Sélection entre le M1 et le M2, une chance historique de réforme ou un autre débat impossible ?

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Avant les vacances d’été, les conditions d’un débat sur l’une des principales questions relatives à l’organisation de l’enseignement supérieur semblaient réunies : l’augmentation des droits de scolarité. Le Cgefi (Contrôle général économique et financier) avait rendu, pour Bercy, un rapport fourni appuyant l’augmentation des droits de scolarité, qui avait obtenu le soutien appuyé des chefs d’établissements(http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/revue-de-depenses-les-acteurs-du-secteur-reagissent-1.html). Par ailleurs, des articles sur une thèse de doctorat en économie, soutenant le maintien de la (quasi) gratuité (Léonard Moulin, Frais d’inscription dans l’enseignement supérieur : enjeux, limites et perspectives, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, 2014), venaient appuyer les arguments de ceux (notamment les syndicats étudiants) qui souhaitent le statu quo sur cette question contre les propositions, par exemple, de l’Institut Montaigne sur des droits progressifs. On pouvait espérer un débat : il a été prestement escamoté par le tout nouveau secrétaire d’Etat qui a assuré, à l’unisson de sa ministre de tutelle, qu’il n’en était pas question. Ce qui est dommage : encore une fois, on laisse les établissements opérer seuls dans un cadre peu défini, fragile, et l’on manque une occasion de faire trancher, dans un sens ou dans un autre, une question pourtant essentielle pour le financement de l’enseignement supérieur et donc pour la société française dans son ensemble.

En tout cas, on avait pu constater qu’un vrai débat sur ce point était, à ce stade, impossible.

Et voici qu’un autre serpent de mer ressurgit : celui de la sélection à l’université. Plusieurs arrêts de justice viennent en effet d’annuler les décisions de refus d’inscription en deuxième année de Master prises par certaines universités. Pourtant, rassurons-nous, il ne s’agit pas de la vraie sélection : celle qui consisterait à refuser un accès à l’entrée de l’Université, c’est-à-dire en première année (qui commence à apparaître faute de moyens d’ailleurs : http://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/universites-de-la-selection-et-des-capacites-d-accueil-qui-limitent.html). Non… il n’est question que de la sélection entre la première année du Master (le M1) et la deuxième année (le M2), c’est-à-dire, en fait, de la survivance d’un système ancien : celui de la maîtrise et des DEA (ou DESS) qui permettait d’opérer une sélection après la quatrième année d’étude. Ce mécanisme a été maintenu de fait (et non de droit, c’est bien le problème) malgré l’introduction en France du système dit de Bologne qui organise, depuis 2006, les études supérieures en Europe en trois cycles : Licence, Master, Doctorat (le système LMD : 3/5/8). C’est-à-dire qu’il a été impossible dans notre pays (cela n’a pas été facile en Allemagne non plus) de traduire complètement les conséquences du passage au LMD qui auraient conduit à opérer une sélection entre la fin de la Licence et le début du Master.

Car enfin, de quoi parle-t-on ? Il ne s’agit pas de refuser l’accès à l’enseignement supérieur, mais de constater, après trois années (au minimum) d’études universitaires, que tout le monde n’est pas fait (travail, talent) pour suivre n’importe quel cursus (marché du travail, nombre de places disponibles dans les universités). Il s’agit également de constater que le système actuel est hypocrite (il bloque les étudiants en leur donnant souvent l’illusion de pouvoir suivre une filière) et absurde en terme d’organisation des cursus (les responsables de formation sont obligés de concentrer sur la seule deuxième année beaucoup trop d’enseignements de spécialisation qui ne peuvent être enseignés en M1 dans le cadre d’effectifs pléthoriques car non spécialisés).

Tout le monde savait le système bancal, car mal fondé en droit (le code de l’éducation prévoit l’admission en deuxième cycle des étudiants titulaires d’un diplôme de premier cycle et on sait, par ailleurs, que le cycle du master comprend quatre semestres). Ironiquement, c’est l’inaction des gouvernements successifs qui crée le problème. En effet, la possibilité de dérogation existait et renvoyait à un décret qui n’a jamais été pris, en dépit des alertes lancées par la Conférence des Présidents d’Universités (CPU) qui insistaient sur la nécessité de donner un cadre légal au mécanisme utilisé.

Le juge administratif vient donc de dire le droit et de donner l’occasion au politique de reprendre la main. Il y a donc l’occasion d’un débat et, pour le nouveau secrétaire d’Etat, de montrer qu’il va (qu’il peut) opérer des réformes. Car enfin, s’il n’est pas possible de saisir cette chance historique de régler ce qui constitue un vrai problème d’organisation des universités françaises,  un manquement à nos obligations européennes et surtout un vrai handicap pour les étudiants de master, alors autant dire que rien n’évoluera d’ici deux ans.

Deux ans de perdus ? On pourrait espérer un sursaut : de nombreux acteurs, comme Laurent Bouvet, Professeur des Universités, proche du PS, personnalité du supérieur classée parmi les plus influentes, prend position pour cette « sélection » avant le Master qui recueille un large consensus à gauche comme à droite (éprouvée, par exemple, lors d’un groupe de travail sur l’enseignement supérieur organisé par l’Institut Montaigne avant la présidentielle de 2012, qui avait montré l’unanimité des experts réunis sur cette question).

Mais il est difficile d’y croire : l’UNEF refuse toute évolution et, comme sur les droits de scolarité, il y a fort à parier que l’urgence va être de trouver une solution politiquement acceptable par le syndicat majoritaire. Au mieux, on va donc demander aux universités, sans moyens, de créer des deuxièmes années de masters pour tous. Cela ne règlerait pas le problème : les masters sélectifs existerontt toujours, ce serait coûteux et cela dévaloriserait un peu plus le diplôme public de master. Pire qu’une faute, une multi-récidive.

5 thoughts on “Sélection entre le M1 et le M2, une chance historique de réforme ou un autre débat impossible ?”

  1. Je ne serais pas aussi catégorique, même si je reconnais que la probabilité est faible.

    Premièrement, l’UNEF n’est clairement plus ce qu’elle était, faisant jeu égal avec la FAGE, elle se maintient majoritaire par sa marque (UNEF, tout le monde connaît) et son organisation fondée sur la conquête d’élections. Dans les facs, en dehors peut-être de Paris, la plupart des étudiants ne connaissent pas de militant UNEF ce qui réduirait drastiquement la capacité de nuisance et de mobilisation de celle-ci. Le CPE avait été un exemple flagrant de débordement de celle-ci.

    Ensuite, 2017 c’est dans deux printemps, avec les sondages qui donnent le FN au plus haut, quel serait l’intérêt pour l’UNEF de déclencher une mobilisation générale contre cette sélection si elle conduit à affaiblir le candidat de gauche et favoriser l’alternance?
    Sans compter que cela pourrait être perçu par beaucoup de responsables PS comme un sabordage organisé barrant ainsi l’accession de nombreux responsables UNEF à des postes éligibles sur les listes de ceux qu’ils ont contribué à faire perdre en 2017.

    Après, l’entrée de Monthubert dans le cabinet est tout de même un signal en faveur de l’immobilisme sur la question, vu comment s’étaient déroulés les centraux dans son IUT avant son élection…

  2. Disons qu’il m’arrive d’être pessimiste et que, comme vous le relevez, l’arrivée de Bertrand Monthubert au sein du cabinet n’est pas vraiment un signe d’inflexion de la politique menée. En même temps, le gouvernement doit faire quelque chose : le vide juridique doit être comblé… on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Espérons. Mais la proposition de la suppression de la sélection dans les IUT ne me rend pas très optimiste…

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