Alors qu’une loi d’orientation sur l’enseignement supérieur et la recherche est en route, on peut se demander quels rôles jouent les présidents de la cinquième République en ce domaine. Retour sur le premier d’entre eux, Charles de Gaulle, à propos de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968 ( dite loi »Edgar Faure » ).
Le président de la République Charles de Gaulle est celui qui a le plus fait (financièrement) pour le supérieur. Sous sa présidence ( de 1958 à 1969 ), le nombre d’étudiants a été multiplié par 2,5 et le budget du supérieur (en francs constants) par 4.
Il a été »récompensé » par la plus gigantesque révolte étudiante de l’histoire de France. On peut comprendre que Charles de Gaulle ait été quelque peu décontenancé et qu’il ait choisi pour »rebondir » un ministre de l’Education nationale atypique et inventif : Edgar Faure (en dépit d’une bonne partie de son entourage et de ses fidèles qui ne l’appréciaient guère, voire s’en méfiaient foncièrement, à l’instar de Georges Pompidou).
Le président Charles de Gaulle presse Edgar Faure de faire vite, et d’inscrire son projet dans le cadre dominant de la »participation » : «On va appliquer la politique de participation, lui dit-il ; et je vous demande de la faire, d’abord à l’université. Les professeurs sont des gens instruits, cultivés ; les étudiants sont des gens qui aiment apprendre ; c’est vraiment un milieu très propice pour entendre le message de la participation».
Un projet reposant notamment sur la »participation » et l »autonomie des universités » est élaboré courant août 1968. Le dernier dimanche du mois, le ministre de l’Education nationale Edgar Faure retrouve le Premier ministre Couve de Murville à l’Elysée, où le général de Gaulle leur avait fixé audience :
« Le président de la République s’enquit de savoir où j’en étais parvenu ; je fis lecture de mon texte ; il en approuva l’essentiel […]. Vint après quelques retouches et escarmouches, le moment de soutenir le texte devant le Conseil des ministres ; on s’y prit à trois fois. Quand le Général eut tranché, je bondis vers l’avion qui devait me conduire à La Baule ; les parlementaires UDR [le groupe gaulliste] y tenaient une sorte de congrès où soufflait, disait-on, un vent de fronde. Ce ne fut qu’un papotage ».
Le 7 novembre 1968, la loi est définitivement votée à l’Assemblée par 401 voix pour et 39 abstentions (dont celle de Christian Fouchet, ancien ministre de l’Education nationale de 1963 à 1967). En février-mars 1969 le processus de »participation » est mis à l’épreuve des faits lors des premières élections étudiantes.
Et c’est plutôt un succès (surtout si on les compare aux participations actuelles) : 42% en lettres, 46% en sciences, 60% en droit et sciences économiques, 65% en médecine. Quant à »l’autonomie des universités », une longue histoire commence.
Le président de la République Charles de Gaulle avait choisi d’aller dans ce sens, mais non sans interrogations. A propos des dispositions relatives à l’autonomie financière : «Pourquoi l’université, qui est un service public, disposerait-elle, pratiquement sans contrôle dans chacun de ses établissements, des fonds publics qui lui sont affectés ?» ; et à propos des contrôles a posteriori de la gestion : «Quelle sanction ?»