L’élection présidentielle au suffrage universel est –elle un bon modèle?
Il est légitime de se poser la question.
Plusieurs cas de figure :
- Je suis un électeur de droite mais comme la majorité des citoyens je ne veux pas d’un affrontement au deuxième tour entre F. Hollande et N.Sarkozy.
Je vais donc aller aux primaires de droite et de gauche pour influencer le choix de la sélection finale en sélectionnant mon candidat à droite et un candidat à gauche qui n’a aucune chance de passer, choix qui d’ailleurs pourrait ne pas être respectée par les candidats Hollande et Sarkozy en question.
- Je suis un électeur de droite, et je souhaite voter pour N.Sarkozy ;
Même approche, mais je choisis N.Sarkozy chez les Républicains, et chez les socialistes je vote pour celui qui a le moins de chance de passer.
- Je suis un électeur socialiste, mais je ne souhaite pas que F. Hollande se représente
Je vais voter pour mon candidat à la primaire socialiste et chez les Républicains je fais la décision symétrique du cas 1, je choisis le candidat qui a le moins de chance de passer.
- Je suis un électeur socialiste et souhaite voir F. Hollande gagner la primaire :
Cas symétrique de la situation 2, je choisis F. Hollande et le candidat des Républicains qui a le moins de chance de passer.
Dans tous les cas j’exprime mon choix deux fois avant même le premier tour !
Et ainsi tous les électeurs pourront voter aux deux primaires et transformer le scrutin à venir. Est-ce bien normal ? Mais tous ne le feront pas, il y a donc déficit d’égalité démocratique.
Comme dans les sondages 80% des électeurs ne veulent voir ni F. Hollande ni N.Sarkozy, si tous les électeurs font la même réflexion on risque d’avoir comme résultat à la primaire des Républicains A. Jupé, et à la primaire socialiste un candidat en position très minoritaire.
Au premier tour de la véritable élection, M.Le Pen arrivera en 1ère position contre A. Jupé.
Schéma que nous avons connu dans le temps quand L.Jospin s’est trouvé éliminé du deuxième tour.
Au second tour le vote socialiste « républicain » se reportera sur A. Jupé.
Mais que ce serait-il passé si il n’y avait pas eu de primaire ni à gauche ni à droite.
Il y aurait eu un éparpillement des voix à gauche et à droite, sauf pour le Front National qui apparaitrait naturellement en tête, peut-être largement devant l’extrême gauche, et loin devant les candidats des Républicains. Que se passerait-il alors au deuxième tour : une abstention massive car un dilemme pour la majorité de l’électorat.
S’en suivraient des élections législatives qui iraient à l’inverse de l’élection présidentielle et rendraient la gestion du pays fort délicate comme on l’a vu au meilleur temps de la cohabitation, et affaiblirait encore, si besoin était, la position de la France. Le concept d’égalité des candidatures nous écarte de la « social-démocratie » à l’européenne, marquée par deux guerres mondiales mortifères. In medio stat virtu !
Cette rapide démonstration montre que nos « primaires gauloises », qui ne sont en rien semblables aux primaires américaines- il n’y a pas de grands électeurs-, ne sont pas là pour désigner le candidat de la gauche ou de la droite, mais en fait pour écarter le risque d’une élection d’un parti d’extrême droite ou gauche (vote protestataire à efficacité limitée), qui se verrait incapacité par le troisième tour des élections à savoir les législatives.
Voilà une forme de suffrage universel « assisté » ou manipulé !
La constitution de 1958 a été conçue pour le bipartisme triomphant à l’américaine ou à l’anglaise, pas pour le multipartisme, et surtout pas pour les besoins actuels qui appellent des coalitions responsables et non des affrontements stériles au sein de chaque parti.
Dans la situation que nous vivons le suffrage universel direct pour l’élection présidentielle est sans doute une solution peu adaptée.
Quitte à manipuler un mode électoral, le recours à de grands électeurs et/ou à d’autres qualifiés tirés au sort, une solution sinon plus juste sans doute plus sage. Une démarche élective à plusieurs niveaux qualifiés est plus sage qu’une démagogie débridée faussement égalitaire et démocratique.
Le concept de compétence doit équilibrer le concept d’égalité dans la réflexion sur l’avenir de la démocratie. Il faut être compétent, et informé, pour décider sur des choix de politique extrêmement complexes. Le niveau d’information ou de compétence politique de l’électorat n’est pas homogène. Prendre des décisions de protestation « en aveugle » est particulièrement dangereux, le cas du Brexit est là pour en témoigner.
Il est temps de penser à une démocratie informée et compétente, donc qualifiée.
Les primaires à la gauloise, pour une partie des partis politiques, sont un mélange des genres, qui en aucune façon ne représentent un exercice démocratique contrôlé. Le conseil constitutionnel devrait avoir son mot à dire.
Nous avons besoin d’équipes de Dirigeants compétents, légitimes, honnêtes, courageux, pas de tribuns démagogues, changeants et incompétents dont le seul objectif est d’accéder au pouvoir.