Le bilan des avantages et des inconvénients des concours sur épreuves peut apparaître tellement mauvais que la seule solution jugée souhaitable soit celle de la suppression.
La formule favorise, quoique toute pression et toute partialité en sont absentes, et d’une façon automatique, un modèle de candidat qui n’est pas toujours celui qui a le plus de mérite, ni celui qui rendra le plus de services à la société dans les fonctions pour lesquelles il est sélectionné. C’est ainsi que les facteurs de réussite aux concours que constituent le brillant, la rapidité, une certaine aisance dans l’expression, favorisent de facto les candidats issus des classes aisées, plus cultivées, au détriment des milieux plus modestes.
Et on préfère ne pas voir le facteur chance qui domine les concours pour ne retenir que leur impartialité, qui demeure cependant inopérante pour démocratiser le recrutement de nos grandes écoles. Le souci d’éviter des ressentiments, des mouvements de jalousie et la peur traditionnelle en France de l’arbitraire administratif aboutissent ainsi à lui substituer une règle où le hasard joue un rôle encore trop important.
Cette prépondérance donnée à une apparence d’égalité sur l’efficacité réelle n’est pas admissible dans un grand pays développé moderne. Il n’est d’ailleurs que de se tourner vers des exemples bien connus puisés à l’étranger pour se rendre compte de l’efficacité d’un recrutement sur titres bien fait : les grandes universités des Etats-Unis qui correspondent à nos « grandes écoles » se recrutent de cette façon, et l’exemple du MIT est là pour permettre de juger du résultat.
PS: ce texte est extrait du rapport du groupe d’études présidé par André Boulloche remis au Premier ministre le 26 septembre 1963, il y a plus d’un demi-siècle.
Ah, le superbe modèle américain où il n’y a point de prépa ni de grandes écoles !
Quoique…si l’on y regarde de plus près au lieu de se contenter d’une analyse purement idéologique, on s’aperçoit que les grandes universités américaines sélectionnent sans vergogne leurs étudiants. Combien faut-il avoir au SAT pour intégrer le MIT, à votre avis ? Est-ce qu’un étudiant avec un dossier passable est retenu quand bien même il serait très motivé ? Et non…Je vous cite cette phrase du directeur du processus d’amission au MIT en espérant que vous sachiez lire anglais : Your grades and scores are clearly competitive or your application wouldn’t be on my pile in the first place.
Competitive scores and grades ! Quelle horreur ! De la compétition scolaire ! Certes on regarde l’extra-scolaire, sauf qu’il faut avoir passé le barrage des notes avant…
Passons également sur les « petits arrangements entre amis » où les enfants d’anciens élèves/riches donateurs bénéficient d’un accès privilégié aux universités prestigieuses (témoin Bush fils) Nettement plus juste que les concours anonymes en France ! (ou en Corée, ou au Japon,…)
Bref, vos combats d’arrière-garde anti-concours et anti-élitismes sont perdus d’avance. Tous les pays du monde ont un accès au supérieur sélectif où les élèves sont essentiellement triés sur leurs capacités académiques. Il n’y a qu’en France que l’université est ouverte à tous les vents, et cela améliore grandement le sort des plus faibles, on le constate un peu plus chaque jour !
Quand comprendrez-vous enfin que ce n’est pas en supprimant les concours qu’on améliorera l’égalité des chances, mais en amenant les élèves défavorisés au même niveau que leurs camarades issus de milieux favorisés? (ce qui demande il est vrai plus de courage que de faire de l’affirmative action à la petite semaine comme le non-regretté Descoing…)
Reste n’est-ce pas le fameux facteur chance, comme si les concours étaient avant tout une lotterie. Si tel était le cas, comment expliquer alors que ce sont à d’infimes aléas près les meilleurs de chaque classe qui intègrent chaque année les meilleures écoles ? Auriez-vous vous même obtenu votre agréagationd de philosophie sur un coup de chance et par votre travail ?
Etudiant a dit l’essentiel et très bien.
Je n’ai qu’une chose à ajouter : M. Lelièvre, êtes-vous, pour la suppression du concours (sur épreuves) de l’agrégation ?
Pouquoi pas éventuellement? Cela dépend aussi de ce que l’on peut attendre des agrégés. En fait, sur l’ensemble de ces questions, je n’ai pas d’avis tranché. Mais je m’étonne que le problème puisse être considéré comme résolu sans appel et définitivement. Cordialement
Bonjour,
Tout à fait d’accord avec les réactions précédentes d’autant plus qu’en tant que femme ayant réussi des concours d’écoles d’ingénieurs, j’ai largement apprécié l’anonymat des épreuves de concours qui permettent d’éviter certains préjugés de genre dans les corrections…
De plus il me semble me rappeler qu’une étude avait été publiée qui démontrait que, pour les diplômés de niveau Bac+5, la diversité des origines sociales n’était pas plus importante à l’université que dans les grandes écoles contrairement à ce que prétendent tous les discours visant à porter le discrédit sur le système sélectif en essayant d’apporter la confusion entre sélection sur le niveau et sélection par l’argent. Je rappelle que dans certaines grandes écoles, qui recrutent sur concours, les élèves sont rémunérés pendant leurs études, c’est donc une énorme chance pour des enfants de familles modestes.
Aujourd’hui aux Etats-Unis, le recrutement de l’équivalent de nos grandes écoles se fait en fonction de score dans des tests organisés par des officines privés et préparés dans des lycées privés appelés « prépas ». Il suffit de regarder les séries américaines pour le savoir.
Le biais social dans les recrutements des filières sélectives s’explique par la moindre valeur donnée à l’effort scolaire en fonction du milieu d’origine et par l’autocensure des familles (c’est pas pour moi.).
Aucun des élèves des grandes écoles scientifiques n’a jamais eu un cours de maths de sa vie. Pour la bonne raison qu’avant la terminale c’était inutile. Et qu’en prépa, il y a les colles (exercices par groupe de 4) qui sont un entraînement suffisant.
La question est si on supprime les épreuves par quoi sélectionne t-on ? L’avis des profs pendant l’année scolaire ? L’avis d’un jury ? Ce n’est pas satisfaisant non plus.
Je crois qu’@Etudiant a bien résumer ce que je pensais et les questions que je me posais.
Je ne suis pas pour la suppression des concours de mo côté
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Si le concepteur d’un sujet le choisit non pas « en coin » (ce qui valorise la chance et isole 2% du reste) mais un sujet de synthèse reflétant les grandes problématiques du programme, il n’y a plus d’effet de surprise pour qui a préparé.
Le candidat peut alors exercer son esprit (puisque ce ne sera pas non plus « une question de cours » qui se bachote). Les correcteurs compétents peuvent produire un fuseau, de l’écart-type.
Programme net + concepteur compétent dans l’esprit de l’épreuve + correcteurs en phase = peu de hasard pour les candidats
Maintenant, je ne dis pas que ce soit la seule modalité à utiliser dans un processus de sélection.
Méfions nous des recrutements à la tête du client ; voire du tirage au sort, expression d’un autre désarroi des jurys.
Encore un article visiblement fascinant