Animant depuis cinq ans une licence professionnelle Management des organisations de l’économie sociale à l’Université de Marne la Vallée, avec Pierre Dubois, puis, depuis la retraite de Pierre, avec Hervé Defalvard, il m’est possible de constater à cette rentrée les effets tangibles et immédiats de la crise sur les décisions des étudiants.
Alors que depuis la création de cette licence, il avait été possible d’inciter les étudiants à aller vers l’emploi avec des résultats tout à fait satisfaisants, cette situation évolue très fortement en cette rentrée. Les poursuites d’études qui demeuraient jusqu’à présent exceptionnelles seront beaucoup plus nombreuses.
Les enseignants responsables de cette licence regrettent bien sûr cette évolution, contraire à l’objectif premier d’une licence professionnelle, mener les étudiants à l’emploi. Ce sentiment est toutefois atténué par une satisfaction certaine d’avoir su motiver des étudiants, majoritairement issus de filières professionnelles (et pour un nombre non négligeables dès le secondaire) vers des études longues.
Plusieurs facteurs convergent pour expliquer cette évolution.
- Le premier est bien sûr l’intégration par les étudiants eux même de la crise, et leur tentation, bien compréhensible de repousser le moment où ils seront confrontés au marché du travail, en espérant que dans une, deux, x années le contexte sera plus favorable, ou plutôt moins défavorable.
- La deuxème tient dans l’attitude des enseignants qui ont, plus ou moins consciemment, moins poussé les étudiants vers l’emploi que les années précédentes, car ils savaient, eux aussi, qu’ils risquaient d’avoir de fortes difficultés pour trouver l’emploi qu’ils étaient en droit d’attendre
- La troisième est plus problématique : tous les étudiants qui l’ont souhaité semblent avoir accepté en Master, et dans la majorité des cas, cette acceptation s’est faite sans aucun contact entre les responsables du Master et les responsables de la licence professionnelle. Il n’est pas certain que tous les étudiants retenus réussiront.
Cette situation satisfait, à court terme, les étudiants qui ont trouvé, pour un an, une solutions sécurisante. Elle satisfait, certainement, les responsables de Master 1 qui auront le large vivier où ils pourront sélectionner ceux qui auront le droit de faire un Master 2, et l’Université dans son ensemble, toujours très sensible, à la question des effectifs, conditionnant pour une large part les moyens qui lui sont attribués.
Elle satisfait, n’en doutons pas, le Gouvernement, qui voit ainsi se réduire, modestement mais si la situation que je décrit se répète sur l’ensemble du territoire, significativement, la pression des jeunes sur le marché du travail, dans le contexte d’une rentrée qui s’annonce, sur ce plan, catastrophique. Les statistiques du chômage seront ainsi allégées.
Mais cette situation est loin d’être satisfaisante, car elle entrave les efforts faits pour structurer des emplois au niveau Bac Plus 3, convaincre employeurs et branches professionnelles de la pertinence de ce niveau de compétences.
Il est toutefois possible de se féliciter de la réaction de certains étudiants qui ont choisi pour contourner cette difficulté d’autres voies, leur permettant de diversifier leur expérience, et d’améliorer leur pratique des langues étarngères : Service Volontaite Européen, Volontariat International…, et de sortir de la dialectique poursuite d’études ou chômage.
Mais il est surtout très regrettable que cette situation se produise au moment où le parcours proposé : licence, vie profesionnelle, puis retour en formation en Master 2 commençait à se concrétiser.