Alors que dans la presse professionnelle, ou les journaux économiques (The Economist, F.T, Global Focus) le modèle actuel des Business Schools est sur la sellette, il est bon de rappeler quelques vérités.
Beaucoup d’écoles se satisfont d’une stratégie de copier-coller, voire d’une stratégie opportuniste.
D’où certaines dérives, et notamment la plus fréquente qui concerne celle, par trop académique, de la Recherche alors que celle-ci devrait être orientée vers les entreprises, clients finaux s’il en est des Ecoles de Management, avec les étudiants.
La critique porte également sur des effets de mode et entre autres les fusions, dont la Cour des Comptes dans son rapport de 2012 avait fait apparaître les risques et l’aspect inopportun. Bien d’autres travers leur sont reprochés, et certains qui n’ont pas lieu d’être à propos des coûts de scolarité. Car, sauf à être totalement subventionnées par le Ministère, comme les IAE et Dauphine, on ne voit pas comment des institutions privées pourraient exercer un métier exigeant, très concurrentiel, sans demander des frais de scolarité. Les tensions que ces écoles rencontrent ne vont pas améliorer cet état de fait avec les modifications concernant l’apprentissage et le financement des Chambres de Commerce.
D’où l’importance de se définir une stratégie légitime qui se différencie de celles de ses consœurs. Certes nous sommes dans l’enseignement supérieur, et il importe de maîtriser les règles de base de fonctionnement, et le solfège organisationnel. Visa, accréditations, sélection des étudiants, qualification du corps professoral, recherche, publication, partenariats internationaux, échanges d’étudiants, examens, jurys… qui rythment traditionnellement la vie académique.
Mais une stratégie n’est pas une collection de bonnes idées éparses, même venues du meilleur corps professoral. Elle doit être fondée.
Elle s’appuie en premier lieu sur une convention d’effort de l’ensemble de l’institution, et prend sa source au cœur de l’établissement. Elle en porte les croyances et les valeurs spécifiques. Rappelons que le mot valeur vient du latin « valor » qui signifie « force ». Quelles sont les forces de l’institution qui sont portées par ses croyances, issues de la tradition, de l’histoire, des faits marquants qui en ont structurés la vie, son développement, ses accidents ?
La prise en compte du territoire, de son histoire et de ses ressources est capitale. Pas de construction sans terrain solide sur lequel on va pouvoir poser et ancrer les fondations, renforcées par les valeurs. On ne fait pas pousser une forêt au milieu d’un désert stérile. Le projet permet alors de commencer à voir apparaître l’identité propre, ce qui fait la différence entre cette école et la voisine. Ce processus, qui apparaît toujours évident lorsqu’il est terminé, abouti à un résultat dont la simplicité et l’élégance étonnent. Comment ne pas y avoir pensé avant, c’était sous nos yeux !
Communiquer devient simple. Qu’il s’agisse d’une communication courte ou non (1’30 ‘’ au journal de 20h ; 15’ devant des clients potentiels, 1h30 devant le conseil d’administration, ou 1,5 jours en réunion détaillée avec le corps professoral et les dirigeants de l’institution) les mêmes lignes apparaissent avec plus ou moins de détails et surtout avec tous les développements possibles.
Il est dès lors facile de renforcer la convention d’effort en interne, la stratégie est partagée et comprise, les projets qui apparaissent peuvent facilement être intégrés ou rejetés face à une grille de critères simples. Recruter de nouveaux talents se fait par rapport au projet, et d’ailleurs généralement les candidatures spontanées arrivent naturellement, car le projet est vite connu et identifié. Arbitrer les allocations de ressources est facilité. Et en définitive on évite les décisions purement opportunistes et sans convergence ou renforcement stratégique. Ceci n’interdit pas de saisir une opportunité si elle con courre au projet.
Il est aussi plus facile de se choisir des partenaires, et de rechercher des soutiens financiers. Il y a alors quelque chose à leur proposer ou partager.
Ce qui apparaît dans les propos critiques de la presse économique sur ces écoles stigmatise le fait que ce n’est pas parce qu’on enseigne la stratégie, le marketing, le management, ou la finance qu’on est capable de s’appliquer ces démarches à soi-même.
La sagesse populaire nous le dit plus simplement : Cordonnier est souvent mal chaussé !
En période de turbulence un tel exercice devient salutaire, il permet de limiter les décisions opportunistes qui souvent dispersent les ressources rares et sont risquées. Quand on a un gros clou et un petit marteau, il faut toujours taper au même endroit, si on veut avoir une chance d’enfoncer le clou.
« Ad augusta per angusta » disaient les latins, la réussite exige des efforts.