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Pascal Junghans

La visioconférence pour l’enseignement du futur

Ce matin, 9 heures, c’est le moment de la visioconférence. Pour des raisons de confidentialité, je ne dévoilerai pas le sujet qui réunit ce jour certains enseignants et dirigeants de Skema business school. Nous sommes donc rassemblés par ce lien virtuel que représentent la caméra et des réseaux informatiques de l’Internet. Des plaisanteries fusent sur le temps qu’il fait. Et chacun donne la température et l’état du ciel qu’il soit à Nice, à Lille, ou à Raleigh (Etats-Unis). Le lendemain que j’avais une conférence avec mon directeur de département qui est, en même temps, le directeur de notre campus à Suzhou, à côté de Shanghai.

L’utilisation de cette technologie n’est pas un gadget mais, pour notre école, installée sur quatre continents, une nécessité. La vie de l’enseignant est marqué par des réunions avec la direction de l’école, des discussions formelles ou informelles avec ses pairs. Sans les technologies actuelles de la communication, employées régulièrement dans les entreprises transnationales, ces rencontres seraient impossibles dans notre univers de Skema, celui de l’enseignement internationalisé.

Et c’est très certainement un laboratoire pour l’enseignement du futur de qui permettra de construire et de proposer des projets éducatifs dans le monde entier, et de diffuser des enseignements à des étudiants répartis sur toute la planète sans forcément demander au professeur de passer son temps un avion au détriment de son activité de recherche qui sera une nécessité encore plus importante.

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Pascal Junghans

Ecole : faut-il interdire les ordinateurs en salle de cours ?

Faut-il interdire les ordinateurs dans les écoles de management ? Telle est la première question que je me pose dès la première minute de mon premier cours. C’est, en effet, une impression bizarre de parler, d’enseigner à des jeunes gens qui passent le cours les yeux braqués sur les écrans de leurs machines. Une impression totalement déstabilisante.

Dès mon premier cours, je les ai vu s’installer et aussitôt ouvrir leurs Macbook, leurs Assus et autres PC de poche. Et je me suis demandé « Mais que font-ils pendant que je leur transmets mon savoir ? » Jouent-ils en ligne ? Consultent-ils leurs mails ? Communiquent-ils avec leurs amis par Facebook ou messageries instantanées ? Dorment-ils, cachés derrière leurs appareils ?

La réponse est vite tombée. Encore plus déstabilisante. Je développe un point de mon cours. Un étudiant lève le doigt, très poliment, et explique, très calmement, que, cinq ans auparavant, dans un article, j’écrivais le contraire de ce que je dis maintenant.

Quelques quarts d’heures plus tard, je développe une autre idée. Un deuxième étudiant demande la parole. Il apporte des informations inédites pour renforcer le point de cours que j’étais en train de développer. Pendant que je parlais, les étudiants, non seulement prennent des notes sur leurs machines et, dans le même temps, vérifient mes dires via une recherche en ligne. Je suis évidemment totalement déstabilisé.

Est-ce bien ? Est-ce mal ? La question se pose. J’ai échangé avec quelques collègues. Certains acceptent cette situation, qui finalement enrichit la discussion qui doit se dérouler durant le cours entre un enseignant et des étudiants. D’autres exigent que les ordinateurs soient fermés. Pour éviter les tentations ludiques, certes. Mais aussi parce que leur cours a été conçu après des recherches approfondies, renforcées parfois par leurs expériences professionnelles. Ils jugent qu’ils n’ont pas à se battre contre des plus ou moins vérités formatées diffusées par Internet. Le débat n’est pas clos

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Pascal Junghans

Formation initiale – formation continue : vers une pédagogie unique

J’avais été assez frappé, il y a longtemps, lors d’une intervention à HEC. Deux enseignants de cette vénérable école m’avaient demandé de participer à une mise en situation où je devais jouer le rôle du journaliste – ce que j’étais très exactement – animant une émission de télévision où s’affrontaient deux groupes : écologistes et communiquants d’une chaîne de restauration rapide.

Au fond de la salle, les deux enseignants évaluaient l’efficacité des deux groupes. Quelques mois plus tard, je me suis retrouvé exactement dans la même situation mais avec des cadres d’entreprise. La différence traditionnelle en France entre formation initiale – qui s’adresse à des étudiants – et formation continue – destinée à des salariés – s’estomperait-elle ?

Une fois devenu enseignant en titre à Skema business school, j’ai découvert que le matériel pédagogique de la formation initiale ressemblait à celui de la formation continue. Les cours se délivraient à l’aide de présentation PowerPoint et non plus en lisant des documents soigneusement rédigés. Plus tard, je me suis rendu compte que ce n’était pas seulement le matériel du monde de la formation continue qui pénétrait celui de la formation initiale, mais également les pratiques pédagogiques.

Il ne s’agit plus de délivrer un savoir depuis une chaire, qu’elle soit physique, virtuelle ou psychologique. L’enseignant doit se comporter comme un formateur qui fait travailler des groupes d’étudiants autour de cas, les fait réagir sur des définitions, provoque leur réaction… Et, cerise sur le gâteau, dans le mastère que je dirige à Skema business school, la promotion mêle étudiants issus du programme grande école, qui viennent là suivre leur troisième année, et salariés qui se préparent à une prise de poste. Une dynamique se crée.

Je trouve cette fusion entre deux formations, séparées on ne sait pourquoi, infiniment intéressante. Elle permet de délivrer un enseignement devant une salle active. Je trouve cela infiniment plus impliquant de la part de l’enseignant qui doit « mouiller la chemise » pour entraîner un groupe. Cela, évidemment, nécessite des qualités de leadership auquel traditionnellement les enseignants français ne sont pas préparés – je ne sais si je le possède. Cela exige évidemment une implication plus forte des étudiants qui doivent, avant le cours, lire les ouvrages conseillés à l’avance par l’enseignant. Cette pédagogie exige plus et des uns et des autres.

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Pascal Junghans

Ma soutenance de thèse … cette initiation au métier d’enseignant

La transition s’est déroulée dans le cadre solennel de la Salle des conseils de l’université de Panthéon-Assas, alias Paris II. J’y suis entré comme journaliste. J’en suis sorti comme professeur de l’enseignement supérieur. Entre-temps, j’ai soutenu ma thèse, fruit d’un dur labeur d’une demi-douzaine d’années, sur l’appropriation de l’information par les dirigeants de grandes entreprises. Comme si, cette soutenance n’était pas simplement la sanction d’un travail, mais également un espèce d’adoubement.

C’est un moment étrange que celui de cette soutenance. Qui dit qu’elle n’est qu’une formalité, tant pour l’impétrant que pour le jury ? Pour le premier, des journées de bibliothèque, des entretiens avec des grands patrons, un « terrain » prestigieux, une réflexion perpétuelle, six mois de rédaction d’un document de 400 pages, le tout sous la férule amusée et empathique de mon directeur de thèse, le professeur Frank Bournois.

Pour les seconds, surtout pour les rapporteurs, Franck Brillet, maître de conférences à l’IAE de Tours et Ludovic François, professeur affiliés à HEC, la thèse à lire et à rédiger leurs rapports, deux documents extrêmement détaillés, deux documents démontant avec la précision d’un horloger mon travail, mettant à jour les imperfections, les impasses, les erreurs, et aussi également quelques qualités.

Et ce fameux 6 juillet 2011, je me suis retrouvé tout petit, face a une estrade gigantesque où siégeait le jury, qui pour l’occasion, avait revêtu une toge, la toge rouge, couverte de décoration pour certains, un jury, présidé par Mme le professeur Véronique Chanut, composé, en plus des rapporteurs et du directeur de thèse, par le professeur émérite Jacques Rojot et Christian fleuret, PDG d’un fonds d’investissement, en plus des deux rapporteurs et de mon directeur de thèse. J’en tremblais. Suivi une volée de questions, toutes plus pertinentes et pernicieuse, c’est-à-dire dangereuse, diabolique. Dans mon dos, je sentais le souffle inquiet de mes invités.

Ce moment est une initiation qui suit des rites immémoriaux. Il est une épreuve au cours de laquelle le voussoiment est obligatoire. Et puis, après la délibération du jury, le tutoiement devient facile. On m’a dit : « ça y est, tu fais parti de la confrérie ! ». La soutenance est cette onction des pairs. Je me suis senti prof avant même que mon contrat ne soit signé.