Entretiens des concours…dernière station avant l’autoroute.
A cette époque de l’année, j’ai toujours une petite pensée pour les quelques 8 à 10000 candidats admissibles de classes préparatoires (plus les admissions parallèles) qui vont passer l’équivalent de 60 à 70000 entretiens, mobiliser 15000 jurys, en espérant intégrer une prestigieuse école de management. Dispositif couteux et anxiogène s’il en est, bien enraciné dans sa tradition et qui ne changera pas de sitôt. Comme il y a autant de candidats que de places dans les écoles, il s’agit d’une modalité distributive, la sélection ayant été faite à l’entrée en classe préparatoire.
Comment aborder cet entretien ?
Il faut se doter un patrimoine de chances pour aller le plus sereinement possible à cette épreuve dont le coefficient est capital, et la note critique pour la décision finale d’admission. Ceci signifie qu’il faut s’en préoccuper bien avant l’entretien, souvent plus d’un an à l’avance.
Comme ce patrimoine est déjà constitué au moment des concours , il faut savoir le valoriser. Il s’agit des composantes du Curriculum Vitae : études, voyages, langues, sport (compétition), lecture, activités culturelles, artistiques, association, projet d’entreprise… les stages significatifs ont une part importante qui démontrent l’intérêt du candidat pour l’entreprise. Encore faut-il qu’il soit capable de parler de l’entreprise qui l’a accueilli (CA, personnel, produits et services etc…) et de ce qu’il y a fait.
Les questions habituelles peuvent porter sur l’environnement économique, politique, social et international du moment , et la lecture des grands quotidiens et hebdomadaires est un plus.
Il est bon de connaître également le dispositif de l’enseignement supérieur du management, public et privé, français et international, et de pouvoir apprécier le classement des écoles où on postule, ainsi que les niveaux d’accréditations dont elles disposent. Après tout le choix de l’école va non seulement conditionner les trois ans de vie à venir, mais une bonne partie de la vie professionnelle du candidat. Il est normal qu’il y consacre un peu de temps. Les sites efmd.org, ou AACSB et ceux des écoles, seront utiles. Savoir ce qu’est le Grade de Master est pertinent. La spécificité des classes préparatoires hors du modèle LMD est pratiquement unique au monde.
Les écoles de management en France sont à l’heure actuelle dans une situation particulière : modalités de financement, évolution des statuts, fusions, évolution du contexte consulaire, dire que cela ne concerne pas les candidats, serait une erreur grave.
Le Jury espère également que le candidat a réfléchi à son devenir professionnel, et à ses objectifs sur le plan pédagogique : césure ou non, parcours international, spécialisation.
Ses projets culturels, sportifs, humanitaires pourront donner lieu à des échanges intéressants si bien documentés.
Dans tous les cas il faut que le candidat soit prêt à répondre à au moins trois niveaux de questions sur le sujet qu’il apporte au jury. Attention donc à ne pas se contenter de dire par exemple « je souhaite faire du marketing international ! » Les pourquoi et comment ne tarderont à fuser de la part du jury. Il faudra faire face.
Le jury a besoin de savoir qui est le candidat réellement, et pas simplement se satisfaire de l’image que le candidat veut donner de lui.
Quelques recommandations de bon sens.
Candidats, soyez attentifs à vos tics gestuels ou verbaux et aux « Euhh ! » qui ponctuent un vide de raisonnement ou de connaissance. Regardez les personnes du jury quand vous leur répondez. N’hésitez pas à dire « je ne sais pas » ou « je n’ai pas compris » si la question vous pose problème. Reformulez éventuellement la question pour être sûr d’avoir compris. Ne cachez pas votre méconnaissance d’un sujet un peu difficile, vous avez encore le temps d’apprendre.
Respirez (si possible respiration ventrale) ça détend. Ayez les mains sur la table, soyez mobile, éviter de croiser les jambes ou les bras ça bloque la respiration et ça donne un sentiment de repli sur soi.
Essayez d’attirer le jury sur les sujets qui vous passionnent. On est toujours meilleurs quand on parle de ce qu’on aime. A la question classique 3 défauts, 3 qualités, formuler vos faiblesses sous forme positive ex : si vous êtes introverti dites par exemple « je suis prudent dans mes amitiés ».
L’heure de votre passage et la séquence a son importance. A 15h par une chaude après-midi, il faut éviter d’endormir le jury ! Passer après un excellent candidat, ou un mauvais, ne produit pas le même effet. Au royaume des aveugles…Nier qu’il y a un côté aléatoire serait mentir, mais sur une dizaine d’entretiens, statistiquement, on doit pouvoir tirer un bon numéro ! C’est un peu comme la vie, on ne réussit pas toutes ses ventes.
Les capacités intellectuelles ayant été testées à l’écrit les jurys recherchent d’autres qualités : morales, comportementales, de curiosité et d’ouverture, de communication, de dynamisme et d’engagement, de leadership, de créativité, de réactivité, stabilité émotionnelle…celles qu’on est en mesure d’apprécier chez un dirigeant en devenir.
L’exercice est une forme de vente. Certes un peu particulière. On est bien dans une école de commerce ! Et souvent c’est la première fois que le candidat s’expose ainsi. Ce n’est confortable ni pour le candidat, ni pour le jury. « Caveat emptor » disaient les romains, « qu’il se méfie l’acheteur » sous-entendu le jury va-t-il « acheter » le candidat ou non ? Il faut non seulement que le candidat promeuve sa candidature mais qu’il rassure : « cette école me plait et j’y serai bien, et je pourrai contribuer à l’école, maintenant et après. Oui, je suis un bon candidat, engagé, sérieux, travailleur, intelligent, responsable, aimant le travail en équipe etc ».. Bien sûr pas formulé ainsi, mais en donnant des exemples de ce qu’il a fait qui démontre son propos. Il ne faut pas se survendre, mais encore moins se sous-vendre ! Il faut que le jury puisse accrocher son évaluation à des points saillants de la personnalité du candidat.
Ce qui va faire la différence c’est la perception de cohérence entre le projet du candidat et les moyens ou les preuves qu’il présente. Ce n’est pas parce qu’un entretien se passe gentiment qu’il génère une bonne note, et réciproquement ce n’est pas parce que les échanges sont vifs que le résultat sera négatif. Et quand le jury donne la parole au candidat à la fin de l’entretien, celui-ci peut préciser qu’il aurait aussi pu aborder un thème complémentaire qui l’intéresse où dans lequel il se distingue, s’il n’a pu le faire avant. Mais c’est de la responsabilité du candidat de donner au jury l’occasion de l’interroger sur les thèmes qu’il a envie de mettre en avant.
Etre membre d’un jury est intéressant mais exigeant. Il faut être bon observateur, rester attentif, identifier les points sur lesquels le candidat peut donner sa mesure, le laisser parler de ses centres d’intérêts et ses passions. Le rôle du jury est d’identifier les bons et les très bons pour qu’ils intègrent l’école, et de repousser les moyens, les tièdes. Les consignes sont de distribuer les notes de telle façon qu’il n’y ait pas de notes entre 7 et 12. Quand le jury trouve de bons candidats, il se détend. Sinon un certain agacement peut le gagner, et les candidats s’en ressentiront. Les membres du jury doivent également éviter de trop projeter leurs problèmes dans les échanges et laisser parler le candidat. Le Président du jury doit veiller à ce bon fonctionnement.
Que les candidats fassent leur check-list des points qu’ils souhaitent aborder, en quelque sorte ils doivent co-gèrer leur entretien.
Que Ste Chance les protège et que St Bonheur leur apporte le succès !
C’est tout le mal que je leur souhaite.