Au cours des derniers mois, dans trois Ecoles de commerce, les professeurs ont manifesté leur désaccord avec leur autorité de tutelle ou la direction générale.
Dans le cas le plus ancien[1], les enseignants, par le biais du comité d’entreprise, s’étaient émus publiquement contre la manière dont la Chambre de Commerce gérait le processus et choisissait les critères de recrutement d’un nouveau directeur.
Dans le deuxième cas[2], les enseignants de l’Ecole ont voté une motion de défiance à l’égard de la direction générale quant aux choix stratégiques et aux conditions de nomination du doyen du corps enseignant. Ils dénonçaient par ailleurs l’absence de représentant des enseignants au conseil d’administration de l’Ecole.
Dans le troisième cas[3], le plus récent, les enseignants ont exprimé leur mécontentement en se mettant symboliquement en grève de 12h à 14h (une première) pour protester contre ‘l’absence de toute collaboration constructive avec la Direction Générale’ et leur mauvaise représentation dans les instances de gouvernance.
Chaque cas est bien évidemment spécifique et correspond à un contexte bien particulier qu’il ne nous appartient pas de commenter.
En revanche, la juxtaposition de ces événements doit conduire à s’interroger sur l’existence de causes communes à ce qui peut être analysé à la fois comme une tension entre la gouvernance et les professeurs, mais aussi et surtout comme une demande des enseignants d’Ecoles d’une participation plus réelle à la gouvernance des Ecoles.
Il faut en préambule préciser que la gestion des enseignants dans une Ecole (ou une Université) n’est pas chose facile (c’est un professeur qui s’exprime… en connaissance de cause !).Il faut ensuite noter qu’il est normal dans une organisation que des tensions apparaissent entre les acteurs ayant des perspectives et des cultures différentes.
Mais la difficulté relationnelle habituelle a probablement été renforcée du fait de l’évolution en profondeur d’un certain nombre d’Ecoles de Commerce : la course aux ‘étoiles’ engendrée par les classements et le renforcement de la recherche visant à répondre aux exigences des accréditations (Equis, AACSB, EPAS, AMBA) ont conduit les Ecoles à modifier le rôle du corps enseignant. Le statut des enseignants a changé et les vacataires (professionnels ou non) ont été remplacés en partie par des permanents. Leur fonction a également été remodelée, les enseignants devant aussi (surtout ?) devenir des ‘produisants’ (producteur d’articles dans les revues académiques internationales). Sur ce plan, les Ecoles se sont un peu rapprochées du modèle universitaire.
De simple ‘facteur ou ressource de production’, dans une chaine de valeur où l’on attend avant tout des enseignants qu’ils donnent des cours, ils sont devenus une véritable ressource stratégique qui influence le positionnement, le classement et l’attractivité des Ecoles.
Ce changement de rôle n’a pas été toujours accompagné d’une évolution dans la gouvernance des Ecoles et cette situation pourrait expliquer les crises observées.
On ne peut pas changer un élément d’un système sans s’interroger sur la cohérence entre les parties. Les écoles se sont rapprochées du modèle académique international[4] sans en adapter leurs structures. Elles ont connu de profondes mutations, sauf dans leur gouvernance.
On peut d’ailleurs s’étonner que les processus d’accréditations, si sensibles aux questions d’alignement stratégique, n’intègrent pas dans les nombreux aspects évalués, le rôle du corps professoral dans la gouvernance des Ecoles.
Mon propos n’est pas de dire que la stratégie d’une institution doit être définie par la Faculté, ou que le Directeur Général doit être élu par les seuls enseignants…, mais plutôt de considérer que sans associer ses parties prenantes, il sera difficile pour la gouvernance des Ecoles de mettre en œuvre ses décisions.
Sans le soutien de leurs ressources, les Ecoles se trouvent fragilisées. Cette remarque vaut d’ailleurs pour toutes les organisations, y compris pour les universités.
[4] C’est une autre question de savoir si elles ont bien fait !