Dans la compétition internationale, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche se trompe de combat…
Sur le mode des Milles et une nuits…
« Deux coureurs se voient confier une mission originale : transporter une liqueur de jouvence aux rares vertus, d’une contrée à une autre en traversant une steppe désertique. Chaque coureur à un sponsor, et en définitive c’est le sponsor gagnant qui deviendra le futur gouverneur.
Le premier sponsor dit à son coureur « Je n’ai qu’une éponge, elle est très belle, c’est la plus belle. Je te la confie mais je vais tout faire pour que tu la conserves en bon état avec son précieux liquide, et j’ai mis de fidèles serviteurs tout le long du parcours pour m’assurer que tu me la ramènerais en bon état »
Le second sponsor dit à son coureur « Voilà ton éponge, conserve soigneusement le liquide, tu peux en avoir besoin. Je te fais confiance. Fais de ton mieux »
Les coureurs s’élancent et le premier coureur, qui est aussi le plus rapide, va de contrôle en contrôle.
A chaque contrôle, il faut sortir l’éponge et presser dessus pour voir si elle a encore du précieux liquide, et le coureur repart. Au milieu de la course, il n’y a plus de liquide dans l’éponge et le premier coureur assoiffé finit par mourir d’épuisement. L’éponge est intacte mais vide.
Le second coureur, prend son temps, prend un chemin un peu plus long, mais moins difficile et surtout conserve précieusement la liqueur de son éponge. Dans la partie finale et fort désertique du parcours, il a même le loisir d’en user pour reprendre des forces. Il finit par gagner la course. Son sponsor devient gouverneur et le nomme premier vizir. »
Trop de formalisme tue le projet.
L’enseignement supérieur est désormais dans une compétition internationale dont les règles ne sont pas écrites par la bureaucratie française. Cette compétition se caractérise par une compétition sur les ressources rares (les enseignants, les chercheurs, les moyens matériels, l’accès aux décideurs, les meilleurs étudiants, les meilleurs dirigeants, les technologies innovantes, les classements, l’image…) et par des effets de consolidations des opérateurs (défragmentation du marché) où de nouveaux acteurs financiers (et non plus les états) jouent leur rôle. Les évolutions rapides des nouvelles technologies accélèrent ce mouvement. Ce n’est pas le premier marché dans les services qui se consolide au niveau international. L’assurance, les banques, le transport aérien, le conseil l’ont fait avant.
L’approche bureaucratique et centralisée n’est pas la meilleure façon de permettre aux opérateurs de s’adapter à un environnement en perpétuel évolution. Il faut se munir d’une approche symbiotique qui favorise les interfaçages fréquents avec cet environnement (relire Joël de Rosnay et entre autres le Macroscope). Les opérateurs ont la responsabilité de cette adaptation et doivent donc être pourvus d’autonomie, et de capacités entrepreneuriales. Des gouvernances appropriées doivent leur donner ces vertus.
Dans notre pays, très intelligent, la forme prime le fond et l’on souhaite que tout le monde soit pareil, pour qu’il n’y ait pas de jaloux, et surtout pour qu’il n’y ait pas de gagnant, ce n’est pas « démocratique ». Tout le monde a le devoir de perdre, puisque personne n’a le droit de gagner.
Il vaut mieux être conformant que performant. « L’ennui naquit un jour de l’uniformité », nous avait prévenu Voltaire.
Les bonnes gouvernances savent gérer les projets entrepreneuriaux comme les grandes institutions internationales nous le prouvent quotidiennement.
Posons les bonnes questions : Contrôle ou confiance, Réglementation ou responsabilisation ?
Rien n’empêche la mise en place de systèmes d’autocontrôle basés sur la confiance et le regard des pairs. Comme en témoigne avec succès depuis 15 ans le dispositif Equis de l’EFMD pour les Ecoles de Management au plan international.
Certes il faut avoir la « forme » pour bien courir…mais chaque compétition est une aventure qui appelle engagement et créativité. Les entraves ne sont pas bienvenues.
