Un train peut en cacher un autre….

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 cow – CC by mikemcsharry via Flickr

 

Couperin (consortium unifié des établissements universitaires et de recherche pour l’accès aux publications numériques) vient de faire paraître un communiqué traçant les grandes lignes de la licence en cours de finalisation avec Elsevier pour les cinq années à venir, et la parution de ce communiqué donne lieu depuis quelques jours à des réactions dont certaines ne laissent pas d’étonner.

Loin de moi l’idée de défendre les intérêts d’Elsevier, le géant de l’édition scientifique commerciale n’a pas besoin de moi pour ça, et par ailleurs chacun sait ce qu’il en est de son histoire, de sa financiarisation, et de sa situation oligopolistique, sur un marché particulier, caractérisé par une demande inélastique.

Mais il est frappant de constater combien bon nombre de réactions à cet accord passent à côté du problème (même si d’autres soulèvent en revanche d’excellentes questions ).

On lit ainsi beaucoup d’appels au développement accru de l’open access.

Fort bien, la majorité des acteurs du monde académique est pour. Et il est tout aussi certain que malgré une première prise de position historique sur le sujet l’an dernier, à saluer (et qui ne doit pas rien à Couperin : le monde est compliqué…) le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche français est encore très en deçà des politiques beaucoup plus volontaristes conduites dans bon nombre de pays comparablesÉtats-Unis en tête . Très certainement, nous avons en la matière des progrès à faire.

Mais il serait un peu naïf de croire qu’un basculement général dans le système de l’open access constituerait la panacée, réglant d’un coup la question de l’inflation des coûts des publications scientifiques. Elsevier, par exemple, a une politique très libérale en matière d’open access.

Flagrant délit de contradiction ? Erreur stratégique ? C’est peu probable, on s’en doute. Alors quoi ?

Eh bien tout simplement Elsevier a parfaitement compris une chose : c’est que si l’existence de ses revues importe tant, malgré tout, aux communautés scientifiques, ce n’est pas tant qu’il est pour elles crucial de lire les articles qu’elles contiennent (on en trouve la plupart sans problème en open access sur la Toile). C’est qu’il est vital d’y publier.

C’est tellement vrai que les investissements récents et actuels d’Elsevier portent sur le développement de ses produits Scopus et surtout de la suite SciVal : au-delà de la production d’indicateurs bibliométriques, il ne s’agit rien moins que de proposer aux institutions de recherche un outil clé en main permettant de cartographier les réseaux de recherche, de déterminer pour un domaine donné ses concurrents comme ses alliés potentiels, d’effectuer une veille fine sur les sujets en cours d’exploration comme sur les opportunités de financements publics. Bref, un outil complet de pilotage stratégique des politiques de recherche (qui partout reposent sur des financements publics).

On voit bien le danger : nous nous dirigeons vers un système où un acteur privé majeur et unique pèserait lourdement tout à la fois, et sur ce qui est publié ou ne l’est pas, et sur l’évaluation des revues scientifiques (et donc des articles qu’elles contiennent, puisque le système actuel est effectivement construit sur cette aberrante logique), et sur les outils d’orientation des stratégies de recherche des établissements, et sur tout le reste (cf. le rachat l’an dernier de Mendeley par Elsevier).

Pour un acteur privé, c’est beaucoup. C’est même trop.

Mais il ne suffira pas de tout publier en open access pour effectuer un salvateur salto arrière. C’est le système actuel d’évaluation de la recherche qui fonde le poids des géants mondiaux de l’édition scientifique. Et certes, un peu partout, des réflexions sont conduites pour proposer d’autres métriques , d’autres approches.

Ces avancées sont importantes.
Mais personne encore n’a la clé permettant de faire basculer le système mondialisé actuel vers autre chose.
Où aller : c’est à peu près clair.
Comment s’y prendre : c’est la vraie question.

Ainsi, que Couperin (un consortium d’établissements et non de bibliothèques, il semble qu’il faille encore le rappeler) conclue ou pas un accord, d’ailleurs historiquement avantageux, avec Elsevier, ne change rien à la vraie question, qui est celle du rôle de la publication dans l’évaluation de la recherche.
Pour y répondre, les professionnels de la documentation peuvent idéalement cesser de se chamailler et apporter leur expertise et leur expérience. Ce serait déjà beaucoup. Mais à condition de bien garder en tête que rien ne se fera sans les chercheurs, présents à toutes les étapes de la chaîne, et qui ont des intérêts contradictoires selon les positions qu’ils y occupent, parfois successivement. Un système générateur de schizophrénie.

Tout le reste n’est que postures et littérature : ça permet de se faire du bien, c’est excellent pour l’image, mais ça ne s’appelle pas penser.

56 Comments

Filed under Bibliothèque, documentation, IST

56 Responses to Un train peut en cacher un autre….

  1. Sylvie Deville

    Merci à Christophe Péralès de mettre le débat sous le sceau du principe de réalité !! Et d’aborder les vrais sujets qui sous-tendent les discussions actuelles sur l’accord Couperin/Elsevier (open access, évaluation de la recherche, attitude ambigüe des enseignants-chercheurs).
    -Non, tout ne relève pas de la simple décision d’un directeur de BU : à ma connaissance, aucun n’a jamais pu décider de sa propre initiative de stopper un abonnement à ScienceDirect ;
    – Non, la position de la documentation universitaire n’est jamais simple et nécessite en permanence d’expliquer, de convaincre et de négocier ;
    – Non, les Archives ouvertes institutionnelles avec mandat de dépôt ne sont pas simples à mettre en place et la position des directeurs de BU dans la définition de la politique de recherche des établissements est inexistante …

    Il faut donc, à l’inverse de la vache de la vignette, lever le nez de ses certitudes, et aller à la rencontre de la réalité française actuelle de la recherche et son évaluation …

    • Stéphanie Bouvier

      « la position des directeurs de BU dans la définition de la politique de recherche des établissements est inexistante »
      euh oui, heureusement ai-je envie de dire. Le rôle des bibliothécaires recherche et des dirs BU n’est pas de définir la politique de recherche des établissements mais d’apporter les éclairages nécessaires aux personnes qui ont cette charge.

      • Sylvie Deville

        Je parlais bien évidemment de politique documentaire de recherche !!! Personnellement, je n’ai jamais assisté à un CS dont le documentation était le sujet principal …

  2. dbourrion

    Bonsoir.
    « les vrais sujets qui sous-tendent les discussions actuelles sur l’accord Couperin/Elsevier  » >> donc la question du data-mining n’est pas un vrai sujet — dont acte, nous en reparlerons dans quelques mois quand la profession viendra geindre d’avoir laissé continuer la privatisation.

  3. Christophe Pérales

    @dbourrion
    « donc la question du data-mining n’est pas un vrai sujet — dont acte »

    Vous avez une lecture parcellaire et orientée de mon propos. Ce billet dit exactement le contraire en renvoyant notamment à http://scoms.hypotheses.org/98 .
    Le volet de la négociation concernant le data-mining est fondamental et a toute mon attention. Néanmoins, cette question ne doit pas pour autant oblitérer l’avancée conséquente que représente ISTEX (Edit : pour ce qui concerne cette question du Data-mining).

  4. Christophe Pérales

    @dbourrion question subsidiaire : que proposez-vous sur cette question précise du data-mining ?

    • dbourrion

      Bonjour.
      Je citais S. Deville. Effectivement, vous êtes le seul à ma connaissance qui semble avoir remarqué le problème et en parler, s’en inquiéter. Malgré mes mails sur les listes Couperin, par exemple, personne n’a voulu répondre là-dessus.
      Ce que je propose sur le data-mining ? C’est assez simple mais ça demande du courage : ne pas signer un accord comportant une telle clause.

      • Sylvie Deville

        Daniel,
        Désolée de te dire cela, mais je pense que tu as une vision assez simpliste des choses … Cet accord n’a pas été signé par une poignée de bibliothécaires inconséquents et incompétents. Les négociations ont été menées par les plus hautes instances ministérielles en terme de recherche et par la CPU …

        • dbourrion

          J’adore cette position, systématique : c’est pas notre faute, c’est les autres.
          Le travail des bibs associés à cette négo était de tirer les sonnettes d’alarme et de se désengager publiquement si ça partait en live. Mais forcément, ça suppose de prendre des positions publiques un peu tranchées, ce qui n’est pas vraiment la spécialité de la maison Bibliothèques. Et ça suppose aussi, par exemple sur le data-mining, d’avoir repéré le piège.

  5. Bonjour Christophe et merci de prendre le temps de poster sur l’affaire Elsevier sur un blog EducPro. Peut être ainsi quelques journaleux orientés « ens-sup & recherche » en auront-il entendu parler, voir 1 (2 ?) directeurs de labo.

    Ce commentaire pour signifier ma (légère, voir insignifiante) réprobation sur 2 points de votre post (qui par ailleurs, fondamentalement, me ravi étant sur EducPro) :
    – il me semble que ceux qui s’agitent à l’idée de re-signer avec Elsevier et sur la manière dont cela est mené (secret, etc) méritent plus de considération que de sous-entendre (ou alors j’interprète ?) leur horizon limité via un « Mais il ne suffira pas de tout publier en open access pour effectuer un salvateur salto arrière ».
    Désolé, mais 12 ans après la BOAI (que j’ai signé alors jeune apprenti au Cemagref, histoire de resituer), ont ne peut plus imaginer quiconque dire ce genre de chose. De longue date l’argument à toujours été : « il faut mettre le paquet sur l’OA afin d’avoir des billes face aux prédateurs Elseviers & CO » relisez Harnad (ok, 10 d’Harnad, ça fait beaucoup, mais ça vaut la peine, croyez moi)
    – terminer ainsi, et ce post précisément, par « Tout le reste n’est que postures et littérature : ça permet de se faire du bien, c’est excellent pour l’image, mais ça ne s’appelle pas penser. » est tout sauf fairplay, car, oui, en effet, il peut être question souvent ici ou là de « position » ou de « littérature » des uns et des autres qui ne sont pas aux responsabilités ou « à la bourse de la docelec »; mais ce sont la plupart du temps des personnes de l’autre côté du paradigme – désolé, c’est pompeux, je l’admets, mais ma grille de lecture des BUfr est Kuhnienne – qui régulièrement viennent dire « écoutez, bon, tous les indicateurs, la littérature scientifique, les VIP d’infodoc le savent et on peut vous le confirmer nous qui sommes au contact des chercheurs de temps à autre : si l’on prend le temps de dialoguer, si l’on pense avec eux – et non à leur place, si l’on sort de nos bu, on se rend compte qu’en se coordonnant, on pourrait arriver à renverser la tendance mais, non, toute l’énergie est mise dans l’ouverture des tuyaux, les collections, coûte que coûte, toujours et encore, histoire de ne pas faire trop de bruit ».
    Nous ne sommes pas des idéalistes illuminés, naïfs, à côté de « penseurs » informés et responsables. Nous avions raisons. Les autres avaient tors (« Où aller : c’est à peu près clair. » n’est-ce pas vos termes)…parce qu’ils étaient aux postes de direction (où est le B. Rentier français ? Qui serait-il ?)…et que rien, ou presque, n’a changé en 12 ans.
    12 ans.
    Alors ne donnez pas l’impression de dénigrer ce qui viennent signaler à bout de souffle que cela aurait pu/du être autrement, et de longue date.
    AM.
    PS : bravo pour le sous-titre de votre blog.

    • Christophe Pérales

      Bonjour Alain et merci pour votre attitude de critique constructive.
      Si vous lisez mes réponses aux différents commentaires, vous aurez compris que je n’ai rien contre l’open access, bien au contraire. Et précisément, depuis la BOAI, l’open access s’est développé, mais il n’a pas renversé l’équilibre des forces. C’est un fait. Un instant déstabilisés, les gros éditeurs académiques l’ont soit intégré à leur stratégie (le green), soit carrément détourné (cf. ce qu’est devenu le gold). C’est qu’ils ont compris que finalement ils ne vendaient pas de l’information, mais un système de cotation (comme on parle de cotation boursière) de la recherche : la cote des revues monte ou descend, on les rachète, on les revend, c’est comme une Bourse.
      Ça aussi en 15 ans nous l’avons compris (enfin, certains semble-t-il). Et donc la stratégie s’est déplacée. Vers la question de l’évaluation de la recherche. Qui ne remet pas en cause celle de l’open access mais l’approfondit.
      Je ne suis pas certain donc que sur ces questions il y ait des paradigmes antagonistes. Je pense que tout le monde est d’accord sur la stratégie. Le débat porte sur la tactique. Ce n’est pas la même chose. Et donc oui, je ne suis pas tendre avec ceux, depuis longtemps dans l’invective, qui voudraient faire croire que des collègues, biberonnés à la même culture professionnelle, partageant les mêmes valeurs, sont les alliés objectifs voire volontaires d’Elsevier et consort. Pourquoi aussi je dis que l’on ferait mieux de travailler ensemble, et avec les chercheurs, car rien ne se fera sans eux, plutôt que de décerner des bons et mauvais points.
      Merci encore pour votre attitude qui tranche avec un climat général plutôt moche. Pour ma part, je suis pour le dialogue, même vif, et tout à fait prêt à reconnaître que je me trompe si c’est le cas. Mais je n’ai jamais accepté les procès d’intention ni d’être jugé a priori sous le simple prétexte que je serais « aux responsabilités », donc compromis, face aux purs qui ne sauraient se mouiller les mains parce que le pouvoir corrompt inévitablement. Être influent sur la Toile, c’est avoir du pouvoir. Il faut (re)lire Foucault : le pouvoir est partout, l’important c’est qu’il tourne. Il est temps qu’il tourne pour Elsevier. Ne nous trompons pas de cible.

  6. Stéphanie Bouvier

    quel rapport entre la négociation Couperin, dont le sujet est un abonnement financé par les établissements, et l’ISTEX, projet national à financement spécifique et portant sur l’acquisition de corpus numérisés et d’archives ?

  7. Stéphanie Bouvier

    Nous avons un devoir de cohérence, et un rôle à jouer dans l’évolution du système et la remise en question de la bibliométrie telle qu’elle est conçue aujourd’hui. La profession est-elle oui ou non convaincue que
    1. la recherche ne se résume pas à Thomson Reuters et Elsevier
    2. les publications des chercheurs du public étant financées a priori, nous ne devrions pas avoir à en racheter la propriété
    3. le rôle des éditeurs est d’apporter une plus-value aux contenus, non de spéculer sur la recherche publique
    4. l’argent public dépensé pour la recherche doit servir à faire avancer la recherche, non à remplir les poches d’actionnaires
    5. tout ce qui fait artificiellement obstacle à la libre avancée des sciences doit être dénoncé
    6. les actions, décisions, positions visant la perpétuation d’un système constamment critiqué par ailleurs ne peuvent pas être cautionnées

    Oui, oui, nous sommes d’accord, mais que pouvons-nous faire, nous, pauvres petits calimeros, simples bibliothécaires que personne ne veut jamais écouter (oh oui, c’est vraiment trop injuste) ? Et bien pourquoi ne pas refuser les big deals des éditeurs comme Elsevier, pour commencer ? En quoi faire le jeu de cet éditeur est-il indispensable à la bonne exécution de notre mission de fourniture de documentation ?
    Lisez donc les informations données par la Bibliothèque de l’Université de Montréal pour expliquer les désabonnements Wiley : http://www.bib.umontreal.ca/collections-nouvelle-ere/periodiques-electroniques.htm
    Impressionnant, n’est-ce pas, ces prises de position claires et argumentées publiquement, on n’est pas habitué de ce côté-ci de l’océan !

    Ceci étant dit, j’aimerais évoquer quelques points concrets de la négociation, qui me contrarient.

    D’abord, je m’interroge sur la validité du montage. Jusqu’ici les licences nationales ont porté sur un périmètre bien précis, avec financement spécifique : c’est le projet ISTEX, l’acquisition d’archives et de corpus numérisés, doté d’un budget de 60 millions d’euros sur 3 ans.
    La négociation sur le courant, elle, est une licence nationale en forme de groupement de commandes, puisqu’elle est financée par les établissements « historiquement abonnés » (après les « chiffres d’affaires historiques », après les « portefeuilles historiques », voici les « payeurs historiques », mais passons). Des établissements qui, malgré la loi d’autonomie des universités, n’ont pas eu le choix et ont été directement prélevés d’une somme équivalent au montant 2013. Des établissements qui donc se retrouvent à ne pas savoir ce qu’ils paient puisque les conditions du marché sont encore inconnues. Des établissements qui n’ont pas signé d’intention de participation à ce groupement de commandes déguisé. Quelque chose me chiffonne : tout cela est-il seulement légal ? Je serais sincèrement heureuse que l’expression de ce doute perturbant reçoive une réponse résolument affirmative et argumentée. En attendant, je constate que la signature de l’accord nous réengage dans une relation commerciale avec Elsevier, et que donc, quoi qu’il en soit, nous paierons.

    Par ailleurs, comme la plupart d’entre vous, je trouve la clause relative au data mining fort contrariante (et je renvoie moi aussi à ce billet d’un bien plus expert que moi sur ces questions, merci à lui d’ailleurs pour la précision et la publication de son analyse). Je ne reviens pas sur le pourquoi, mais m’interroge bigrement sur le comment : comment diable cette clause est-elle arrivée là ? Des experts de ces questions ont-il été consultés avant signature de l’accord ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi avoir accepté l’introduction de cette clause ? Elle n’était pas suspecte ? Quelqu’un a cru avoir discrètement extorqué un cadeau et joué un bon tour à Elsevier ? Je ne comprends pas.
    Je suppose qu’à la fin, tout cela sera rentré dans l’ordre, et que cette clause aura été revue intelligemment. On se gardera bien d’en conclure que la grande et pathétique affaire de la fuite du communiqué y soit pour quoi que ce soit ; nous savons tous qu’il y a ceux qui travaillent en silence et sont constructifs d’un côté, et ceux qui se font du bien, pensent à leur image, enfin non puisqu’ils ne pensent pas tout court, de l’autre – et une frontière bien étanche au milieu, cela va de soi.

    • Sylvie Deville

      No calimero !!!
      Je ne peux qu’être d’accord avec vos 6 points. Ce sont d’ailleurs des éléments de principe que nous arrivons depuis des années à faire approuver auprès des enseignants-chercheurs, des labos et des CS. Le problème se corse dès que se pose l’hypothèse d’une application réelle … car là, les tensions entre disciplines apparaissent très vite (c’est particulièrement impressionnant dans des établissements pluridisciplinaires), le manque de courage des CS et des équipes politiques, le refus des labos de passer à l’acte, etc … Depuis des années, nous assistons assez impuissants, malgré tout le travail d’explication des bibliothécaires, à des consensus et des compromis boiteux !!
      Pour aboutir à des politiques documentaires peu satisfaisantes au final. J’en veux pour preuve les récents désabonnements massifs de la BIUS et de Paris-Descartes (à mon avis pour de strictes raisons budgétaires et non l’application des principes cités … et je mets ma main à couper que dès que les choses iront mieux, les abonnements identiques reprendront). Sans parler des acquisitions en monographies papier, encore indispensables pour certaines disciplines et pour une grande proportion d’étudiants, qui deviennent la variable d’ajustement des coûts scandaleux de la docélec … (voir à ce sujet l’article paru dans Le Monde daté du 12 février 2014).
      A titre personnel, je me refuse à baisser les bras, mais je trouve tout cela parfois bien décourageant ! C’est aussi la raison pour laquelle je continue à m’impliquer dans une association professionnelle, sans pour autant en attendre des retours en terme de carrière ou de planque … Et à réaliser mon travail « silencieux » dans mon établissement. Bref, le monde des bibliothécaires n’est pas dichotomique, à savoir ceux qui s’engagent de façon associative et se pavanent sans rien faire, en attendant des promotions et ceux qui bossent dans leurs bibliothèques !!

      En ce qui concerne Couperin, on peut lui reprocher beaucoup de choses, et les dernières péripéties le prouvent. Mais, à ma connaissance, l’accord avec Elsevier a été négocié par la DGRI et la CPU.

  8. Christine Ollendorff

    Merci pour ce billet qui remet bien les choses en contexte. D’après moi, nous, professionnels de l’IST, sommes entre le marteau et l’enclume par rapport à cet éditeur. Oui nous promouvons l’open access dans nos établissements, par la création d’archives ouverteś, en faisant de la pédagogie auprès des chercheurs, en participant aux instances nationales concernées (BSN). Cet état d’esprit est en train d’avancer chez nos collègues, sans doute pas aussi vite que nosu le souhaiterions, mais il avance.
    D’un autre côté, n’oublions pas que la ressource concernée est la ressource phare que beaucoup de chercheurs ne veulent absolument pas voir coupée parce qu’ils se sentiraient alors en infériorité par rapport aux pays qui y ont accès et parce que l’éditeur a su la rendre suffisamment multidisciplinaire pour qu’elle concerne beaucoup de chercheurs. Nos collègues de Montréal se sont désabonnés de Wiley mais pas de Sciencedirect que je sache.
    Donc nous négocions avec des réunions interminables avec cet éditeur qui campe sur son modèle. Et les collègues arrivent petit à petit à un accord qui nous semble être le mieux de ce que nous pouvons obtenir avec une propriété des données, des augmentations limitées sur la période…
    Alors, si on râle parce qu’on se dit qu’il y’a d’autres métriques que celles du facteur d’impact des revues de cet éditeur, ok, relevons nos manches et allons convaincre les évaluateurs (commissions CNU par exemple) que ceĺa est le cas.
    Considérons que ces cinq ans nous donnent une dead line pour avoir convaincu suffisamment de monde en 2018 afin que l’abonnement courant à cette ressource soit devenu non pertinent pour les collègues chercheurs. Aujourd’hui, en 2014, il est encore trop tôt.
    Quant au data mining, il est dans l’accord, oui, mais nos collègues ont-ils eu le choix ? Pas sur…
    C’est un principe de réalité, pour ma part il ne me convient pas, mais il est la, faisons avancer les choses avec.

    • dbourrion

      Bonjour Christine.
      Ce que tu dis, ce qui est écrit ici, on peut le résumer en une métaphore (je fais partie du comité des métaphores foireuses mais pas tant) : ce serait comme un animal piégé et qui négocie avec le chasseur pour que le piège soit (en apparence) moins serré en espérant qu’il (le piège) va se desserrer demain. Mais le chasseur sait bien qu’il ne va rien relâcher du tout sur la durée, au contraire, il relâche juste un peu la pression pour mettre un second collet ailleurs.
      Cela fait des années que le chasseur pose ses collets, cela fait des années que nous sautons dedans, et nous n’avons toujours pas compris que le chasseur fait seulement ce que lui impose son ADN : chasser.
      Un animal malin n’a qu’une solution : retirer sa patte dès que possible, au besoin la ronger (il souffrira quelques temps et puis il apprendra à marcher sans) ; et changer de chemin.

      • Sylvie Deville

        La métaphore est effectivement adaptée !!!
        Mais tu proposes quoi concrètement ? (pas un truc du genre « On signe pas et on arrête tout ») Quelle stratégie pour convaincre les CS, les CA et les équipes politiques universitaires ?

        • dbourrion

          On signe pas, ça s’arrête, et un autre système émerge, qui ne peut pas émerger pour l’instant puisque l’actuel est dans les faits infiniment confortable.
          Pour Elsevier, il suffisait de ne pas signer et d’attendre la coupure. Et là on peut commencer à inventer avec les chercheurs, qui se seraient sans doute aperçus à cette occasion qu’avec le Web, ils n’ont plus vraiment besoin du chasseur.
          Encore une fois, c’est juste d’oser tenter autre chose que de reproduire toujours le même deal pourri dont tout le monde sait qu’il est pourri. C’est juste oser.
          Accessoirement, je trouve assez marrant, le truc « convaincre les CS etc » — dans la grosse majorité des cas, les gens comprennent ce qu’on leur explique quand on leur explique qu’il y a des alternatives. Au pire, ils s’en foutent et s’adaptent.

        • dbourrion

          Le problème de fond de la maison Bibliothèque, c’est qu’elle n’ose pas oser. Mémé n’aime pas le changement, c’est connu.

      • Christophe Pérales

        Bon, alors imaginons que nous ne signions pas avec Elsevier, voire même que ce mouvement devienne mondial (comment ? C’est une autre paire de manche. Vous avez un plan ?). Ce que vous ne semblez pas comprendre, c’est que ça ne changera rien ! Elsevier basculera dans un financement gold open access, et récupérera auprès des labos ce que les bibliothèques ne financeront plus. Il se prépare d’ailleurs à cette éventualité, et c’est la raison de la présence de la clause sur le gold dans l’accord en cours de finalisation, que personne ne commente – à se demander qui en a compris la teneur. C’est ce que je dis dans mon billet : ce qui importe aux chercheurs, c’est de publier dans Elsevier, pas d’avoir accès à ce qu’il édite. Parce que la question est celle de l’évaluation de la recherche, pas celle de l’accès à l’information. Et sur ce front, je ne dis pas que les bibliothèques ne peuvent rien faire. Je dis que 1. elles ne peuvent rien faire sans travailler avec les chercheurs, étroitement, donc proposer un autre système d’évaluation, au moins au niveau national (car les financements restent pour une bonne part nationaux), idéalement au niveau européen (car les financements européens comptent beaucoup à travers le PCRD) 2. que dans ce rôle d’impulseur, de conseil, elles seraient plus efficaces si une somme considérable d’énergie n’était pas dépensée en vain dans des chamailleries stériles. Pourquoi les pays comparables avancent souvent plus vite que nous ? Pourquoi ne pas regrouper les forces ? Le débat, c’est constructif, ça permet d’avancer, à condition précisément que la critique ait pour but de faire avancer le collectif. Et non de poser invariablement en donneur de leçons sur le mode du yakafokon, ou en victime, sans jamais aller au charbon. Gratifiant pour l’ego, mais trop facile. La principale caractéristique de la réalité, c’est qu’elle résiste, qu’elle ne se plie pas comme on veut à sa volonté. Tout le contraire du yakafokon.

        Concernant la clause sur le datamining, je cite dans mon billet le post de Pierre-Carl Langlais, dont l’analyse va dans le bon sens. On peut en effet se demander pourquoi cette clause apparaît dans le projet d’accord. Elle est très dangereuse, et l’ADBU, qui sera prochainement auditionnée par le CSPLA sur cette question ne manquera pas de le pointer. Mais encore une fois poser sur le mode du j’ai tout compris et pas les autres, ce n’est pas une façon d’inviter à un débat constructif. Les contrats ISTEX qui ont été signés l’an dernier prévoient l’exploitation des données acquises pour du datamining. Et c’était l’an dernier. Je ne me rappelle pas qu’ils aient été salués. Alors quelle courte vue ?

        Critiquons, débattons, mais construisons, dans l’échange et non la distribution de bons points. On avancera mieux et plus vite. Parce que s’il y a bien une chose que je partage avec vous, c’est le sentiment que nous, bibliothécaires, chercheurs, acteurs publics, nous n’avons pas de temps à perdre.

    • Stéphanie Bouvier

      Christine, pour filer ta métaphore :
      pour moi nous av(i)ons deux solutions, soit choisir de rester là où nous sommes, entre le marteau et l’enclume – mais dans ce cas-là il faut arrêter de dire aïe à chaque coup de marteau, parce qu’on veut bien y rester à cette place ; soit jouer les titi (oui oui, celui qui taquine gros minet) et pousser un peu l’enclume, pour voir ce qui se passe quand le marteau tombe à côté de l’enclume.
      Je ne crois pas au temps long sur ces questions. Je pense qu’il faut aller au choc, prendre ce risque, déséquilibrer volontairement le système, si l’on veut réellement que les choses changent. Avec le risque évident de se casser lamentablement la figure, mais parfois il faut avoir le courage de prendre les risques qui vont avec les idées plutôt que toujours attendre et reporter la responsabilité du premier pas, le plus dur à faire, sur les autres instances.

      • Stéphanie Bouvier

        (Concrètement, à titre personnel je pense qu’avoir très vite la possibilité d’un abandon du big deal est une erreur fondamentale. Je fais référence en disant cela au message adressé par R.Genet à la CPU, il y a un moment déjà, qui affirmait que la rupture du big deal n’était pas une solution viable, puisque perdant-perdant. À partir de là, si le ministère se positionne comme cela, je ne vois même pas pourquoi on se fatigue à négocier : de fait on sait qu’on va se faire méchamment avoir.)

  9. Bonjour et merci pour cet article.
    Je ne suis pas certain que la position « naïve » que vous critiquez soit si répandue. La nouvelle politique économique d’Elsevier (recentrage sur le droit à publier et sur les services associés comme Scopus ou l’API) a été bien soulignée par les diverses réactions. Et à cet égard, l’accord actuellement envisagé semble avoir un train de retard : actuellement plus de 1500 revues Elsevier sont en Open Access, sans même compter les nombreux preprint d’articles publiés dans les revues traditionnels déposés dans les archives ouvertes ou les sites personnels des chercheurs. Au cours des prochaines années, cette proportion ne va cesser d’augmenter. Est-il encore bien raisonnable de dépenser près de 40 millions d’euros par an pour un produit appelé à être largement accessible gratuitement ?
    Les services associés d’Elsevier ne sauraient justifier non plus cet investissement. Scopus est plutôt mal conçu et mal actualisé. Pour des raisons déjà soulignées, l’API présente de nombreuses limitations. Je ne suis pas du tout certain que l’on tienne « un outil complet de pilotage stratégique des politiques de recherche ».
    Surtout que Elsevier en saura toujours plus long que ses clients : les chercheurs français n’accèdent pas seulement à un produit, ils sont le produit. Les statistiques de consultations et les diverses indications apportées (lors de l’inscription pour accéder au service de data mining par exemple) permettent d’entretenir un immense réservoir de données stratégiques, ensuite exploitable à des fins marketing.
    Pour toutes ces raisons, l’accord est fondamentalement déséquilibré : Elsevier vend un corpus éditorial en voie de dévalorisation complète (puisque la valeur est désormais transférée au droit à publier), des services associés imparfaits et limités et récupère au passage quantité de données sur la recherche française.
    La fuite de Daniel Bourrion a eu un grand mérite : ouvrir un débat public sur la validité de l’accord, indépendamment même de demander si l’open access va permettre de nous émanciper des multinationales monopolistiques de l’édition scientifique. La question qui se pose est avant tout celle d’une bonne gestion de l’argent public, alors même que la recherche française est contrainte de faire de nombreuses économies. L’accord devrait au minimum être repensé pour tenir compte de tous les éléments dégagés au cours de ces derniers jours.

    • Christophe Pérales

      Vous le dites vous-même : le business model d’Elsevier n’est plus fondé sur l’accès à l’information. Presque tout est accessible en open access. Et je le redis : si demain les bibliothèques ne paient plus, eh bien ce sont les labos qui paieront pour publier. Qui empêchera Elsevier de basculer du green vers le gold ? Qui empêchera les présidents d’université ou le CNRS de basculer les budgets d’acquisition des BU vers les labos ? Vous ? Moi ? On n’aura rien gagné pour ce qui est du bon usage de l’argent public.
      Vous le dites très bien, ce que vend Elsevier, ce n’est pas de l’information, c’est un label, un fétiche. C’est ce que sont devenues les revues scientifiques. On a un système fou dans lequel ce n’est plus la qualité d’un article qui fait la valeur d’une revue, mais l’inverse : l’article est considéré comme bon s’il est publié dans une revue à fort impact factor. C’est cela qu’il faut changer, c’est cela la vraie question. La « fuite » de notre Julien Assange en charentaises ne fait bouger aucune ligne. C’est un épiphénomène. Sortons des postures.

      • Christophe Pérales

        Codicille : si les bibliothécaires, avec leurs lunettes de bibliothécaires, continuent à penser que sur ce sujet, la question est celle de l’accès à l’information et non de l’évaluation de la recherche, ce n’est pas un train que nous aurons de retard sur Elsevier, mais deux.
        Si vous y réfléchissez bien, la stratégie du green ne peut fonctionner que si une alternative est trouvée au système actuel d’évaluation de la recherche. Alors oui, Elsevier et consorts auront vraiment du souci à se faire.

        • Stéphanie Bouvier

          Je ne suis pas certaine de comprendre correctement le lien que vous établissez, dans cette phrase, entre la stratégie green et le changement de système d’évaluation : « Si vous y réfléchissez bien, la stratégie du green ne peut fonctionner que si une alternative est trouvée au système actuel d’évaluation de la recherche. » Pourriez-vous développer s’il-vous-plaît ?

          • Christophe Pérales

            Le green, comme vous le savez, ce n’est pas publier sur le web en dehors des systèmes éditoriaux classiques. C’est publier sur le web en plus des circuits éditoriaux classiques. C’est très bon pour l’accès à l’information, et les bibliothécaires se réjouissent, à juste titre. Mais les revues scientifiques dont nous parlons jouent un autre rôle, crucial pour la carrière des chercheurs. C’est l’autre versant de la question et pour laquelle le green ne change rien. Certains économistes parlent dans cette situation de marché biface (two-sided market), c’est-à-dire mettant en relation deux clientèles différentes sur la base de deux offres différentes : de la notoriété pour les chercheurs, des contenus pour les bibliothèques. Le green n’est une réponse qu’à une des faces de ce marché. Mais son effet est nul sur l’autre face, qui importe le plus aux chercheurs, et ce sont eux qui dirigent les universités et les organismes de recherche. Tant qu’une alternative crédible ne sera pas trouvée avec eux pour damer le pion aux éditeurs sur cette face-là aussi du marché, le green n’a aucune chance, seul, de faire basculer le système. Il faut les deux. Travaillons-y. Ensemble, et avec nos chercheurs.

          • dbourrion

            Bonjour
            Est-ce que les epi-revues qui permettraient de reconstruire une échelle d’évaluation (i.e. de notoriété), et donc le maintien d’un système d’évaluation, ne peuvent pas venir en appui du green pour en faire une alternative crédible ?
            Le système fonctionne alors de manière très proche à ce qui existe actuellement : le dépôt en green dans une AO revient à une sorte de soumission d’articles, l’epi-revue et son comité de lecture viennent apporter l’évaluation/la validation scientifique qu’apportent actuellement la revue et le comité de lecture « classiques », le reste du système d’évaluation peut fonctionner sans quasi aucun autre changement qu’une modification de l’assiette utilisée pour ladite évaluation.
            Cette possible solution est connue de longue date, la question est plus sur la bascule, convaincre les participants du système actuel qu’ils peuvent retrouver le même fonctionnement ou quasi, mais ailleurs, i.e. qu’il faut faire un mouvement. Pour ce qui me concerne, je reste persuadé que ce type de mouvement se déclenche avec une impulsion politique claire et forte, i.e. pas seulement l’expression de (vagues) soutiens, mais réellement un acte du type « à partir de telle date, les évaluations ne prendront plus en compte que tel périmètre ».La date peut être éloignée si vraiment on veut barguigner mais sans ça, on risque d’attendre longtemps, comme actuellement, et comme le souligne fort justement amarois.

          • Christophe Pérales

            Bonjour Daniel La piste des epijournals est en effet intéressante, et mérite d’être explorée. En fait, pour résumer, je vois pour ma part deux voies possibles, pas forcément exclusives l’une de l’autre (ça peut aussi dépendre des champs disciplinaires) pour faire bouger le système actuel d’évaluation de la recherche :
            – une voie quantitative pourrait-on dire, qui vise à renouveler les approches bibliométriques existantes (altmetrics). C’est vrai que les archives ouvertes et le web ouvrent dans ce domaine des perspectives considérables, probablement encore sous-estimées ;
            – une approche qu’on pourrait appeler qualitative, qui vise à explorer à quelles conditions le peer-reviewing peut être acclimaté dans le modèle de l’open access. Je citais Faculty of 1000, vous citez les epijournals. Ce sont des logiques proches.

            Face à ces deux approches, qualitative et quantitative, je crois que les questions à se poser sont bien tactiques :
            – constituer des comités de lecture par exemple, ça peut être assez long. Convaincre aussi. Quels coûts de transaction engager, pour un résultat optimal ? Quel est le moindre coût pour créer les conditions à même de renverser les rapports de force avec les éditeurs ? Comment être le plus efficace ?
            – quel est ou quels sont les bons niveaux pour agir ? Le local, le national, l’Europe, le monde ? Tout ça à la fois ? Ce qui pose aussi la question du « lieu » du débat, par exemple forcément un « lieu » où il y a des professionnels de l’IST et des chercheurs et des chercheurs de tous les champs disciplinaires, où il y aussi les décideurs, et pour la France, un lieu qui par exemple ne soit marqué ni organismes ni universités, dans la logique qui est celle de BSN par exemple.

            Pas simple mais je pense vraiment que c’est à ça qu’il faut travailler prioritairement aujourd’hui. Au moins à deux niveaux, selon moi : national et européen, parce que c’est à ces niveaux-là qu’on évalue la recherche et qu’on la finance.
            Au travail !

          • dbourrion

            Bonsoir

            Je crois plus au travail en local dans une visée de percolation des pratiques consistant à créer localement des déplacements qui finissent par se rencontrer pour initier des bascules à un niveau supérieur (quoi qu’on dise, c’est tout de même il me semble très souvent les pratiques qui déclenchent un politique prenant acte et accompagnant/amplifiant ces pratiques).

            Personnellement, je ne crois plus aux débats préalables à des niveaux nationaux et européens, parce qu’ils sont lents/lourds à mettre en place et de peu d’effets (je trouve tout de même que malgré tous les débats qui ont déjà eu lieu depuis quoi, 10 ans, les avancées politiques ne sont pas là, il n’y a toujours pas d’expression, au niveau national, d’une réelle volonté politique).

            Il semble qu’il y a là deux positions, une qui partirait du micro sans préalable, l’autre qui partirait d’un macro préalable.
            Cela dit, ces deux positions ne sont nullement incompatibles. Au contraire, elles peuvent évidemment entrer en résonance dans un cercle vertueux.

            Simplement, si le haut niveau (national, européen) était plus clair, plus directif voire dirigiste et allait plus vite, cela aiderait sans doute le bas niveau (travail local). Et là, encore une fois, je ne vois rien de très visible ni sonore : la prise de position historique que vous évoquez plus haut, cette intervention de Geneviève Fioraso, n’a été à mes yeux qu’un vague discours très convenu, sans consistance, et proposant des actions qui franchement, à les relire encore une fois ce soir, ne mangent pas de pain (tout cela sans poser de programme clair, sans indiquer qui pilote, pour quand, avec quels moyens). Vu les enjeux dont oui, nous sommes tous conscients, je doute que cela soit suffisant à aider le bas niveau.

          • Christophe Pérales

            Bonsoir Daniel, on est d’accord, il faut les deux bottom-up et top-down, inutile de les opposer, ce n’est pas incompatible. J’insistais plus sur l’un que sur l’autre parce que l’action de l’ADBU se situe à un niveau national. Et il est certain qu’en France certaines choses sont plus difficiles qu’ailleurs.

            Concernant la prise de position de la Ministre, bien sûr comme vous je trouve que c’est insuffisant, mais il faut regarder le verre à moitié plein et être conscient du travail fourni par les collègues pour en arriver là. Une petite victoire, durement acquise. Ça n’invite personne à se reposer sur ses lauriers, je vous assure, mais c’est un premier jalon. À poursuivre…

      • dbourrion

        « La « fuite » de notre Julien Assange en charentaises ne fait bouger aucune ligne »
        Les insultes maintenant — charmant

        • Christophe Pérales

          Et allez, encore un petit coup de posture victimaire…
          Parce qu’écrire « Mémé n’aime pas le changement, c’est connu », ça n’est pas insultant ? Ça a même des relents phallocrates.
          Allez cher collègue en charentaises, ne soyez pas vexé parce que Mémé semble en avoir davantage sous le chignon que ce que vous pensiez.
          Et contribuez de façon constructive, on attend que ça.

  10. Sylvie Deville

    Je pense que nous sommes tous d’accord sur le fond … mais nous divergeons sur la forme et les processus d’action. L’action locale a montré ses limites et seule l’action nationale me semble avoir un sens via les associations professionnelles. Que cela plaise ou non, il n’y a pas d’autre solution.

  11. La question que pose C.Péralès a beau être une des composantes du problème, elle passe à côté de plusieurs points déjà évoqués dans la mesure où elle ne dit pas à quel niveau peut se résoudre le problème.

    L’achat. La question peut en effet être mieux traitée si on se place à un niveau national qu’à un niveau local. ISTEX en est un bon exemple. Le cas d’Elsevier est déjà plus complexe à appréhender, au moins pour
    toutes les raisons indiquées par Stéphanie Bouvier dans un précédent commentaire. On peut se demander néanmoins si un véritable travail au niveau international ne permettrait pas d’avoir encore plus de gains substantiels.
    Il existe bien le programme Knowledge exchange, mais la France n’y a pas participé, pour des raisons que j’ignore. Il y a bien l’ICOLC, mais les échanges d’informations et les conversations entre consortium n’ont génénéralement pas d’autres conséquences que l’alimenter des compétitions de vestiaires, pour rester poli (j’en ai une à +2%, l’autre en à une à +2,5%, le loser). La question de la large publicité des résultats de négociations reprend donc toute son importance.

    Le data-mining, et plus généralement, les questions sur le droit d’auteur. Le niveau local est inopérant, on est d’accord. Le niveau national a une portée plus forte, si on garde en tête néanmoins qu’il s’agit le plus souvent de transposer des directives européennes. Une association pro comme l’ADBU a-t-elle un poids dans ces questions ? Il est intéressant de voir qu’elle a été sollicitée par le CSPLA pour apporter « son » point de vue sur le data-mining, quelques semaines après le collectif SavoirsCom1 ou la BnF. En revanche, a-t-elle été associée aux travaux de commissions à l’AN et aus Sénat sur ces questions ? A-t-elle l’oreille attentive de certains parlementaires pour porter ces questions devant les assemblées ? Le jeune collectif SavoirsCom1, encore lui, a quand même réussi à se faire écouter (et entendre, j’espère), dans ce type de réunions, et a même inspiré une proposition de loi sur le domaine publique, relayée par Couperin ici http://www.couperin.org/261-couperin/nos-activites/groupes-de-travail-et-projets-deap/a-la-une/1110-proposition-de-loi-sur-le-domaine-public-pour-que-le-numerique-joue-son-role . Et au niveau européen, y avait-il des français issus des BUs ou de la doc dans les discussions Licences for Europe ?

    L’évaluation de la recherche. Là, honnêtement, je ne vois pas la légitimité des BU à dire ce qui est bel et bon, surtout à un niveau national. On peut avoir son idée sur la question, je ne vois pas comment elle pourrait être opérante à court ou à moyen terme.

    L’open access. C’est là où le niveau local a tout son rôle à jouer. Evangéliser les chercheurs, construire des infrastructures dialoguant avec le reste du monde de l’OA, obtenir de véritables mandats.
    De toutes façons, il semble vain d’attendre autre chose d’une position nationale que « oui au green, oui au gold, oui à tout ». Les assos pro peuvent certes épauler cette démarche, mais ça ne peut aller plus loin.

    • Christophe Pérales

      Bonjour Benjamin
      « La question que pose C.Pérales […] ne dit pas à quel niveau peut se résoudre le problème. » Je vous l’accorde bien volontiers, une question, ce n’est pas une réponse. Et les réponses, en la matière, je crois qu’elles s’élaborent plutôt collectivement. Mais enfin, essayer de poser correctement les questions, ce n’est déjà pas si mal, ça évite de perdre du temps.

      J’ai plus que souri en lisant vos propos sur l’ICOLC, mais je crains que vous ne soyez tombé dans la même logique de compétition de vestiaires dans le paragraphe suivant (la moitié vide du verre étant toujours du même côté, et la moitié pleine de l’autre). Qui a dit quoi le premier, qui dit ci mais pas ça, qui a l’oreille de qui ? Franchement : on s’en moque ! Selon moi, c’est précisément l’éclatement des initiatives et acteurs français (qui frappe beaucoup nos interlocuteurs étrangers) qui pèse pour une grande part dans le fait que nous avancions si mal en France sur certains sujets. Nous ne sommes pas dans Knowledge exchange, je le déplore autant que vous, mais où avez-vous vu l’équivalent français de SURF, ou du JISC ? Pour ma part, et depuis longtemps, j’ai beaucoup œuvré pour que les gens travaillent ensemble. Il fut un temps où Couperin et l’ADBU avaient des relations très tendues ; il fut un temps où les responsables IST des organismes et des BU, sans être hostiles, ne se parlaient pas. Au moment où tout cela change, on voit être créée de toutes pièces, à grand renfort de dénigrements et autres méthodes pas très jolies une pseudo fracture générationnelle : les jeunes experts courageux qui ont tout compris contre les méchants « DirBu » pleutres et à côté de la marche du monde. Je caricature à peine. D’abord ça fait longtemps que l’ADBU ne regroupe pas seulement des directeurs de BU ; ensuite le monde est un peu plus subtil. Il ne s’agit pas de jouer à la grande famille sans nuages, mais de constater que ce qui rapproche les acteurs est bien plus conséquent que ce qui les distingue ou les mène à s’affronter. Selon les sujets, il est tout à fait possible de travailler intelligemment avec certains et pas d’autres, et pour le reste, on prend acte des divergences et avec le temps et de l’intelligence, il est rare qu’on ne parvienne pas à réduire les écarts ou dépasser les oppositions par le haut. L’ADBU a par exemple des positions très proches de SavoirsCom1 sur bien des sujets, même si elle n’est pas d’accord sur tout (ou plus précisément, même si certaines positions lui semblent des voies intéressantes, mais pas encore complètement mûres, par exemple la contribution créative – je trouverai bien le temps d’échanger avec Lionel Maurel à ce sujet et d’autres bientôt, et il m’éclairera peut-être sur ce qui m’échappe, ou mes objections l’aideront à affiner sa réflexion, à la pousser plus loin, et c’est très bien comme ça).

      Mais si je me contente de dire ça, on me soupçonnera de me défausser, alors disons que les questions juridiques m’intéressent depuis longtemps, même si je ne suis pas un expert, que l’ADBU a jusque-là pris position sur ces sujets à travers sa participation à l’IABD, que c’est par ce biais que nous touchions députés et sénateurs, l’ADBU ayant de son côté traditionnellement des rapports plus suivis avec la CPU, le MESR, l’ABES, l’INIST, les organismes. Et des associations comme COUPERIN, EPRIST, nos collègues de la lecture publique. Au niveau européen, l’ADBU a des relations suivies avec EBLIDA et LIBER, dont Julien Roche est membre du board comme il est membre du CA de l’ADBU, et oui, LIBER était bien dans les discussions Licences for Europe et il en a même claqué la porte pour marquer sa désapprobation. Pourquoi le sujet du datamining revient maintenant au niveau national puisque qu’un accord européen n’a pu être trouvé. Quelle drôle de chose me poussez-vous à faire ! Vais-je reprocher à quiconque, de mon côté, d’être muet depuis des années sur l’échec de la pédagogie universitaire à la française, et l’oubli de la documentation dans cette réflexion ?L’ADBU est la seule à en parler. Je n’en tire pas gloriole, je ne reproche rien à personne, et tous ceux qui veulent soutenir ce combat sont les bienvenus. En postulant à la Présidence de l’ADBU, je me suis fixé pour objectif de formaliser et rendre audible les positions de nos adhérents sur les principaux sujets qui regardent les Services documentaires de l’ESR, où leur contribution est importante, et de les rendre audibles. En un an, le chemin parcouru n’est pas négligeable, même s’il reste beaucoup à faire. Mais pas contre les autres, avec eux.

      Concernant l’évaluation de la recherche, je suis convaincu que l’expertise des professionnels que nous sommes concernant les données, la façon de les construire, de les assembler, de les interroger, de les conserver est précieuse et éclairante dans le débat, même si ce débat, je l’ai déjà dit et redit et vous l’accorde bien volontiers est avant tout celui des acteurs de la recherche. Mais comme je suis convaincu que nous n’avancerons pas sur l’open access sans que cette question rencontre une réponse tactique satisfaisante…

      Sur le dernier point, je ne suis pas sûr de bien vous suivre : en fait je n’ai jamais compris le débat entre dépôts locaux et dépôt national HAL, sur le principe, mais si vous m’éclairez j’en serai ravi. Par exemple’ il me semble que si l’on veut trouver une alternative à Scopus/WoS, l’idée d’une base nationale des publications n’est pas une mauvaise chose. Et une obligation de dépôt portée nationalement comme aux USA non plus. Ensuite, comment on compte les affiliations des uns et des autres, quel est le mode de gouvernance, etc., c’est une autre question. Alors que le moissonnage par HAL des dépôts locaux n’aurait jamais dû en être une autre que technique. Mais je veux bien que vous m’expliquiez que quelque chose m’échappe.

      Pour finir, je pense que nous nous posons la même question tactique en effet essentielle : quel est le bon niveau d’intervention ? Continuons à y réfléchir ensemble.

      • dbourrion

        « Et une obligation de dépôt portée nationalement comme aux USA non plus.  » (n’est pas une mauvaise chose) : c’est à dire, tout le monde l’attend impatiemment 🙂

      • Merci pour ces réponses Christophe. Mes questions étaient des vraies questions dont j’ignorais la réponse, pas des questions rhétoriques destinées à montrer l’absence de membres de l’ADBU sur ces dossiers, désolé si ça a été perçu ainsi.
        Je me demande néanmoins à quel degré les responsables d’établissements documentaire sont imprégnés de ces questions cruciales que vous êtes le seul à relayer à votre niveau. Sans parler de fossé générationnel, il est quand même marquant que très peu de collègues (directeurs ou pas, d’ailleurs) s’expriment sur le sujet ici ou sur les listes de diffusion. Est-ce par timidité, par méconnaissance du sujet, par manque d’intérêt pour le sujet, ou un subtil cocktail des trois ?

        • Christophe Pérales

          Alors j’avais mal compris Benjamin, au temps pour moi.
          Pourquoi si peu d’interventions des collègues ? Je crois que c’est très variable. Certains ne se considèrent pas assez experts sur tel ou tel sujet, d’autres ont beaucoup à faire dans leur établissement, avec un projet de construction, une fusion d’universités, une conduite du changement, etc., d’autres sont découragés, d’autres s’investissent mais autrement, sans forcément en parler, dans un syndicat, des groupes de travail, etc., d’autres comptent sur l’ADBU ou d’autres structures, d’autres porte-parole, pour se faire entendre (ne nous leurrons pas : de même qu’il y a très peu de candidatures généralement pour les postes de direction, il n’y pas foule non plus pour s’engager dans un collectif : ça prend beaucoup de temps et on prend facilement des coups, même si je trouve que notre profession se distingue nettement de la moyenne sur ce plan).
          Mais le fond de l’affaire, je crois, surtout, c’est la culture de la discrétion propre aux bibliothécaires (qui va souvent avec une tendance à l’auto-dénigrement). Ce sont des choses contre lesquelles il faut lutter.
          Ce n’est que mon sentiment bien sûr et ces propos n’engagent que moi, mais il me semble vraiment qu’il n’est pas dans la culture de la profession d’exposer publiquement ses convictions ou ses interrogations. Or, avec le web, nous n’avons plus le choix je crois, quoi qu’on en pense.

          • Christophe Pérales

            Je viens de valider un ping (qui pointe bien le manque de communication autour de l’accord Elsevier, je souscris sans réserve sur ce point et) qui répond en partie à votre interrogation Benjamin, et sur ce je vais me coucher, car moi aussi j’aime bien dormir 😉

  12. Pingback: Elsevier et le bibliothécaire lambda | Même les quiches ont des tuyaux…

  13. Bonjour,

    Vous écrivez : « si l’existence de ces revues importe tant, malgré tout, aux communautés scientifiques, ce n’est pas tant qu’il est pour elles crucial de lire les articles qu’elles contiennent (on en trouve la plupart sans problème en open access sur la Toile). C’est qu’il est vital d’y publier. » Je condense votre propos et cela donne : l’important pour les chercheurs n’est pas de lire le (ou d’accéder au) contenu de la plate-forme d’Elsevier mais d’être publiés par Elsevier.

    Est-ce à dire que vous estimez que l’accord que s’apprête à signer le consortium Couperin est inutile ?

    Je vous demande cela, car si l’accès aux collections via la plate-forme ScienceDirect est, comme vous nous invitez à le penser, d’un intérêt relatif, alors on pourrait imaginer un scénario où le consortium ne signe pas d’accord avec Elsevier. Le budget conséquent économisé par la non-signature de l’accord pourrait être réinvesti au profit des laboratoires afin de leur permettre de publier plus facilement (budgétairement parlant) chez Elsevier. Et si le MESR assortissait cette dotation faite aux laboratoires d’une obligation de libre accès (gold open access), la boucle serait bouclée : on faciliterait la publication des chercheurs chez Elsevier tout en garantissant le libre accès des résultats de la recherche. Ce scénario n’est pas impossible, car il ressemble assez au programmes SCOAP3… dont Elsevier est partenaire.

    Je vous concède que l’on n’aurait en rien estompé le mal que vous décrivez, à savoir : la position prééminente d’Elsevier en ce qui concerne la publication et l’évaluation des résultats de la recherche. Mais cela, c’est une autre histoire.

    Je viens de m’égarer dans des hypothèses, qui m’ont éloigné de la question que je souhaitais vous poser, et que je vous repose : pensez-vous que l’accord que s’apprête à signer le consortium Couperin est inutile ?

    • Dominique Filippi

      J’hésitais depuis plusieurs jours à intervenir sur ce fil, mais puisque Pierre Naegelen vient d’évoquer le même point que celui qui me tracassait, j’en profite pour abonder dans son sens. Je partage largement son avis sur le rôle du golden OA dans ce dossier. Ce qu’il propose prend acte des éléments soulignés par C Pérales et d’autres : l’accès à la publication n’est plus l’enjeu (ne serait-ce que parce que tout fuit sur les archives institutionnelles et les réseaux sociaux de la recherche, cf. intervention récente d’Elsevier auprès d’Academia ; l’accès pérenne est assuré par l’accord Elsevier – Koninklijke Bibliotheek).
      L’avantage de cette proposition, c’est qu’on remet les budgets aux mains d’entités qui gardent une capacité d’arbitrage (entre investissements, recrutements, financement des publications des chercheurs, etc.), ce qui n’est plus le cas des bibliothèques depuis plusieurs années dans ce dossier, la preuve la conclusion de l’accord.
      Par ailleurs, en incise : ne rendons pas les communautés de recherche responsables de la situation, alors que la faute en incombe avant tout à la bureaucratisation des agences de financement; c’est l’État qui a intérêt à la centralisation de la production scientifique et à la mise en place d’indicateurs bibliométriques bas du front. D’où cette alliance objective, malgré les fortes déclarations de principe, que la licence nationale scelle.

  14. Bonjour,

    Je trouve que l’échange entre C. Pérales et D. Bourrion plus haut sur la distinction claire et nette entre le gold et le green-OA est très pertinente. Je pense qu’il est essentiel de bien séparer le rôle de « comité de lecture / validation » des éditeurs scientifiques de celui de « distributeur d’articles / facteur » (ce qui constitue l’abonnement).

    Le commentaire ci-dessus de Pierre Naegelen ci-dessus me permet lui aussi de mettre le doigt sur quelque chose qui me chiffonne.

    Si comme le laisse entende C. Péralès, ce qui compte chez Elsevier c’est sa casquette de « comité de lecture / validation », en quoi cela implique que les BUs doivent continuer à traiter avec la casquette « distributeur d’article » ?
    Pourriez-vous me dire en quoi selon vous il serait impossible de tout ouvrir en OA — même pas en green, juste un silo d’OA fourre-tout, sans technologie de bibliométrie d’Elsevier mais sans embargo non plus — ET de continuer à fournir des articles — en gold du coup, forcément — à Elsevier pour qu’il les examine et appose son label quand il les juge bons.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que vous semblez (mais peut-être interprété-je mal) vouloir attendre de pouvoir changer les deux modèles (évaluation de la recherche ET distribution des articles) d’un coup plutôt que d’ébranler celui qui est pour moi le moins légitime.
    Pourquoi diable ne serait-il pas possible de dire « on ouvre en grand tous nos articles, sans sélection a priori, sans catalogue, sans ordre, sans facettes, sans tous les supers outils de recherche dont nous disposerions avec Elsevier et on verra bien pour l’évaluation ensuite. (Et qué sapellerio le Web) »
    De plus, si on libérait tous les articles scientifiques en OA [#PointAaronSwartz] (avec une jolie CC-BY-NC-SA par exemple), sur le plan juridique ça poserait moins de problème pour le datamining.

    Bref, je ne vois pas ce qui empêcherait les chercheurs de tout publier en OA (en refusant de signer un accord d’abonnement à ce qui est déjà accessible sur le web) tout en continuant à jouer le jeu de l’évaluation par Elsevier (le temps qu’il faudra pour trouver un autre modèle d’évaluation) en le renvoyant dans les cordes de la seule valeur ajoutée qu’il semble avoir en définitive (ie évaluation et promotion des travaux d’un chercheur sur la scène institutionnelle).

  15. Frédéric Duton

    Bonjour,
    puisque même les bibliothécaires lambda 🙂 sur cette délicate affaire Elsevier, permettez-moi à mon tour de vous faire part modestement de ce qui ne cesse de m’interroger dans toute cette histoire.

    Comme il est de bon ton de se présenter, je suis responsable d’une « section » scientifique dans un SCD de province, d’une université pluridisciplinaire d’environ 23000 étudiants. A la différence de beaucoup de ceux qui ont exprimé un avis sur la question, je ne suis donc pas en charge des problèmes de documentation électronique dans le poste que j’occupe mais il me serait impossible – et inconscient – de les ignorer bien évidemment.

    Puisque d’autres l’ont déjà fait et plus clairement que je ne saurais le faire, je ne reviendrai pas ici sur le débat – passionnant et crucial – autour de l’OA. Je reprendrai néanmoins incidemment les interrogations portées notamment par les 2 précédents commentaires : si ce qui compte chez Elsevier, ce n’est plus l’accès aux articles mais le prestige de ses revues, et si les chercheurs n’ont plus besoin de les lire (ou de problèmes pour y accéder) mais d’y publier, je comprends d’autant moins la nécessité d’avoir signé (ou de s’apprêter à signer) l’accord tel qu’annoncé.

    Mais passons. Quand j’ai entendu parler pour la première fois de la possibilité d’un abonnement à la SD Freedom Collection sur le mode d’une licence nationale – même si le terme est peut-être impropre – , ma réaction initiale fut un certain étonnement, pour ne pas dire plus. Alors que j’entendais depuis des années les SCD se plaindre de l’iniquité et du coût exorbitant du modèle économique adopté, et qu’il semblait à beaucoup urgent de tenter d’en sortir, je restais un brin perplexe devant la perspective de repartir pour plusieurs années et accorder une rente supplémentaire à un éditeur qui n’en a pas besoin.

    J’ai lu, j’ai essayé de réfléchir aussi, avec mon petit cerveau, en me disant que les négociateurs, les instances ministérielles ou je ne sais qui d’autres, les gens plus au fait de l’intérêt de la Recherche et de l’Université, avaient certainement des raisons que je ne connaissais pas, que je ne comprenais pas et que je trouverais des arguments pour m’éclairer. Et puis, il m’a semblé que d’autres, que je trouvais souvent plus intelligents ou perspicaces que moi, avaient les mêmes interrogations. Et depuis, j’ai beau tourné la question dans tous les sens, je n’arrive pas à saisir ce que nous – bibliothécaires, universitaires, et soyons pompeux, la collectivité – allons gagner dans cette affaire.

    De ma fenêtre de bibliothécaire non spécialiste des arcanes de la documentation électronique, j’avoue aujourd’hui ressentir comme un sentiment de dépossession. Pour les universités, dépossession des oripeaux de cette autonomie dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles, comme si la répétition du mot pouvait suffire à lui donner corps. A mon échelle, dépossession de la possibilité qui m’est théoriquement laissée de pouvoir proposer à la communauté que je suis censé desservir une offre documentaire plurielle dont elle aurait besoin. Car, dans mon Université, les sommes colossales qui vont abonder le CA d’Elsevier pendant les 5 prochaines années seront bien entendu en grande partie prélevées sur le budget du SCD. Et, compte tenu du contexte budgétaire, la marge qui me sera laissée pour acheter de la documentation dans d’autres disciplines que celles au coeur de la Freedom, pour acquérir des ressources d’autres éditeurs dont « mes » chercheurs me disent avoir besoin ou d’acheter les manuels dont « mes » étudiants ne cessent pas encore d’avoir besoin (et que beaucoup ne peuvent pas se payer), cette marge donc, sera réduite à l’épaisseur d’un trait en bord de page.

    On pourrait aussi ajouter vu les termes de l’accord tels que communiqués que la dépossession semble devoir aussi porter sur la possibilité d’exploiter les données, mais d’autres l’ont déjà souligné.

    Mon avis ne vaut sans doute pas grand chose et on me renverra peut-être au principe de réalité, mais j’aurai bien aimé qu’on dise non pour voir. Qu’on essaie de rebattre les cartes juste parce qu’on en aurait un peu marre d’avoir toujours le même jeu bidon. Qu’on voie ce qui se passe et qu’on laisse le choix aux établissements de souscrire ou non aux ressources d’Elsevier s’ils en avaient vraiment besoin. Qu’on casse un peu le cercle pour voir s’il ne serait pas un peu possible de tourner autrement.

    Il faudra donc encore attendre. Et j’attends toujours l’argumentaire lumineux qui me démontrerait que j’ai tort.

  16. Thierry Fournier

    Bonjour,

    S’il est bien vital pour les chercheurs de publier chez Elsevier (ou tout du moins dans les revues à fort facteur d’impact que ce dernier publie), ça me semble un peu rapide de dire qu’il n’est pas crucial pour eux de les lire. J’en veux pour preuve les usages constatés d’une part, et les réactions des chercheurs d’autre part, du type « OK pour s’abonner seulement à des packages ou des titres isolés, mais ceux de ma discipline d’abord »

    C’est aussi un peu rapide de dire qu’on trouve la plupart des articles Elsevier en Open Access sur la Toile. Cf. http://marlenescorner.net/2014/02/17/gare-aux-chiffres/ Cf. aussi les discussions qui ont suivi http://www.science-metrix.com/pdf/SM_EC_OA_Availability_2004-2011.pdf

    • Dominique Filippi

      Il faudrait affiner communauté de recherche par communauté de recherche et selon le statut du chercheur (débutant, confirmé, etc.). Dans une communauté mûre et pour les chercheurs confirmés, la publication en revue vient certifier/confirmer/etc. des résultats qui ont déjà fait l’objet de communications plus ou moins informelles, les réseaux sociaux de la recherche n’étant que le dernier canal utilisé à cette fin, après les preprints, congrès, etc. Il n’y a pas que l’open access « officiel » et a fortiori pas que le « peer-reviewed OA ». Il faudrait pouvoir mesurer l’accessibilité de l’information sur tous les canaux, y compris ceux qui sont limite sur le plan légal. Combien de fois cite-t-on la version « officielle » d’une publication alors qu’on n’en a consulté qu’une version « grise » ?
      Et même ainsi, le document cité fait état d’un taux d’OA peer-reviewed supérieur à 50% aux USA, aux Pays-Bas, en Suisse, ainsi qu’en sciences biomédicales et mathématiques-statistiques. Ce n’est pas rien.

    • Julien

      D’ailleurs il serait intéressant de pousser la réflexion . Par exemple, de plus en plus de bibliothèques disposent d’un résolveur de liens sauf que dans les KB les ressources en OA ne sont pas toujours présentes ou ne sont pas forcément déclarées par les établissements. En reprenant l’idée soulevée par Benjamin Bober, on pourrait exploiter les requêtes openurl envoyées aux résolveurs pour interroger entre autres les webservices de Base Search (un des plus importants moissonneur OAI) et ainsi retourner les potentielles versions d’articles déposées en Archives Ouvertes en sus des résultats classiques. Un exemple est peut-être plus parlant 😉.
      D’une part ça permettrait de promouvoir, de faire connaître l’OA green, et d’autre part, on pourrait imaginer une étude au niveau de plusieurs établissements pour calculer la proportion des réponses OA renvoyées suite à ces requêtes openurl. On aurait ainsi des chiffres concrets pour savoir si l’OA peut être alternative crédible ou non aux ressources « traditionnelles » (j’en suis déjà convaincu mais c’est toujours mieux avec des données chiffrées 😉

      D’autre part, si on lâche un jour Elsevier, et qu’on se tourne vers du PEB ou du pay per view, ce type de solution peut éventuellement faciliter voire automatiser la fourniture de documents auprès des chercheurs.

      D’autre part, je m’interroge sur les possibilités offertes par la plate-forme PANIST ? On parle des archives 2001-2013 acquises par les membres de l’accord Elsevier 2010-2013 ? Mais quelles sont les conditions utilisation sur ces dernières ? Est-il, par exemple, possible de developer des services autour de ces archives ? On pourrait imaginer créer notre propre outil de text data mining comme alternative à l’API propriétaire d’Elsevier, non ? D’autre part, la plate-forme étant déjà accessible, est-elle réellement réservée au cas de post-annulation ?

  17. Stéphanie Bouvier

    Plus je lis de commentaires et plus je suis confrontée aux contradictions.

    Admettons que ce qui compte c’est publier chez Elsevier, pas lire Elsevier. Dans ce cas comme d’autres l’ont souligné pourquoi s’abonner ?

    D’aucuns ont noté l’exception que représente l’acquisition des années d’abonnement, par rapport aux autres pays. Comment se fait-il alors, qu’ayant payé jusqu’ici pour le courant + des années antérieures qui n’étaient pas encore notre « propriété », on se retrouve à négocier sur le même chiffre d’affaires pour le seul courant désormais ?

    D’aucun objecteront que pour Elsevier, seul le courant se paie : le reste étant « cadeau ». Alors pourquoi le reste, s’il n’a pas de valeur, n’est pas librement accessible à tous ?

    Et si le reste est « cadeau », alors pourquoi est-il si exceptionnel d’en avoir acquis la « propriété » avec le GC précédent ?

    Et si seul le courant a une valeur et qu’en plus il n’y a que publier chez Elsevier qui importe, pas lire : alors pourquoi avoir acheté les archives dans le cadre d’ISTEX ?

    • Christine Ollendorff

      En fait, le problème vient du fait, comme l’a dit Thierry Fournieŕ, qu’il est beaucoup trop réducteur de considérer Elsevier uniquement pour la publication. Malheureusement, on a encore plusieurs millions de téléchargements par an sur la freedom (quelqu’un a le chiffre exact ?). Et les chercheurs ne sont pas prêts à se séparer de cette ressource, pour la grande majorité d’entre eux.
      Il faut bien considérer que les quelques pros de l’IST et chercheurs qui discutent ici sont à la pointe de la pointe du sujet, bien en avance en termes de finesse du débat et de compréhension des enjeux sur la grande partie du monde de la recherche qui veut lire et publier dans des « revues de rang A ».
      Pour répondre à Pierre-Carl : pourquoi ne met-on pas tout en OA avec évaluation après ? Parce que les chercheurs ne veulent pas. Ils admettent à la rigueur le green oa, à condition que la version déposée soit celle qui a été validée par les pairs, ce qui est pour eux un gage de qualité (je mets bien sûr à part les physiciens qui ont adopté le système depuis longtemps avec ArXiv).
      La solution qu’il faut porter, et je rejoins Sylvie Deville, est celle d’un mandat à la française, qui oblige le dépôt des publications de recherches sur fonds publics, selon les recommandations de juillet 2012 de la commission européenne. Le green OA avec bouton, comme le préconise S. Harnad depuis longtemps, est la solution de transition en attendant le développement des epi-revues et du fair gold.
      Quand on aura gagné ça sur la majorité des publications françaises, on aura avancé.
      Mais le grand soir n’est pas pour demain matin, si je puis dire…

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