Les châtiments corporels sont en principe rigoureusement interdits depuis la création de l’Ecole républicaine et laïque) afin notamment de se démarquer ainsi des congrégations qui encadrent l’école rivale.
Ce n’est sans doute pas un hasard si Jules Ferry lui-même, en plein cœur des débats sur les grandes lois scolaires laïques des années 80, met clairement en évidence deux tabous majeurs que ne doivent transgresser en aucun cas les maîtres de l’Ecole républicaine et laïque. « Si un instituteur public s’oubliait assez pour instituer dans son école un enseignement hostile, outrageant pour les croyances religieuses de n’importe qui, il serait aussi sévèrement et aussi rapidement réprimé que s’il avait commis cet autre méfait de battre ses élèves ou de se livrer contre eux à des sévices coupables » (Discours à la Chambre des députés du 11 mars 1882).
L’historien Jean-Claude Caron cite à juste titre le philosophe Georges Sorel qui, dans les toute premières années du XX° siècle, insiste sur cet aspect décisif de la question : « Jadis, on croyait que la férule était l’outil le plus nécessaire pour le maître d’école ; aujourd’hui, les peines corporelles ont disparu de notre enseignement public. Je crois que la concurrence que celui-ci avait à soutenir contre l’enseignement congréganiste a eu une très grande part dans ce progrès : les Frères appliquaient, avec une rigueur extrême, les vieux principes de la pédagogie cléricale ; et on sait que celle-ci a toujours comporté beaucoup de coups et de peines excessives, en vue de dompter le démon qui suggère à l’enfant beaucoup de mauvaises habitudes. L’administration fut assez intelligente pour opposer à cette éducation barbare une éducation plus douce qui lui concilia beaucoup de sympathie» ( « A l’école de la violence », Aubier, p.92 ).
L’administration de l’Ecole républicaine et laïque a manifestement œuvré en ce sens. Mais il serait bien naïf, et contraire à la réalité historique, de prétendre qu’elle aurait tout uniment réussi…
Et cela d’autant plus que dès 1889 (deux ans après l’interdiction réglementaire formelle des châtiments corporels dans l’Ecole républicaine) la Cour de cassation a reconnu aux maîtres un droit de correction au même titre que celui attribué aux parents, dans la mesure où il n’y a pas excès et où la santé de l’enfant n’est pas compromise.
Une vingtaine d’années plus tard, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 décembre 1908 a précisé que « les instituteurs ont incontestablement par délégation paternelle, un droit de correction sur les enfants qui leur sont confiés ; mais, bien entendu, ce droit de correction pour demeurer légitime, doit être limité aux mesures de coercition qu’exige la punition de l’acte d’indiscipline commis par l’enfant ».