Les dernières annonces du Gouvernement concernant l’organisation et le financement des Chambres de Commerce (Les Echos Mardi 19 Mai) représentent un signal fort de plus d’alerte que devraient prendre en compte les Ecoles de Management françaises.
S’ajoutant à l’évolution de la collecte de la taxe d’apprentissage, et à la réforme de l’apprentissage (diminution des postes), cette décision à venir va engendrer des changements stratégiques.
D’autant que les IAE ne sont pas en reste et on décidé de renforcer leur positionnement au niveau national, et que par ailleurs, les frais de scolarité de ces écoles sont à des niveaux élevés, difficiles à augmenter dans cette période de fin de crise.
Et pour clore le tout, on peut dire que ces écoles, comme la plupart des Grandes Ecoles ne sont pas les bien aimées du MESR. Elles ont déjà été épinglées par la Cour des Comptes, en Décembre 2012, qui leur reconnaissait cependant leurs performances, tout en étant critiques de certaines fusions.
Les budgets de ces écoles vont être difficiles à établir dans les années à venir d’autant qu’elles doivent poursuivre leur qualification académique et internationale si elles souhaitent conserver leurs accréditations internationales.
Face à une météo budgétaire délicate, une certaine anticipation devrait se mettre en place.
- Faire un plan de révision budgétaire pour identifier les missions qui ne sont pas primordiales et urgentes. Repenser l’organisation et les procédures. Affiner le contrôle de gestion, mobiliser sur l’objectif. Rendre compte.
Comme traditionnellement dans ce type de démarche, il faut se fixer un objectif ambitieux. Si l’on se fixe 5% d’économie, cela fait de toutes façons mal, et cela ne sert à rien car il faut recommencer l’année d’après. L’ambition serait de chercher 15 à 20% d’économies.
Pour des institutions qui ont environ 70% de charges salariales dans leur budget, on comprend bien évidemment ce que cela signifie à court terme : des plans sociaux. Et là, l’anticipation est un atout majeur pour permettre à tous ceux qui le peuvent de développer leur employabilité et de se retrouver un poste ailleurs. Après tout ces institutions devraient être capables de former et développer leurs collaborateurs compte tenu de tous les programmes existants. Les modérations salariales vont être elles aussi à l’ordre du jour.
Cela ne sera pas le seul point à repense sur le plan RH. Car après avoir recruté de jeunes docteurs surtout centrés sur leurs recherches et publications (quête d’étoiles oblige !), il faudra bien rééquilibrer avec des enseignants « enseignant ». Cette remarque va dans le sens de l’évolution partagée par nombre d’experts sur la mission de la recherche dans ces institutions (plus appliquée et moins purement académique).
D’autres lignes budgétaires sont concernées.
Certains programmes couteux et non rentables devront s’arrêter, surtout s’ils sont de simples copies, ou variantes de programmes existants. La réduction du nombre de spécialisations/options suivra également, quand on sait que près de 80% des diplômés vont depuis près de 40 ans dans des fonctions marketing/commerciales ou finance/gestion.
Une révision des dépenses somptuaires, de prestige, ou de communication, souvent excessives paraît indispensable, comme par ailleurs une réflexion sur la stratégie de partenariats internationaux, ou il faudra privilégier à qualité égale ceux qui se font par de l’échange simple, voire qui donnent lieu à facturation. L’aventure internationale coute cher, surtout lorsqu’on décide d’avoir un campus à l’étranger, sans un fort soutien universitaire local.
Repenser la stratégie concernant les locaux et autres moyens pour éviter une utilisation qui dans le meilleur des cas avoisine au mieux 50% du temps ouvrable.
Associer le corps professoral à une refonte du programme dans la partie cours de base (alphabétisation managériale et langues) pour accentuer l’utilisation du digital learning, y compris dans la partie documentation et bibliothèque.
Imposer les critères « efficacité et économies générées » dans l’appréciation des projets, y compris alliances et rapprochements (ces institutions l’enseignent, elles devraient se l’appliquer). L’expérience, et les témoignages, montrent cependant qu’il y a peu à mutualiser et que les fusions ne produisent pas les effets de synergie escomptées.
Dernier clin d’œil, la refonte des concours d’entrée, serpent de mer dont on parle depuis 25 ans et sur lequel il semble hérétique et excommunicatoire d’avancer, et qui permettrait de substantielles économies.
Les benchmarks de gestion entre institution permettront d’apprécier les bonnes pratiques professionnelles. Sans doute l’EFMD (European Foundation for Management Development) pourra contribuer à cette approche, alors que dans les procédures d’accréditation à ce jour, cette dimension de bonne gestion n’est pas dominante.
- Développer de nouvelles ressources
On pense naturellement aux actions de formation continue (cf le blog sur ce site concernant l’Executive Education dans les Ecoles) ce qui est sans doute plus facile à dire qu’à faire, mais qui demeure incontournable, même si sa mise en œuvre prend du temps, car cet item est lié à une valorisation pour les classements et les accréditations. Le véritable bénéfice de cette activité n’est cependant pas uniquement économique.
Les partenariats financiers doivent concerner également la recherche et la valorisation des productions académiques, d’où la nécessaire adaptation de ces productions à leur cible.
La sollicitation du bénévolat et des contributions des anciens diplômés devra s’accroitre en imaginant les contreparties d’image et de reconnaissance.
Comme à l’étranger, il n’est pas interdit de demander aux grands groupes de mettre à disposition du personnel en disponibilité qualifié (secondement en anglais) pour accompagner certaines missions et même des enseignements.
Naturellement tous les services annexes et complémentaires généreront une facturation supplémentaire, ne serait-ce que pour mieux en maîtriser la connaissance et l’usage. Qui ne rend pas compte ne se rend pas compte !
Peut-on imaginer des programmes low cost/fair quality ?
La nouvelle loi sur la formation professionnelle en France qui redonne l’initiative au salarié est une opportunité à saisir pour ceux qui cherchent à se munir d’une formation diplômante. Mais cette population sera sensible au prix, car le Compte personnel de formation ne pourra tout financer et sans doute une partie restera à la charge de l’apprenant, ou de son employeur.
Chaque institution s’inspirera de ce qui peut se faire ailleurs pour développer les ressources ou la philanthropie de ses partenaires. Vaste chantier.
Pour conclure, ces institutions, qui pour la plupart ont vécu des périodes fastes, même pendant la crise, vont se trouver confrontées à des choix d’autant plus difficile qu’elles n’ont jamais eu à les mettre en œuvre.
La récré, c’est fini !
Cordonnier va devoir apprendre à se chausser.
En météo hostile, il vaut mieux anticiper, mettre à la cape, abattre et faire profil bas.
Voilà qui va changer. Bon courage, à vos idées !