C’est le sens, semble-t-il, de la proposition que vient de faire Daniel Robin (co-secrétaire général du SNES-FSU) dans un colloque à l’initiative de son syndicat sur le métier de conseiller principal d’éducation « à la croisée du pédagogique et de l’éducatif ».
Après avoir affirmé que « les missions du CPE, contrairement à celles des enseignants, ne sont pas définies par un texte réglementaire mais par une simple circulaire datant de 30 ans », le co-secrétaire général du SNES-FSU a indiqué que son syndicat réclamait « un décret pour stabiliser ces missions dans le respect du texte de 1982 ».
Le métier de CPE (une particularité française) est généralement méconnu bien qu’important, car en évolution continue et à la jonction (problématique) entre différents ‘’mondes’’ qui ont bien du mal à entrer en synergie : la direction de chaque établissement secondaire, les enseignants, les élèves, les parents. Le CPE est en principe l’interlocuteur de tout le monde et de chacun.
Au printemps dernier (cf mon billet du 29 avril 2012), le syndicat SGEN-CFDT s’était ému du fait que, sur le site internet du ministère, il était indiqué que les conseillers principaux d’éducation sont « membres de l’équipe de direction ». « Nous vous rappelons [était-il-il dit dans la lettre adressée au directeur général de la DGESCO par le SGEN-CFDT] que le corps des conseillers principaux d’éducation est régi par les décrets 70-738 du 12 août 1970, 89-730 du 11 octobre 1989 et 2002-1134 du 5 septembre 2002, et par la circulaire 82-182 du 28 octobre 1982. Aucun de ces textes, ni de façon directe, ni de façon indirecte, ne définit les conseillers principaux d’éducation comme membres de l’équipe de direction, ni même ne les y rattache ».
On peut à ce sujet, noter d’ailleurs qu’il est généralement admis que la circulaire du 28 octobre 1982 (dans le cadre de l’alternance politique de 1981 et d’un front syndical actif sur cette question) a permis les clarifications jugées nécessaires en redéfinissant clairement les spécificités du métier et en situant du même coup tout aussi clairement les CPE hors des équipes de direction. La fin de la lettre adressée au ministère par le SGEN-CFDT sonnait donc déjà comme une mise en garde : «Nous espérons qu’il s’agit d’une erreur et non d’une volonté de redéfinir unilatéralement et de façon masquée les missions des conseillers principaux ». Et le SGEN-CFDT demandait qu’ « une correction immédiate soit apportée sur le site internet du MEN afin qu’aucun quiproquo ne soit possible dans les établissements sur les missions attendues de ces personnels ».
On attendait la suite. Et on l’attend toujours semble-t-il.
oui nous attendons surtout d’être sur le meme pied d’égalité de salaire et avoir enfin le droit à l’isoe que nous n’avons toujours pas !!! et aussi une nouvelle grille indiciaire à défaut d’agrégation d’éducation !!!
Une agreg « Education et vie de l’élève »
Mais il faut aller plus loin et se demander pourquoi on ne créerait pas également une agrégation « Education et vie de l’élève » pour les CPE. La question éducative « monte » en puissance sous l’effet de plusieurs dynamiques: le développement des incivilités et des micro-violences, la nécessité de construire une école inclusive capable d’accueillir des élèves aux parcours pluriels (élèves non francophones, élèves handicapés, élèves décrocheurs, etc), l’objectif de développer une véritable démocratie lycéenne ou collégienne, etc. Tous les personnels de direction savent qu’une « vie scolaire » de qualité est une des conditions de la réussite d’un établissement. La création d’une agrégation pour les CPE peut devenir un outil efficace pour renforcer les compétences et les connaissances des collègues en poste, la préparation d’un concours nécessitera un travail exigeant de mise à jour et de renforcement des savoirs, le champ de l’éducation est particulièrement vaste et la recherche progresse rapidement.
Les programmes d’agrégation pourraient, par exemple, s’articuler autour de plusieurs domaines: sociologie de l’éducation, philosophie et histoire de l’éducation, psychologie des adolescents, droit de l’éducation, sociologie du travail et management des équipes, communication,.. Dans leur travail au quotidien les CPE doivent en effet mobiliser des connaissances et des compétences nombreuses, la bonne volonté et le goût pour le contact avec les élèves ne suffisent pas à faire des CPE des experts capables de co-construire avec les personnels de direction et les enseignants une politique éducative outillée et ambitieuse. La formation continue n’est absolument pas à la hauteur des enjeux, la création d’une agrégation obligerait l’Institution à « ouvrir les yeux » sur les besoins en formation des CPE.
Bien sûr, on entend déjà la société des agrégés dénoncer une « baisse des exigences » et rappeler qu’il y a là une forme de « suicide ». L’agrégation doit être réservée aux professeurs …même si nombre d’entre eux ont pris d’autres chemins en devenant chercheurs, inspecteurs, chefs d’établissement, en occupant des postes dans différents organismes publics ou en quittant l’Ecole pour devenir journalistes !
Revalorisation des métiers
Aujourd’hui, les CPE à mi-carrière n’ont véritablement que deux choix: devenir chef d’établissement ou « se résigner », il n’y a pas pour celles et ceux qui aiment leur métier et n’ont pas envie d’en changer de promotion possible alors que les carrières s’allongent. La création d’une agrégation offrirait des perspectives professionnelles et serait un signal fort envoyé à tous: « la vie scolaire » participe pleinement à la mission d’éducation des jeunes générations, s’ouvrirait alors la possibilité de mettre fin au faux clivage entre instruction et éducation !
La masterisation a été une excellente initiative pour conserver aux enseignants un statut symbolique équivalent aux cadres du public ou du privé. On ne peut pas en effet construire une meilleure Ecole sans développer l’expertise de l’ensemble de ses professionnels, dans l’Ecole de la République l’agrégation joue un rôle fondamental en contribuant à élever les ambitions et le niveau des enseignants, quand les professeurs préparent l’agrégation – comme le souligne le rapport du jury de philosophie – les premiers bénéficiaires sont toujours les élèves !
La croissance zéro bloque la revalorisation de l’ensemble des professions de l’éducation (dont les effectifs représentent près de la moitié de la fonction publique d’Etat) mais la gauche, généralement plus sensible aux questions de reconnaissance et d’équité, peut toutefois conduire une politique de gestion des ressources humaines (GRH) « plus qualitative ». La ministre pourrait, par exemple, se fixer comme objectif d’offrir à l’ensemble des professionnels de l’éducation une trajectoire et des perspectives professionnelles dignes de ce nom. La revalorisation du statut des professeurs-documentalistes et des CPE – avec celui des professeurs des écoles pour le premier degré – pourrait devenir une priorité du ministère. La création de postes ne peut pas être la seule dimension d’une GRH moderne, les organisations syndicales ont ici une responsabilité particulière dans les revendications qu’elles portent et les compromis qu’elles sont capables de faire !
source cap-education.fr