprimé en 1956. Liaison entre OS et OP.
– Il existe une réglementation très ancienne (1880) qui concerne le passage en classe supérieure, basée sur le jugement professoral (notation et appréciation), avec un système d’épreuves scolaire s’il y a doute entre les enseignants. Ceci concerne le secondaire c’est-à-dire le lycée.
– Une aide, « inorganisée administrativement », mais encouragée, pour les rebus du système. Directive aux chefs d’établissement, utilisation des centres.

A la suite de la première guerre mondiale, le thème de l’école unique fut lancé. Le Front populaire étend ce slogan à l’école moyenne, ce qu’on appelle aujourd’hui le collège unique. Et l’on constate que parallèlement aux avancées sur l’entrée en sixième de lycée des élèves provenant du primaire, on assiste à une augmentation de la fonction de contrôle des élèves attribuée à cette première année de scolarité dans le lycée.
Il y a donc deux moments où l’observation de l’élève est réclamée pour fonder une décision, le moment de l’articulation école primaire et ensuite, et le moment de la sixième comme sas d’entrée.
Cela pose un double problème : quelle est la nature de ces observations qui vont fonder le jugement d’entrée, de poursuite ou de sortie, d’une part et d’autre part, y a-t-il d’autres professionnels que les enseignants considérés comme des experts ?
Cela introduit des conflits potentiels :

  • Entre le pouvoir professoral et le pouvoir administratif ;
  • Entre le pédagogique et le psychologique ;
  • Entre les trois psychologues disponibles (Conseillers d’Orientation, Psychologues scolaires)
  • Entre l’administration et les familles.

Rajoutons pour finir quelques éléments d’ordre politique Cette réforme est l’une des toutes premières réformes de la période gaullienne et le démarrage de la cinquième république. D’une certaine manière elle s’inspire du plan Langevin-Wallon en reliant le besoin social de démocratisation de la scolarisation d’une part, et d’autre part le besoin économique de la production notamment de techniciens et de cadres.

A un an du quarantième anniversaire

Les « nouvelles procédures d’orientation » ont répondu à ces différentes questions. Le poids de la « performance scolaire » évaluée par notre système de notation s’est renforcé dans le processus de l’orientation. D’une certaine manière, le combat d’Henri Piéron pour la docimologie a été perdu. Jean-Paul Sauzède dans son article Les notes et l’orientation ou comment le système scolaire distille ses élites… pp. 9-11 du bulletin syndical Inspecteur aujourd’hui n° 75- 2011  formule cette hypothèse qui me semble assez juste.

« … le corps enseignant vivait l’intrusion des « orienteurs » dans les établissements comme une prise de pouvoir remettant en cause leurs pratiques et jusqu’à leur existence même, puisque les décisions d’orientation se seraient fondées sur la détection d’aptitudes indépendantes des résultats scolaires…
Nous faisons l’hypothèse que la résistance des enseignants à cette intrusion s’est manifestée par une crispation durable sur les pratiques de notation (le professeur reste le maître dans sa classe), crispation qui fut, en France, à la mesure des efforts déployés par Piéron et ses collègues pour remplacer les examens par les tests. »
(p. 5)
De mon côté j’ai beaucoup écrit sur ce blog et ailleurs à propos des procédures et de la notation. Il vous suffit d’explorer ce blog. Mais je voudrais vous indiquer un article que je viens seulement de repérer : Des professions et leurs doutes : procédures d’orientation et décisions de « réorientation » scolaire en fin de seconde, de H. Buisson-Fenet . Je vous invite à le lire bien sûr et à méditer sa conclusion :
« Le souci moral que produit l’exercice délibératif sur la réorientation a sans doute partie liée avec le sentiment trouble qu’un « lycée pour tous », du moins dans sa première année, devrait prolonger le « collège unique ». En toute logique, la remise en cause du collège unique permettrait de reporter le dilemme en amont. Reste à savoir si l’on doit accepter de payer la fin du « malaise enseignant » d’un tel prix ? »

Il y a bien sûr un prix à toute refondation et à tout changement sérieux. Si ce n’était pas le cas…
Bernard Desclaux

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Les Français et la note

L’IFOP vient de publier les résultats d’une enquête : Les Français et la suppression des notes à l’école, réalisée à la demande de Métro, à la fin aout. C’est un point dans les échanges engagés depuis un an autour de la notation et de sa suppression à l’école ou dans le système éducatif.
En rire ou en pleurer ? Je suis pris entre ces deux réactions à la lecture de ces données.

Le constat

La question était simple : « Vous personnellement, êtes-vous favorable ou pas favorable à la suppression des notes à l’école ? », et sans échappatoire. Pas de réponse du genre « indifférents », ou « n’a pas d’avis ». Il faut donc répondre. Et le résultat est clair : 80% des français ne sont pas favorables à la suppression des notes à l’école ! Ce résultat risque de refroidir le débat engagé, même si Vincent Peillon est resté prudent.
On observe bien sûr quelques variations dans ce pourcentage selon les catégories, qui me surprennent parfois. Ainsi les habitants de l’Ile de France et en particulier de Paris y tiennent plus que ceux de Provence. Bien moins surprenant les « vieux » (+ de 65) tiennent beaucoup aux notes. Rappel du bons vieux temps ? J’en ai bavé, y a pas de raison que cela change pour les jeunes ! Mais lorsqu’on remarque que justement cette génération est celle de 68 comme le rappelle Métro , qui se trouve « à cheval » sur les deux catégories les plus opposées à la suppression (82% pour les 50-64 ans, et 85% pour les + de 65 ans) alors là Je pleure.

Et pendant ce temps…

Pendant ce temps, celui des vacances, le Cafépédagoique a publié sa saga de l’été : À la rencontre du système éducatif suédois en 10 chapitres par Eva Ruaut. A lire d’urgence si vous ne l’avez pas suivi.
Un petit extrait du chapitre 10 intitulé « Nous avons beaucoup à apprendre du modèle scandinave. »

« Jamais, avant ces deux semaines, je n’avais réalisé à ce point combien notre système français s’attache à la « forme » des réalisations, à leur tenue, et donne de l’importance à nos classements permanents (issus de notes, de concours, de compétitions sportives ou même juste alphabétiques !). »
Cet attachement à la forme, et à son repérage est un élément de ce que Bourdieu désignait sous le concept de distinction. Mais s’il y a une attention aux différences il doit bien y avoir également un arrangement pour produire ces différences. Et notre système de notation dans le système scolaire en est un des piliers. Sa simplicité en fait son efficacité (cf. La notation et la procédure d’orientation ).

Simplicité vs complexité

Vincent Peillon, ministre actuel de l’éducation nationale vient de s’exprimer très « prudemment » sur la suppression de la notation en réponse à l’enquête du SE-UNSA.
« Le ministre estime qu’il faut trouver un système d’évaluation – que les spécialistes appellent “formative” – c’est-à-dire “qui encourage à progresser et pas qui décourage et conduit à provoquer l’échec”. “Donc il n’y a pas de suppressions des notes, il y a beaucoup de procédures (possibles), il faut faire évoluer notre façon de noter, cela vaut pour les élèves et pour les professeurs qui sont toujours notés comme les élèves”, a conclut M. Peillon. » (extrait d’un article du Monde)
A la question de François Jarraud du Cafépédagogique « Le livret personnel de compétences est très critiqué. Allez-vous prendre une initiative ? », le ministre répond :
« Oui. Le livret actuel est d’une complexité absurde. Je ne veux pas abandonner le principe du socle, d’un ensemble de connaissances et de compétences qui doivent être maîtrisées par tous à la fin du collège. Mais nous devons le transformer et transformer son évaluation – la concertation se penche sur ce sujet. A titre transitoire, j’ai demandé pour cette année que l’on prépare un livret de connaissances et de compétences largement simplifié, qui ne soit pas un casse-tête stérile pour les professeurs. »

Quitter ce malheur français

Une petite phrase, toujours à propos de la notation dans une interview de notre ministre : «Vous savez, les élèves de France, à part les petits japonais, sont les plus malheureux au monde!» a déclenché également quelques interrogations. On trouvera une longue discussion dans l’article de Ludivine Olives « Les élèves français sont-ils les plus malheureux au monde? »

Elle y rassemble les arguments habituels, la pression due aux notes, la peur du redoublement, un manque d’appropriation, des professeurs et parents sous pression et termine son article de la manière suivante : « Au final, les parents et les enseignants sont stressés et désarmés et ont du mal à offrir un cadre stable et rassurant à l’élève. Conclusion de Peter Gumbel: «On est loin d’une communauté heureuse. C’est triste, l’école est tellement importante.» »
Elle est importante, en effet, mais sans doute beaucoup trop. Nous lui avons confiée la fonction de la répartition sociale.

Évaluation, notation : compter ou rendre compte ?

Tel est le titre d’un paragraphe du rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche : Les acquis des élèves, pierre de touche de la valeur de l’école ? Juillet 2005 N°2005-079

J’en reprends ici un large extrait (p. 45-46), qui fermera ce billet.
« Contrairement à ce qui se pratique à l’école primaire, la note demeure reine dans le second degré; malgré ses faiblesses. Celles-ci sont bien connues : inconsciemment, même avec un barème, les correcteurs notent différemment un élève supposé bon ou mauvais, un garçon ou une fille, une copie située au début ou en fin de correction.
Consciemment, un enseignant utilise la note pour encourager un progrès ou sanctionner une attitude ; il note donc différemment des prestations comparables. D’un contrôle à un autre, la même note peut rendre compte de qualités différentes : rapidité et technicité un jour, inventivité et expression un autre. Sur le même devoir, la même note recouvre des compétences différentes selon qu’elle résulte d’un grappillage minutieux ou d’une partie du devoir traitée avec brio. Le même élève, lent, émotif, ne donne pas la même prestation en temps (trop) limité qu’en temps libre, etc. Enfin, cause maintes fois dénoncée de la relativité de la note, l’enseignant s’efforce le plus souvent de fabriquer un contrôle et un barème qui étalent les notes et répartissent les élèves en trois groupes : les bons, les moyens, les faibles29. Il serait suspect que tous ses élèves réussissent…
La note est donc relative, peu fidèle, peu explicite. Et pourtant elle est admise par tous, élèves, parents, enseignants, chefs d’établissement. C’est le support de (presque) tout dialogue sur les acquis des élèves. Il est vrai qu’elle se communique aisément, qu’elle permet des classements, des moyennes, des agrégats, des traitements statistiques.
Même lorsque l’évaluation porte sur des critères explicites, le retour à la note s’impose (pour la moyenne, pour l’examen etc.). En EPS, par exemple, la performance de l’élève est appréciée soit sous forme d’une valeur mesurable soit sous forme d’une valeur déterminée à partir de critères de maîtrise propres aux compétences attendues. Les enseignants d’EPS font une utilisation permanente de l’évaluation critériée associée à une évaluation normée, avec la difficulté supplémentaire d’apprécier des prestations uniques et fugaces (par exemple en danse, en gymnastique). La discipline cherche aussi à rapporter une performance à un potentiel physique. Il y eut même une tentative de notation du progrès et de l’investissement de l’élève. D’où des grilles, des barèmes et, dès les débuts de l’informatique, des programmes de conversion et de notation assistées par ordinateur. C’est aussi en vue du brevet des collèges que se réfléchit aujourd’hui la possibilité d’attribuer une « note de vie scolaire », une « note de découverte professionnelle » avec des critères et des pondérations difficiles à préciser. Dans le domaine professionnel on sait apprécier la maîtrise des compétences, mais l’examen exige un retour à la note. Prenons un exemple : de nombreux critères permettent d’apprécier la qualité d’une coupe de cheveux. Comment dire si elle vaut ou non la moyenne ? Dans ce cas précis, il a été décidé de noter au-dessus de dix si la coupe est rattrapable, au-dessous sinon. Ce choix arbitraire a le mérite d’être explicite. Il faudrait poursuivre l’investigation pour savoir quand elle vaut plus ou moins de douze, de quinze, de dix-huit…
Puisque c’est la note qui compte, « avoir la moyenne » devient insidieusement une norme et le salaire escompté d’un effort justement mesuré. Ce minimum, lorsqu’il est atteint, apporte une certaine tranquillité à l’élève vis-à-vis du professeur, à l’enfant vis-à-vis de ses parents et garantit le passage dans la classe supérieure. On est loin de l’élève « acteur » de sa formation, loin du sens des apprentissages et d’un rapport fructueux au savoir.

28 Celui qui a eu à expliquer à des étrangers notre système de notation et à avouer qu’un excellent devoir mérite, selon les matières, 14, 16 ou 18, reconnaîtra là la spécificité française.
29 Ce que André Antibi, directeur du laboratoire de didactique des sciences de l’université P. Sabatier à Toulouse appelle « la constante macabre » »

Bernard Desclaux

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A propos de la fonction conseil dans le système éducatif

Après l’apparition de l’éducation à l’orientation en 1995, responsable de cette formation dans l’académie de Versailles, je me suis interrogé sur les difficultés de la mise en œuvre du conseil technique par les conseillers d’orientation-psychologues. J’ai repris cette question dans plusieurs conférences notamment au cours de la formation des directeurs de CIO à l’ESEN (Voir formations de 2012.

En 1997, L’inspection générale publie « Le Collège, 7 ans d’observation et d’analyse », CNED, Hachette/Education, 1997. Dans ce rapport, les IGEN remarquent en plusieurs endroits que la fonction de conseil qui aurait été nécessaire de mettre en place n’a pu fonctionner, et notamment ils repèrent trois zones de problèmes liés à cette difficulté. Ces trois zones ont-elles évoluées, quinze ans après ?

Le recteur manque d’informations qualitatives qui ne lui remontent pas


La remonté d’information a toujours été un problème. La création du corps des inspecteurs par Guizot avait déjà cette raison essentielle : avoir des données sur le terrain. Il ne s’agissait absolument pas d’assurer un rôle de conseil ou de régulation auprès des directions. Le rappel historique que l’on trouve sur Wikipedia à propos de l’Inspection générale de l’Éducation nationale () est assez révélateur. Les inspecteurs ont un rôle de « contrôle » individuel des personnels. La fonction d’évaluation de l’établissement n’apparait que récemment. Les inspecteurs régionaux sont engagés dans des « audits » d’établissements à la demande du recteur (plus rarement à la demande de l’établissement lui-même), et les inspecteurs généraux élaborent des évaluations de politiques académiques.
La création de la DEPP avant ce mouvement, se fait avec la création de l’EPLE. On sort d’un système à autorité descendante pour aller vers la reconnaissance d’un système complexe, dont les unités sont chargées officiellement d’interpréter les directives. Les informations dont dispose le ministère (résultats aux examens et « rapports » des inspecteurs) sont insuffisantes pour constituer un réel feedback permettant un pilotage du système (comme on le dira plus tard : Dossier documentaire, Promouvoir une culture de l’évaluation et de pilotage pédagogique dans notre système éducatif. Problématique et documents d’accompagnement, Juillet 2010). Mais cela ne résout pas le problème signalé plus haut par les IG de l’absence d’information qualitative des recteurs. Cette remarque n’est pas très claire. La difficulté est-elle dû à l’absence d’information à lui transmettre de la part des IPR-IA, liée à la difficulté pour eux de mener des observations générales dans les établissements ou parce qu’ils ne les reçoivent pas eux-mêmes ?


Aujourd’hui, les deux axes ont été développés :

  • Les audits et le système des lettres de missions, et les contrats créent un flux d’informations quantitatives et qualitatives plus ou moins « sûres », mais qui ont le mérite d’exister.
  • Les systèmes de remontées automatiques de données de l’établissement vers le rectorat puis le ministère se mettent en place avec plus ou moins de « bonheur » (exemple les aléas de la base élèves, les déclarations de places libres pour alimenter le système d’affectation, etc…).


Il y a un manque de conseil de la part des IPR-IA vers les établissements


A l’époque de ce rapport, on pouvait s’interroger sur cette question de plusieurs manières.
Question de base tout d’abord : inspection et conseil sont-ils compatibles ? Ces deux rôles peuvent-ils être exercés par la même personne ? En 1995, dans la Revue internationale d’éducation de Sèvres n° 8 : L’inspection : un nouveau métier ? n° 8, décembre 1995, on peut trouver l’article de Clive Hopes, intitulé : Inspecter en Europe. Le résumé se termine par « Malgré les différences liées aux structures éducatives et aux traditions culturelles, une évolution commune apparait : I’inspection concerne de plus en plus l’évaluation des institutions et des systèmes ». En novembre 2011, le dossier d’actualité veille et analyses de l’IFE, n° 67 porte sur : Inspection scolaire : du contrôle à l’accompagnement ? Le constat général de l’IFE montre un déplacement de la fonction de l’inspecteur : du contrôle des personnes (inspection individuelle des enseignants) à une évaluation-accompagnement des établissements. Ce changement de fonction semble ainsi répondre à « notre » question. On ne peut pas contrôler et conseiller.
La grande majorité des IPR-IA sont « disciplinaires », l’entrée « établissement » ne leur est pas familière. Comment pourrait-il se placer dans un rôle de conseil vis-à-vis d’un chef d’établissement ? Le découpage du corps n’a changé, il y a toujours les « disciplinaires » et les « AVS ». Mais ils sont devenus des IA-IPR, et leurs missions ont évolués.


Comment cette familiarité s’est construit petit-à-petit ? A part les textes de cadrages on peut relever deux champs d’actions. Les recteurs ont engagés leurs inspecteurs dans des opérations d’évaluation ou d’audit d’établissement, en les faisant travailler à plusieurs de statuts différents, parfois en associant des équipes universitaires. Dans certaines académies (Versailles par exemple), les IA-IPR ont représenté le recteur dans les réunions de bassin. Il s’agissait donc de créer des occasions d’exercer, de fait un autre rôle. L’autre champ est celui de la formation des inspecteurs. Et ici le rôle de l’ESEN a été primordial. Développement des formations en rassemblant les « spécialités » d’une part, et en abordant de plus en plus de thématiques transversales et de « générales ». Le pilotage (du système éducatif, de l’établissement) s’est imposé en particulier avec les apports du recteur Alain Bouvier (de très nombreux documents se trouvent sur le site de l’ESEN, ou encore l’évaluation avec l’Inspecteur général Jean Etienne. Et actuellement, une partie de la formation se fait conjointement avec les chefs d’établissement ! La conception de la formation par silos a largement sauté.
Le ministère, sous le précédent ministre, a tenté une transformation profonde, retirer l’évaluation des personnels au IA-IPR pour la transmettre au chef d’établissement. Le décret de Luc Chatel, publié à la dernière minute, le 8 juin, a rencontré les réactions des syndicats des trois acteurs concernés. Et il fut abrogé le 20 juin. « Pour autant il n’est pas question de rester sur le statu quo, assurent les syndicats. ». Si l’entrée établissement est aujourd’hui légitime, le découpage des corps et sa liaison à l’inspection individuelle reste un frein actif.


Le champ libre laissé aux MAFPEN et aux formateurs


Enfin ces deux absences ont laissé le champ libre, d’après les IGEN, aux MAFPEN, et surtout aux formateurs qui se définissent comme les experts dans ce domaine pédagogique. Ces formateurs sont incontrôlés précisent les IGEN.
A mon avis il faut nuancer cette question du contrôle. Car en effet il n’y a pas de contrôle officiel, les formateurs ne reçoivent pas « d’ordre » de la part des inspecteurs, ni des organismes du rectorat. Mais l’absence de statut du formateur le laisse très dépendant de « son » inspecteur, et plus largement de la satisfaction des différents acteurs.
Dans de nombreuses académie, le principe du stage dit d’établissement fut développé sur des modalités très diverses. Mais il y a avait là une rupture forte avec l’organisation traditionnelle de la formation : un stage, un formateur, des stagiaires du même type provenant de toutes l’académie. Une conception traditionnelle, mais surtout une conception individualisante de la formation. Le stage d’établissement déplaçait l’objectif de la formation, mais aussi la fonction du formateur. Je développerais ce thème dans d’autres posts.
Petit-à-petit, à l’occasion de la mise en œuvre de réforme, le recteur et ses inspecteurs ont organisés des dispositifs d’aide, d’accompagnement aux établissements, hors du champ de la formation. Avec la réduction des budgets académiques, la formation fut réduite, et beaucoup de formateurs sont retournés pour la totalité de leur temps dans la classe. Or la « formation » d’un formateur est longue, n’est jamais finie.
Donc sur ce dernier point, c’est sans doute la modification la plus franche que l’on peut constater depuis l’écriture de ce rapport. Les inspecteurs ont « repris la main ».

Il faut sans doute relier la notion de conseiller technique à la question plus générale du conseil dans l’institution scolaire, et je fais l’hypothèse que la fonction de conseil dans une structure organisationnelle de type hiérarchique et bureaucratique est difficile à introduire, car elle suppose une transversalité dangereuse pour le pouvoir vertical, mais également pour le pouvoir local.


Bernard Desclaux

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Pourquoi faut-il supprimer les procédures d’orientation

Nos procédures d’orientation structurent notre système scolaire depuis fort longtemps (1880, 1959, 1973, 1992). Elles reposent sur un pouvoir sur les élèves concernant leur circulation dans le système scolaire, attribué aux enseignants et aux chefs d’établissement reposant sur une circulaire de 1880. Il serait peut-être temps de prendre une grande décision.

Actuellement, elles produisent des redoublements à quatre niveaux du système : 6ème, 4ème, 3ème du collège et en seconde au LETG, sans compter ceux qui sont produits en primaire ! Ainsi 49% des élèves de seconde ont fait un parcours “normal”.

Elles ont toujours été justifiées comme permettant d’assurer l’équité et l’égalité des chances, or les résultats de PISA montrent que notre sélection scolaire renforce les inégalités sociales.

Elles devraient également favoriser le dialogue entre l’école et les familles. En effet, on y parle de dialogue, de vœux, de propositions, d’implication familiale, mais l’on observe pression, conflit, passivité, rancune, non seulement entre les familles (les élèves) et les enseignants, mais également entre les enseignants et les chefs d’établissement (l’évaluation de l’établissement, et indirectement de son « chef », se fait en grande partie sur les statistiques d’orientation). Curieusement, et malgré ces faits, les enquêtes d’opinions relèvent la satisfaction globale des familles. L’emprise du pouvoir enseignant est bien intégrée dans la population.

En troisième, fin du collège, s’opère la grande bifurcation, le grand tri entre ceux considérés comme capable de poursuivre en seconde STG et les autres envoyés en voie professionnelle, car c’est sur cette base que les propositions d’orientation sont prises et non pas sur la motivation des élèves. C’est la réussite scolaire au collège qui justifie cette répartition. Mais ceci ne se justifie pas que sur la base de la troisième. Le collège unique n’a jamais été unique, ses parcours « particuliers » internes ont toujours permis d’atténuer le choc du jugement de la 3ème, et en grande partie de déculpabiliser ses auteurs en fin de parcours.

Ces procédures soutiennent la particularité française des enseignants : faire réussir tout le monde (objectif du socle), tout en produisant des jugements discriminants justifiant l’orientation : paradoxe pragmatique qui aboutit à la constante macabre d’Antibi. Les procédures d’orientation (et d’affectation) nécessitant des notes empêchent une réelle mise en œuvre de l’objectif du socle commun.

Enfin l’éducation à l’orientation (aujourd’hui le PDMF) ne peut réellement se mettre en place car elle n’a aucune utilité dans un système fonctionnant à la contrainte et non à la confiance. La réussite éducative suppose confiance en général dans l’humain et en chacun.

Dernier argument (parmi bien d’autres), le système scolaire qui aux yeux de PISA réunit la plus grande efficacité et la plus grande équité sociale n’a ni notation, ni redoublement, ni procédures d’orientation. Bizarre.

La suppression des procédures entrainera la révision de l’affectation, la mise en place d’une seule seconde (lycée unique), et le développement d’un réel service d’accompagnement des personnes dans leurs pratiques d’orientation.


Bernard Desclaux