L’enseignement supérieur du point de vue des DSI : le Gartner Higher Education Forum 2015

Philippe Chiu, le Directeur de IONISx a participé au Gartner Higher Education Forum 2015 qui avait lieu les 19 et 20 mai à l’université de Manchester. Comme il n’est pas naturel pour un responsable d’une plateforme de formation numérique de ne pas participer au European Mooc Summit (eMOOCs) qui avait lieu au même moment à Mons (Belgique), il est intéressant de revenir avec lui sur cette manifestation et son intérêt.

Le eMOOCs Summit avait lieu en même temps : pourquoi avoir choisi le forum Gartner ?

J’avais participé à la première édition d’eMOOCs en 2014 à Lausanne : IONISx avait déjà 4 MOOCs, 1 SPOC et 1 cours hybride (classe inversée) pour des étudiants de 1ère année de classe préparatoire scientifique. J’avais assisté aux différents ateliers et conférences proposés lors des 2 journées du rassemblement : ce fut l’occasion de faire des rencontres intéressantes, d’autant que la plupart des grandes plateformes de MOOC étaient présentes : Coursera, edX, MiriadaX, etc. Je suis cependant resté sceptique sur un aspect, pourtant majeur : l’absence (ou la quasi absence) de modèles économiques. Les intervenants s’affranchissaient des contraintes économiques (expérimentation ou recherche), ou se réfugiaient derrière l’unique proposition de vente de certificats. Par ailleurs, comme le relève Matthieu Cisel dans un de ses derniers billets, la manifestation était également décevante en matière de recherche.

Cette année, IONISx a participé à la manifestation, mais j’ai choisi d’aller au forum Gartner : fin 2014, dans son traditionnel Hype Cycle de l’éducation, Gartner déclarait que les MOOCs étaient une technologie obsolète et que des offres durables d’enseignements continueront d’émerger avec ou sans l’acronyme « MOOC ». C’est une vision que je partage.

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Quel était le thème principal de cette édition 2015 ?

Cette année, le Gartner Higher Education Forum était focalisé sur la thématique « Embracing the Digital Frontier ». Concrètement, comment aborder la transformation numérique dans l’enseignement supérieur. Plus de dix consultants et chercheurs Gartner sont intervenus pour aborder la thématique sous des angles divers : infrastructure, tendances du secteur, priorité de développement, croissance du marché, place des analytics à l’heure du bigdata, mais aussi, ce qui était plus surprenant a priori, les questions d’esprit d’équipe et de communication pour réussir ses projets.

Je relève que la France était particulièrement bien représentée : les DSI des principales institutions universitaires françaises étaient présents (si mon décompte est bon, la deuxième délégation après le pays hôte), ce qui montre que nous sommes tous engagés dans des projets de transformation numérique et que l’éducation ne constitue pas une exception.

Quelles sont, pour vous, les principaux enseignements de ce forum ?

Il y a une réelle évolution du rôle et des attentes vis-à-vis des DSI. C’est vrai dans tous les secteurs et en particulier dans l’enseignement supérieur. Les sondages montrent que, même contestés, les DSI sont jugés comme étant les plus à même de porter la responsabilité du leadership numérique dans la transformation numérique de leurs organisations.

Autre élément intéressant toujours sur la transformation numérique : la distinction entre « digitize » et « digitalization ». Il y a souvent une confusion : la plupart des acteurs mettent l’accent sur le premier niveau de la numérisation («digitize ») en transformant les supports pédagogiques qui passent du format analogique (papier, etc.) au format numérique (vidéo, scan, etc.). L’autre numérisation (« digitalization »), quant à elle, est beaucoup plus profonde : il s’agit d’un mouvement consistant à transformer en profondeur ses processus métiers traditionnels (canaux, contenus, transactions) à l’aide des moyens numériques, jusqu’à modifier son modèle économique.

Gartner a présenté son fameux Gartner’s Top 10 Strategic Technology Trends pour 2015 : qu’en pensez-vous ?

tableau tendances 2015 Gartner

Il me semble que la notion la plus remarquable (mais pas la plus simple à comprendre, même pour les DSI) est celle de l’exostructure, à savoir la constitution d’une matrice technologique orientée sur l’interopérabilité et l’intégration de systèmes externes à travers des protocoles d’interconnexion standardisés. On pourrait la traduire par un Environnement Numérique de Travail, mais avec des briques fonctionnelles intégrables « naturellement » via des standards tels que LTI (un protocole d’intégration, c’est assez technique).

Par ailleurs, la liste est assez conforme à ce que les DSI ont généralement en tête : pour le groupe IONIS, par exemple, il est rassurant de constater que sur les 10 technologies considérées comme stratégiques par Gartner, notre plan de numérisation (digitalization) en couvre au moins sept : Adaptative Learning, CRM, Big Data, Cloud, Exostructure (via nos MIMOs), Open Microcredentials, ou encore Mobile.

Plus spécifiquement, le secteur de l’enseignement est dans une phase de numérisation de l’ensemble de ses activités : quels enseignements sur les recettes à suivre pour réussir ce type de projet ?

Deux présentations étaient particulièrement marquantes du fait qu’elles n’étaient pas centrées sur les technologies ni sur les aspects pédagogiques, mais plutôt sur des aspects organisationnels de conduite du changement.

La première intitulée, « Digitalization is a Team sport », abordait les nécessaires changements de leadership des DSI, sous trois aspects :
– Au niveau des personnes et de la culture d’entreprise : passer du « contrôle » à une « vision partagée » ;
– Au niveau économique : passer d’actions « visibles » à la création de « valeur »;
– Au niveau des technologies : placer l’approche technique au service des besoins métiers.

Pour réussir cette évolution, le DSI doit fédérer les acteurs de son organisation autour d’une vision partagée, recevoir et traduire les tendances de l’enseignement supérieur et se concentrer sur la création de valeur. Bref, un repositionnement fort pour les DSI dont le rôle est souvent réduit à celui de super technicien informatique.

La seconde présentation, « Improving Your IT team’s Professional Effectiveness in the Digital Era », mettait « les pieds dans le plat » en affirmant que les projets échouent dans 99% des cas à cause de lacunes en compétences organisationnelles de la part des équipes informatiques. Pour synthétiser, il faut que les DSI cessent d’utiliser un jargon technique pour faire place à une communication centrée sur les utilisateurs et leurs besoins : concrètement, par exemple, ne plus parler d’infrastructure, de réseau, mais traduire les choix en termes de fonctionnalités concrètes pour les étudiants, les enseignants et l’administration.

La transformation numérique d’une organisation n’est plus une option : plus grand monde ne s’y oppose. La réussite dépend moins de choix technologiques que de communication entre les parties prenantes.

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