« Je pense donc je suis » est devenu « je pense donc je sais ».
Le primat conceptuel façonne notre façon de voir les choses et nous empêche d’appréhender de nouvelles réalités. Nous voyons ce que nous avons pensé, et passons à côté de l’essentiel. Si je pense avant de voir, je ne vois que ce que j’ai pensé.
Ce conditionnement vient certes d’un cartésianisme mal interprété, mais a été renforcé par les encyclopédistes et le siècle des lumières, par la révolution française qui a mis la Déesse Raison sur l’autel national, et par la pédagogie dominante. Nous ne sommes pas chez Montessori ni chez « les libres enfants de Summerhill ». Apprendre doit être quelque chose de sérieux, voire ennuyeux, et il faut suivre les règles.
Il n’y a pas que des aspects négatifs à cette forme de démarche, les mathématiques en sont la preuve. Einstein a découvert les ondes gravitationnelles un siècle avant qu’on les observe, Higgs a trouvé son « boson » plus de trente ans avant que les chercheurs du CERN le localisent. Leurs équations mathématiques le laissaient entrevoir. Le neutrino, comme le boson de Higgs, est d’abord un concept avant d’être effectivement découvert.
Mais avec ces disciplines nous ne sommes pas dans le quotidien, et les découvertes de la physique quantique sont peu utiles dans la vie de tous les jours, malgré les excellents ouvrages d’Etienne Klein, et les péripéties du facétieux « chat de Schrödinger » dont on ne sait jamais s’il est vivant ou mort ou les deux à la fois. (E.Klein Il était sept fois la révolution, Les tactiques de Chronos, le monde selon Klein, En cherchant Majorana etc , chez Champs et sciences)
Le Dalaï lama nous dit « Quand vous parlez, vous dites quelque chose que vous savez, quand vous écoutez vous pouvez apprendre quelque chose ! ». Pour apprendre bien souvent il faut accepter de désapprendre. Et, parfois c’est douloureux !
Notre culture nationale à forte références cartésienne nous fait parler et penser avant d’observer. Faut-il savoir pour apprendre ? Quelles sont les écoles et les disciplines qui nous apprennent à observer ?
Pour le comprendre il faut faire un détour par le métier de négociateur ou de commerçant. Ces derniers ont vite compris (The science of Shopping, Paco Underhill) qu’on vent mieux quelque chose à quelqu’un qui en a envie ou besoin. Et pour le savoir il faut observer, écouter, se mettre à sa place.
Nous privilégions les concepts car nous sommes des anxieux et nous avons un besoin viscéral de comprendre. Savoir nous calme. Nous cherchons une vérité éternelle, par le dogme ou le concept. Mais dogme ou concept génère le principe, qui génère à son tour le théorème puis la règle, voire le règlement, et pour finir à la loi.
Le risque zéro n’existe pas, mais nous aimerions bien une loi pour éliminer tous les risques, et les maladies aussi avec. Joie et bonheur du législateur et du fonctionnaire, il a de quoi faire pour l’éternité, car quand on a presque fini avec un risque ou un accident, un autre survient.
Nous votons avec nos peurs, plus qu’avec nos désirs.
Nous essayons de gommer les disparités, les rivalités et les conflits, les contraintes, les zones obscures…alors que ce sont les constituants même de la vie. Et c’est là où il y a à apprendre. Nous essayons de dompter la nature pour convenir que nous en détruisons l’équilibre.
Comme sur les paquets de cigarettes il faudrait que soit inscrit sur notre corps : « Vivre est dangereux », et rajouter comme sur les publicités pour les boissons alcooliques « appréciez avec modération » et « soyez heureux même avec vos angoisses, elles ont leur utilité ! ».
Observons…une minute de silence !