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Le bac et le monopole d’Etat de la collation des grades – Le blog de Claude Lelievre
Le blog de Claude Lelievre

Le bac et le monopole d’Etat de la collation des grades

 

Le baccalauréat français dont toutes les étapes, depuis la conception, l’administration et la correction sont contrôlées par l’Etat – une exception en Europe – ne se comprend pas sans le monopole de la  »collation des gades » qui est dévolu à l’Etat, en raison de l’importance qu’a revêtue en France la question  »public-privé » et corrélativement l’affrontement entre l’école publique et les écoles catholiques.

 

Lors de sa création sous sa forme moderne en 1808, même si l’on est alors dans le cadre du Concordat, Napoléon I est engagé dans un bras de fer avec le Pape et l’Eglise. Le baccalauréat institué sous sa double face de sanction des études secondaires et de premier grade de l’enseignement supérieur permet d’établir le « monopole de l’Université » (une administration totalement publique, d’Etat) sur cet examen, ce  »grade ». Selon le décret du 17 mars 1808, seules les  »facultés » ( organismes de l’université) peuvent conférer les  »grades ». Par ailleurs, les candidats devront, pour se présenter à cet examen, être en possession d’un certificat d’études attestant qu’ils ont effectué leurs deux dernières années de scolarité dans un établissement reconnu par l’Université (une mesure qui montre bien quel est le sens du dispositif mis en place).

 

On comprend alors que – dans ce cadre – la  »validation des acquis du secondaire » ne peut se faire dans (et par) les établissements secondaires ( notamment privés…), et qu’il n’y a aucune place a priori pour un  »contrôle continu » prépondérant voire significatif pour le baccalauréat (on remarquera, en revanche, que c’est tout à fait possible dans le cadre de l’Université elle-même, où les examens obtenus sont ipso facto des diplômes d’Etat, puisqu’ils sont obtenus dans le cadre même d’établissements universitaires donc d’Etat, alors même que les étudiants sont évalués par leurs propres professeurs…).

 

Il y a eu pourtant des tentatives pour sortir quelque peu de ce cadre ( et de ses corollaires plus ou moins obligés). On n’en prendra pour preuve que l’une des plus lointaines et des plus marquantes puisqu’elle a été le fait d’Emile Combes (le futur auteur de la  »loi Combes » du 7 juillet 1904 interdisant l’enseignement aux congrégations). Le 4 février 1894, Emile Combes, ministre de l’Instruction publique, dépose un projet demandant la suppression du baccalauréat car il estime que cet examen a un vice capital : il a pour programme les matières qui s’enseignent au lycée et il se passe dans les facultés ( devant un jury alors effectivement d’enseignants de l’Université). Le ministre Emile Combes propose le passage des élèves devant leurs professeurs de lycée, soit après la classe de rhétorique, soit après celles de philosophie ou de mathématiques. Il était prévu de ne maintenir le baccalauréat que pour les établissements privés…Finalement le projet n’aboutit pas.

 

La dernière tentative marquante a été celle du ministre de l’Education nationale François Fillon qui introduit dans son projet de loi d’orientation une mesure ( qui ne figurait aucunement dans le rapport de la commission  »Thélot ») : réduire à six le nombre d’épreuves au baccalauréat, les autres matières étant validées par le contrôle continu. Manifestations de lycéens à l’approche de la discussion de la loi prévue le 15 février 2005 : le ministre est lâché par le président de la République Jacques Chirac et doit retirer ce projet.

 

Mais on notera qu’il l’a toujours en tête s’il devient lui-même chef de l’Etat , et c’est dûment inscrit dans le projet pré-présidentiel sur l’Ecole que François Fillon a présenté le 10 avril dernier : « En 2005, j’ai voulu, mais je n’ai pas pu, traiter cette question. Je persiste et signe. Je propose de réduire à 4 le nombre d’épreuves en renforçant les exigences de chacune d’entre elles  pour permettre la réussite dans l’enseignement supérieur. Au fil des années, le nombre d’épreuves a augmenté parallèlement à un déclin des exigences attachées à chacune d’entre elles.
Le baccalauréat doit comprendre une épreuve de français passée à la fin de la première début juillet et trois épreuves en terminale portant sur les matières dominantes de la série passées début juillet, afin de rendre au baccalauréat une valeur qu’il n’a plus et de mieux préparer aux études supérieures. Les disciplines ne faisant pas l’objet d’épreuve pourront être notées dans le cadre du contrôle continu »
.

 

 

 

Commentaires (3)

  1. Kerforne Serge

    M. Fillon, dans un autre exemple, est aussi pour commencer l’enseignement de la lecture à 5 ans faisant fi de l’évolution somatique du cerveau notamment par rapport à la perception spatiale _ un petit peu primordiale pour décoder. La Finlande tant vantée par PISA enseigne la lecture ni à 5, ni à 6 mais à 7 ans pour un code plus phonétique que le notre.
    Tout ceci pour dire:
    En tant qu’enseignant, je m’interroge sur les processus d’émergence des idées de réforme en politique, en général, et chez Monsieur Fillon en particulier. A combien de personnes, de courants de pensées, de retours d’expériences se réduisent les « think tanks » dont les politiques aiment à s’entourer pour pouvoir, au moins dans mon exemple, finir par rouler à contre-sens?

  2. Claude Lelièvre (Auteur de l'article)

    Une mesure que le ministre de l’Education nationale François fillon avait d’ailleurs refusée lors de la discussion de sa loi d’orientation en 2005: »Je n’ai pas davantage retenu l’abaissement à 5 ans de l’âge de la scolarité obligatoire. Plus de 95 % des élèves sont scolarisés avant leur sixième anniversaire, mais il n’y a pas de raison de contraindre les familles qui font le choix contraire, d’autant que certains y voient une menace pour la maternelle. Notre école maternelle est une réussite : ne la fragilisons pas ».

  3. MAGLIULO

    En fait, une des questions centrales concernant le « statut » du baccalauréat n’est-elle pas la suivante : cet examen doit-il continuer d’être « le premier grade universitaire », tel que l’a voulu son créateur Napoléon 1er, ou doit-il – tel le diplôme national du brevet en fin de 3e – devenir un simple « certificat (ou attestation) de fin d’études secondaires » ?

    Dans le premier cas, il continuera – au grand dam d’un nombre croissant d’universitaires qui rêvent d’une systématisation du principe de « régulation des flux de lycéens à l’entrée des premiers cycles » – d’être porteur d’ un droit automatique d’accès en première année des filières universitaires non sélectives. Et dans ce cas, on continuera de donner le spectacle d’un enseignement supérieur « dual », avec d’un côté les filières sélectives (classes préparatoires, écoles post-bac, IUT, STS, ainsi qu’ un nombre croissant de premiers cycles universitaires), qui continueront d’accueillir les meilleurs lycéens (ou les « moins mauvais »), et de l’autre, le secteur des filières de premier cycle non sélectives, qui sont toutes universitaires, et correspondent à des filières à gros effectifs (jusqu’à plus de mille en « grand amphi »), donc mal encadrés, à faible densité d’heures d’enseignement… qui font majoritairement l’objet d’une stratégie d’évitement de la part de la majorité des familles dont les enfants sont scolarisés en classe terminale, lesquelles plébiscitent les orientations vers les filières sélectives, à meilleure réputation.

    Notons sur ce point que deux secteurs d’études universitaires non sélectives à l’entrée en première année du premier cycle n’obéissent pas à ces règles : les études de santé et celles de droit. C’est que dans ces secteurs, il n’y a pas ou peu de secteur sélectif susceptible d’entrer en concurrence avec les universités, qui ont le quasi monopole ou le monopole de la formation supérieure, du moins pour l’accès aux métiers à haut niveau de responsabilité. Dans ces deux cas, c’est l’université « non sélective à l’entrée » en filière de masse, ou rien ! Un futur médecin, chirurgien dentiste, pharmacien, avocat, notaire, juge … n’a quasiment pas d’autre alternative que de commencer par ce « chemin de croix » qu’est une première année universitaire non sélective de masse… sauf à contourner cet obstacle en partant faire de telles études en dehors de nos frontières nationales.

    Autre observation : ce n’est pas parce que nombre de filières universitaires de premier cycle sont non sélectives à l’entrée, qu’elles ne le sont pas ensuite. Sait-on que 18% seulement des étudiants de première année du premier cycle santé passent chaque année en deuxième année ? Que le taux d’accès à la deuxième année de droit n’est que de l’ordre de 30% en moyenne ? Que sur 100 lycéens qui s’engagent en première année de licence non sélective, la moitié n’atteindra jamais le diplôme de licence, et que pour la moitié de ceux qui y parviennent, c’est en quatre ou cinq années au lieu de trois normalement ? Ainsi, ce système est des plus hypocrites, qui laisse très généreusement passer en première année d’un premier cycle universitaire non sélectif tout bachelier demandeur d’y être admis, mais « fait le ménage » ensuite, tout particulièrement en cours de premier année, transformant des centaines de milliers de lycéens placés en situation de réussite en fin de terminale (ils se sont dotés du baccalauréat), en « perdus de vue » après sortie d’un premier cycle universitaire sans être parvenus à s’y doter d’un diplôme. Quel gâchis !

    Je ne nie pas que, depuis quelques années, les taux d’échec en premier cycle universitaire, et tout particulièrement en première année, ont eu tendance à quelque peu régresser, et ce grâce à de gros efforts de préparation plus responsable des choix d’orientation en amont (au lycée), et d’un meilleur accompagnement des élèves en difficulté en première année d’université. Mais nous sommes encore loin du compte, et là sans doute est l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les responsables de filières universitaires non sélectives, du moins si ne se généralise pas, en université, le principe de « régulation des flux de lycéens à l’entrée », que nombre d’universitaires appellent de leurs vœux, et qui se développe chaque année par la multiplication des dérogations autorisant à faire de la sélection à l’entrée en première année de premier cycle (université de Paris-Dauphine, collège de droit de l’université de Paris-Assas, bi-licences, etc.).

    Se poserait alors une autre question, socialement très lourde : en cas de tendance à la généralisation du principe de tri à l’entrée, que fera-t-on des exclus, ces « reçus-collés » (reçus au bac, collés à l’entrée dans l’enseignement supérieur).

    Bruno Magliulo
    Inspecteur d’académie honoraire
    Animateur du blog : http://conseilsdeclasse.letudiant.fr

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