A quoi sert un MBA et comment choisir son programme

 

Un MBA sert essentiellement à accélérer les étapes de sa carrière quand on le souhaite ou quand on doit prendre des fonctions managériales généra­listes. Ces responsabilités nécessitent l’acquisition de savoirs ou savoir-faire nouveaux, au-delà de la spécialité, ou expérience d’origine.

ÉVOLUTIONS RÉCENTES DES ÉCOLES DE MANAGEMENT

Les programmes MBA sont apparus au début du 20e siècle dans les Business Schools Américaines (Wharton, Harvard), plus récemment en Europe, dans les années 60 (Insead, IMD, London Business School, Manchester), et plus tardivement en France (1980) dans les ex Écoles Supérieures de Commerce devenues Écoles de Management. Depuis leur création ces institutions ont évolué, et il est intéressant de comprendre leur positionnement actuel. Suite au développement des accréditations (Equis, AACSB, AMBA), ces institutions sont entrées dans une compétition internationale féroce. L’époque de l’opportunisme a fait place à une réflexion stratégique sophisti­quée dont l’objectif, outre l’acquisition de ressources financières ou intellectuelles, est de se différencier pour être plus visible sur un marché encombré.

La qualité de ces institutions se reflète dans les divers classements des journaux éco­nomiques internationaux. De plus en plus les relations qu’elles développent avec le monde de l’entreprise sont prises en compte, qu’il s’agisse de la recherche appliquée, ou des programmes d’Executive Education. Ceci explique la tendance de ces écoles à mettre au point et proposer des programmes pour les entreprises (Peter Lorange EFMD Annual Meeting Oslo Juin 2008). L’importance croissante du secteur finan­cier, ainsi d’ailleurs que les moyens de ce secteur, a engendré un renforcement de la dimension financière dans les programmes y compris dans les MBA.  La période de crise économique et financière que nous traversons depuis 2008 a tendance   à corriger l’évolution  des Business Schools allant vers des Instituts de Haute Finance, pour les faire revenir à des approches plus traditionnelles d’enseignement de management généraliste ou entrepreneurial. Il importe donc avant de réfléchir à un projet de MBA de bien identifier le positionnement de l’institution et ses expertises spécifiques, en relation avec ses propres objectifs professionnels, et en cohérence avec son parcours personnel antérieur.

 

 

 

 

EN RÉSUMÉ UN MBA, QU’EST-CE ?

 

Il y a MBA et MBA. L’offre de programmes MBA sur le marché est abondante, et difficile à décrypter. C’est P. Lorange, doyen de la prestigieuse IMD à Lausanne, qui le dit (EFMD, Madrid, 2004). Certes, il y a les grandes institutions, celles dont les noms sont sur toutes les lèvres et qui se retrouvent dans tous les palmarès des grands journaux économiques. Celles-là n’ont pas de problèmes pour recruter de bons étudiants et de bons enseignants.

Mais il y a aussi tous les autres. Il n’est pas jusqu’au moindre institut de formation qui ne se targue d’avoir un MBA. Il peut être full time et plutôt junior, ce qui veut dire dans le jargon qu’il est à temps plein – 12 ou 18 mois – et peu exigeant pour le nombre d’années d’expérience professionnelle requis à l’entrée. Il peut être part time, c’est-à-dire à temps partiel, en week-end, en semaine bloquée, ou suivant toute autre formule pédagogique originale s’adaptant à l’emploi du temps des participants et permettant de ne pas interrompre son contrat de travail, utilisant ou non les nouvelles technologies, notamment le e-learning, voire les MOOCs (Massive Open On-line Courses). Enfin, le MBA peut être généraliste ou sectoriel (industrie automobile, pharmaceutique, produits de luxe…)

Il existe aussi des Executive MBA, plus exigeants en nombre d’années d’expérience (environ sept années requises). On trouve également des distance learning MBA, dont certains sont excellents et fort avantageux. Ils permettent de démarrer le pro­gramme quand on le souhaite, autorisent des suspensions d’un ou deux semestres, facilitent les carrières fortement mobiles et notamment internationales, et offrent à la fois un bon enseignement, un tutorat approprié et une grande souplesse dans leur mise en œuvre. Le développement des nouvelles technologies de l’information, et notamment des MOOCs offre de nouvelles opportunités pour acquérir des diplômes reconnus dans des conditions intéressantes, sous réserve d’avoir les qualités personnelles pour suivre un tel programme à distance.

Il n’est pas inutile de se poser la question de la pertinence de ce type de formation à l’heure où même les institutions les plus prestigieuses ont des difficultés à remplir leurs promotions de MBA. Des discussions récentes amènent quelques doyens de business schools réputées à envisager de fermer leur full time MBA, pour ne garder que leur part time Executive MBA, formule réservée à des candidats post-expérience, dont le positionnement sur le marché est plus clair, et dont la motivation pour apprendre est plus affirmée.

On trouve plus de cinquante programmes sous la dénomination MBA, en France uniquement, et cette profusion engendre une certaine confusion. Certaines institu­tions, ajoutant à cette confusion,  avaient envisagé  d’appeler MBA leur pro­gramme de type Grande Ecole de Management. Un certain accord existe néanmoins au niveau de la profession (EFMD « MBA guidelines ») pour réserver cette dénomination à des programmes post-expérience.

Il existe également une offre abondante de masters ou mastères spécialisés (Masters of Science) dans les différentes disciplines de gestion. Ceux-ci s’inscrivent dans la directive de Bologne LMD (licence, maîtrise, doctorat), post-bac (3, 5, 8), alors que le MBA ne s’y rattache pas. Souvent d’ailleurs, dans les Business Schools, le MBA est considéré comme faisant partie  d’un Département distinct, et par exemple de l’« Executive Education », c’est-à-dire de la formation continue. Toutes les Business Schools n’ont pas le même niveau de réussite dans ce type d’activité.(cf blog Bruno Dufour sur Educpros Mars 2014 : Executive Education : Think Twice)

Le niveau de diplôme exigé à l’entrée dans ces différents programmes varie sensi­blement d’une institution à l’autre. La règle est que le postulant devra déjà être muni d’un titre universitaire de niveau M2 (par référence à la déclaration de Bologne).

La formation initiale d’un postulant est souvent scientifique ou économi­que, moins souvent littéraire. Il a travaillé de cinq à sept ans, son âge moyen se situe entre 32 et 38 ans ( la tendance est plutôt à la hausse). Il doit par ailleurs avoir une excellente maîtrise de l’anglais (TOEFL, TOEIC 850). D’autres tests peuvent être requis comme le GMAT ou le TAGE-MAGE. Dans certains cas, des entretiens sont organisés pour trier sur des critères de personnalité, voire de projet personnel ou professionnel. Dans certains cas, le projet de l’employeur pour le candidat est requis, surtout lorsque c’est l’entreprise qui finance la formation.

Choisir un MBA, faire les démarches, trouver un financement, convaincre son conjoint, sa famille, et son employeur prend environ deux ans. De plus, un financement Fongecif est difficile à obtenir, car les frais de scolarité sont élevés. Le Fongecif préfère souvent allouer ses fonds à un plus grand nombre de projet moins coûteux individuellement.

Caveat emptor : qu’il se méfie l’acheteur d’un MBA ! Le marché est riche d’embû­ches et l’on ne saurait trop recommander de s’informer et de participer à une cession d’information dans l’institution ou à un MBA forum dans une grande ville pour s’initier à un investissement conséquent, de 25 à 35 000 euros (voire plus) pour les seuls frais de scolarité et, une fois le choix fait, ne sera pas substituable. Nous ne mentionnons pas ici les MBA des  grandes Business Schools américaine qui flirtent ou dépassent les 100 000$US.

Outre la qualité de la formation des grandes institutions, le véritable bénéfice d’un bon MBA est le réseau des anciens élèves de l’école considérée.

Les grands employeurs se presseront, avant même la sortie, pour offrir aux meilleurs des salaires impressionnants, représentant de conséquentes augmenta­tions en comparaison des salaires d’entrée. C’est d’ailleurs l’une des justifications à un tel investissement. Les grands cabinets de conseil, les grands établissements financiers et les grands groupes internationaux sont les principaux recruteurs.

Ce n’est cependant pas le cas pour les diplômés des institutions modestes. Pour don­ner un ordre de grandeur, il existe, de par le monde, une trentaine de MBA interna­tionaux de grande qualité, une cinquantaine d’autres excellents et sans doute plus de 1 000 autres fort modestes. Les institutions ayant passé avec succès les différentes accréditations – AACSB (États-Unis), Equis (Europe EFMD) ou AMBA (Royaume-Uni) – sont à regarder de plus près. Pour celles qui n’ont aucune accréditation, la majeure partie ne mérite pas qu’on s’y arrête. Ces accréditations garantissent la qua­lité des institutions qui délivrent ce diplôme : qualité du corps professoral, de la recherche, des moyens mis en œuvre (systèmes d’information, équipements, biblio­thèques), des réseaux internationaux, des éventuels échanges internationaux, etc. La plupart des contributeurs de cet ouvrage sont issus d’institutions accréditées.

Un MBA de qualité va demander, outre l’investissement financier, un investisse­ment personnel important. Un programme temps plein représentera environ 60 à 70 heures de travail par semaine. Le MBA à distance demande dix heures hebdo­madaires de travail personnel, souvent isolé, avec la possibilité d’un tuteur asyn­chrone, en plus de ses heures de travail, pendant deux à trois ans.

Le profil minimum d’un bon programme MBA :

◗ un diplôme d’une institution qualifiée, si possible accréditée ;

◗ un corps professoral dédié de haute tenue, enseignant généralement en    anglais, familier des véritables préoccupations des entreprises (cf. publications) ;

◗ un recrutement approprié : un mode de sélection fiable, un panel varié d’expé­riences et un mix de participants (âge, origine, sexe, métier…), présentant tous maturité et bon équilibre personnel et ayant le goût du travail ;

◗ une ingénierie pédagogique soignée avec intégration des disciplines ;

◗ une pédagogie adaptée et variée : contenu théorique et méthodologique, cas, travaux de groupe, études de terrain, action learning, jeux de simulation ;

◗ des moyens matériels de qualité ; ◗ des opportunités de placement dans des entreprises renommées.

 

QUELQUES ÉLÉMENTS CRITIQUES SUR LES PROGRAMMES ET LA PÉDAGOGIE MBA

 

Comme partout, le succès est un poison : il génère outrance, arrogance et intolérance. Certaines qualités ne se transmettent pas par la formation : leadership, intelligence, bon sens, réalisme, ouverture d’esprit et encore moins qualité d’écoute et d’observation, voire courage, en principe toutes vertus cardinales pour les dirigeants.

Henry Mintzberg, professeur à l’université McGill, sociologue célèbre pour ses tra­vaux sur le management et qui a enseigné dans les plus prestigieux programmes MBA, porte une critique fort sévère sur les MBA et leur décalage par rapport aux besoins réels de l’entreprise (voir son ouvrage : Developing Managers not MBAs).

 

Ces dernières années ont vu des évolutions importantes dans le mode de livraison  des contenus. Exit la « pédagogie » traditionnelle de salle de classe. Le « learning » et toutes ses formes est apparu en masse: problem based learning, action based learning, experiential learning, learning expedition, social learning, collaborative learning, distance learning… tout est devenu learning. Le sens de cette évolution durable traduit le fait que les adultes n’apprennent pas de la même façon que les plus jeunes en formation initiale, et par ailleurs que la responsabilité finale est bien celle de l’apprenant et non pas de l’enseignant. « Plus le maître enseigne, moins l’élève apprend » disait Confucius. Le rôle des intervenants s’est considérablement modifié. La génération Y  est « digital native » et accède sans intermédiaire à l’information.

 

LES POINTS D’OMBRE DE NOMBREUX MBA

La dimension transverse et systémique, le mode projet

Les corps professoraux des business schools sont issus de programmes doctoraux dis­ciplinaires spécialisés (marketing, finance, économie, gestion, stratégie, …). Obtenir un doctorat exige des investissements personnels conséquents. Se maintenir dans sa discipline, publier, nécessite un réel effort personnel. Développer en sus sa consulta­tion, pour rester au contact de la réalité des entreprises, ajoute à la pression que vivent les enseignants. Cela leur laisse peu de temps pour batifoler dans les champs disciplinaires voisins et risquerait d’ailleurs de donner l’impression de dispersion…

Les approches pédagogiques sont donc essentiellement disciplinaires, sous forme de silos ne communiquant que peu entre eux. Elles donnent l’impression que l’entre­prise est une collection de fonctions et non un ensemble organisationnel intégré.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’apprentissage de la complexité, du paradoxe, du stress et de l’anxiété.

Même si la pédagogie par les cas est une innovation pédagogique (law school de l’uni­versité de Harvard, et repris en 1945 par la business school puis désormais généralisée), un cas n’est pas la réalité. Utilisé auprès d’étudiants sans expérience, le résultat est au mieux une paraphrase sans grand intérêt. Pour que l’approche du cas produise son effet, il faut que les participants puissent se projeter dans la situation et assurer ensuite le décodage leur permettant de retirer du cas les enseignements qui se rapportent à leur environnement. Il n’existe pas de manière simple d’enseigner ou de faire vivre les situations complexes et paradoxales que vivent les dirigeants d’entreprise. Ce sont des expériences difficiles à reproduire dans un programme, au risque de déployer une pédagogie manipulatrice. Traiter un problème sous contrainte de temps et de moyens, sans les informations nécessaires, est le lot quotidien des dirigeants ; reproduire cette situation en enseignement est délicat. Des jeux de simulation le permettent, mais ils ne peuvent constituer l’essentiel de la pédagogie. Ces préoccupations pédagogiques doivent amener à identifier le style d’enseignement de l’institution : teaching (plus tra­ditionnel) ou learning (responsabilisation de l’apprenant).

La dimension anthropologique et organisationnelle

Les entreprises sont d’abord des groupes d’hommes et de femmes, associés dans une œuvre commune. La culture propre de l’entreprise, les rites, les systèmes de communication et de récompenses, les hiérarchies, les réseaux formels ou infor­mels, les transactions relèvent d’une approche typiquement anthropologique. Cette dimension fait défaut dans les programmes de management, qui se concen­trent souvent sur les techniques instrumentales au détriment des problématiques organisationnelles. Cette préoccupation devient d’autant plus nécessaire que l’envi­ronnement force les organisations à se transformer à grande vitesse.

Une bonne connaissance des NTIC, des SI et de la supply chain

Rares sont les MBA dans lesquels l’accent est mis sur les nouvelles technologies un bon manager doit  désormais connaître les aides qu’elles apportent à la mise en œuvre d’une stratégie – ainsi que leurs limites. Les systèmes d’information, les approches process et supply chain sont parfois moins étudiés.

 

 

 

 

 

 

 

La gestion de soi en situation de tension et le leadership

Quelques MBA proposent de passer le MBTI (test Myers Brigg) qui classe les indi­vidus en seize catégories de personnalité. Cette approche peut représenter un début de prise de conscience de ses propres modalités de fonctionnement. Certains programmes proposent le 360° feed-back, qui améliore la connaissance de soi par le biais du regard d’autrui.

La dimension du leadership devenant un enjeu dans les grandes entreprises, les processus de développement personnel sont de plus en plus présent dans ces programmes. Le courage s’enseigne-t-il ? La question devient pertinente lorsque le politiquement correct envahit l’entreprise. Les pressions que vivent les managers à l’heure actuelle renforcent ce besoin.

 

La prise de recul

Parfois les solutions deviennent des problèmes quand l’outil est mis avant la finalité. Tout ressemble à un clou pour un enfant qui a un marteau. Observation et bon sens sont censés être un acquis de fait, comme une certaine culture générale, la politesse, l’éthique… Les médias nous démontrent assez quotidiennement que ces qualités ne sont pas partagées par tous les dirigeants. Le rôle des managers est de plus en plus complexe et les savoirs techniques ne sont plus suffisants. Il faut aussi observer, écouter, interpréter, orchestrer, animer, faciliter, communiquer et conduire.

 

Mais tous les programmes n’ont pas les mêmes profils et il est préférable de prendre le temps d’optimiser l’ensemble des critères de choix en fonction de son projet.

 

Extrait de MBA l’essentiel Eyrolles 3ème édition à venir.

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