C’est l’une des propositions du rapport « Pour une société apprenante » définissant une Stratégie Nationale pour l’Enseignement Supérieur (StraNES) remis la semaine dernière au gouvernement. Il comprend 40 propositions. Beaucoup ont été commentées, comme le refus de l’augmentation des droits d’inscription ou la création d’un « dispositif de régulation des flux d’entrée en Master » (voir sur ce point le billet précédent de ce blog : http://blog.educpros.fr/cedric-prunier/2015/08/27/selection-entre-le-m1-et-le-m2-une-chance-historique-de-reforme-ou-un-autre-debat-impossible/). D’autres le sont moins et c’est dommage car les idées sont parfois d’une grande audace : l’une d’entre elles me semble devoir retenir particulièrement l’attention : il s’agit de la proposition 17 qui demande d’ « autoriser l’accès à l’internet dans le cadre des examens ».
Cette idée, brillante, recèle milles conséquences et pourrait potentiellement révolutionner l’Université et les Ecoles en imposant une refonte profonde de la pédagogie.
Permettre l’accès à internet durant les examens, c’est en effet obliger à modifier les examens eux-mêmes : vous ne pouvez pas demander à un étudiant de répondre à des questions de connaissance, de vérification d’apprentissage du cours, s’il lui est possible d’y accéder depuis son ordinateur, sa tablette ou son téléphone portable lors de l’interrogation. Permettre l’accès à l’ensemble des données, c’est s’obliger à concevoir des énoncés qui vont demander de la réflexion, qui vont exiger la mise en pratique des éléments travaillés durant le semestre et non pas leur simple restitution.
Modifier les examens, par ricochet, provoque une modification profonde de la pédagogie : il n’est pas possible d’évaluer les étudiants sur des compétences que vous ne favorisez pas lors des enseignements. Il faudra donc en finir avec les enseignements hiérarchisés, de type descendants, de simple transmission des connaissances pour des enseignements permettant la réflexion, la mise en application, la confrontation intellectuelle.
Comme le souligne le texte, le « rapport au savoir » des étudiants est profondément bouleversé par internet et il faut tirer les conséquences pédagogiques de ces changements (dans la lignée des travaux de François Taddéi et du CRI ces dernières années). L’enjeu est de « rendre les étudiants acteurs d’une pédagogie contributive active et numérique », c’est-à-dire de rompre avec les modes pédagogiques issus de la révolution industrielle.
Qu’on ne s’y trompe pas, l’exercice est un défi pour les enseignants et terriblement plus exigeant pour les étudiants qui ne pourront plus être en sécurité en se contentant d’apprendre « par cœur » leur cours. A priori, la mesure en elle même ne coûte rien, mais elle exige un effort considérable de formation et d’équipement.
On se réjouit donc de savoir que Bertrand Monthubert, rapporteur général de la StraNES soit entré au cabinet de Thierry Mandon pour suivre la mise en œuvre des propositions.
Au passage et de façon plus anecdotique, la proposition rend caduques les questions de protection des examens face à la fraude technologique. Une bataille coûteuse, perdue d’avance et surtout d’arrière garde.
Un détail quand même, il faudra s’assurer que l’examen est réalisé par l’étudiant et pas par une tierce personne, ce qui n’est pas impossible, mais demandera une surveillance du terminal utilisé le temps de l’examen, ce qui, de l’avis des bons informaticiens qui m’entourent (majors d’EPITA ou d’EPITECH) ne sera pas une mince affaire.