Cette proposition a été annoncée par Najat Vallaud-Belkacem, le 17 septembre dernier, à un rassemblement socialiste à Lomme, près de Lille.
« Aller plus loin sur l’Education lors du prochain quinquennat, c’est proposer, comme je le ferai, d’étendre la scolarité obligatoire de 3 ans à 18 ans », a-t-elle déclaré. Une déclaration dûment reprise sur son compte twitter.
Une scolarité obligatoire à partir de 3 ans ne va certes pas de soi (car, depuis 1882, ce n’est pas la »scolarisation » à proprement parler qui est obligatoire, mais »l’instruction »). Cependant elle ne pose pas un problème majeur dans la mesure où, dans les faits, les plus de trois ans sont déjà quasiment tous »scolarisés » (même si c’est de façon plus ou moins continue et effective).
Il n’en va pas du tout de même pour les plus de 16 ans, car un pourcentage non négligeable d’entre eux ne sont pas du tout scolarisés (même en comptant ceux en apprentissage).
En France, pour l’année scolaire 2014-2015, le taux de scolarisation des jeunes qui avaient atteint 17 ans révolus au 1er janvier 2015 a été de 91,6% et celui de ceux qui avaient atteint 18 ans révolus de 77,5%.
En 2012, année où une vaste enquête a été menée dans les 28 pays de l’Union européenne, on a constaté qu’en moyenne 80,4% des jeunes de 18 ans étaient encore scolarisés, mais seulement 75,4% en France (soit 5% de points en moins que la moyenne). Dans neuf pays des Etats membres de l’Union cette proportion était égale ou supérieure à 90% (dans l’ordre croissant : Pays-Bas, Slovénie, Estonie, Pologne, Finlande, Lettonie, Suède, Lituanie, Irlande où elle atteint plus de 99%).
Si l’on en juge par certains sondages (récents ou anciens) dans les milieux enseignants, la prolongation de la scolarité obligatoire est loin d’aller de soi pour une part importante d’entre eux.
En octobre 2012 (au moment de la concertation ayant précédé la loi de refondation de l’Ecole), le réseau social enseignant »Néo-Prof » a organisé une consultation à ce sujet. Seulement 25% des votants (un bon millier) se sont prononcés pour une scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans (67% jusqu’à 16 ans, et 7% sans avis). C’est certes un réseau plutôt »conservateur », mais cela donne quand même une certaine indication relative.
On peut noter toutefois que les réticences ont été nettement plus importantes dans le passé. Dix ans après la mise en place effective de l’instruction obligatoire jusqu’à 16 ans, un sondage est effectué par la SOFRES en décembre 1977 auprès d’un ‘’échantillon représentatif’’ des enseignants à qui l’on pose la question suivante : « A quel âge l’interruption de la scolarité obligatoire devrait-elle être possible : à 14 ans, à 16 ans, ou à 18 ans ? « . 48% des enseignants se prononcent pour 14 ans ( et 12% pour 18 ans ).
En septembre 1985 la SOFRES repose la même question à un ‘’échantillon représentatif’’ d’enseignants. 42 % d’enseignants (6% de moins qu’en 1977) se prononcent pour la possibilité d’interruption de la scolarité à 14 ans, et 15% pour la repousser jusqu’à 18 ans (3% de plus qu’en 1977).
Dans son récent (et »deuxième ») discours d’Orléans du 1er septembre, François Hollande s’est prononcé pour une importante réforme du lycée avec pour horizon (à dix ans) que 60 % d’une classe d’âge soit en mesure d’obtenir une licence. C’est la première fois qu’une réforme du lycée est envisagée avant tout dans sa liaison avec l’enseignement supérieur (et une réussite accrue dans le supérieur).
Mais cela peut donner lieu aussi à une centration sur une bonne moitié seulement de chaque classe d’âge (au détriment éventuel des autres, risquant plus ou moins d’être des »laissés pour compte »).
La proposition faite par Najat Vallaud -Belkacem samedi dernier est de nature à ne pas les oublier, bien au contraire. On peut facilement imaginer que conjuguer les deux exigences (car il ne saurait être question d’en rabattre sur la première ambition) ne relève pas de la facilité…
On est donc ici à des années-lumières des propositions faites par la plupart des candidats à la primaire de droite (à commencer par François Fillon qui ne trouve rien de mieux que de faire du brevet une condition pour l’entrée en classe de seconde, ce qu’il n’a jamais été) !
Bonjour Monsieur Lelièvre,
Je suis heureux de pouvoir de nouveau accéder à vos billets toujours mesurés et bien argumentés, après en avoir été écarté pendant plusieurs années pour des questions de santé personnelle.
Vos commentaires sur la déclaration récente de madame Najat Vallaud Belkacem concernant un possible allongement de la durée de la scolarité obligatoire me suggèrent quelques remarques :
Ces propositions ont été faites dans le cadre d’une précampagne électorale. Il n’est pas sûr du tout que le candidat du parti socialiste à l’élection présidentielle les reprenne à son compte.
Une telle mesure, relevant de la loi, ne pourra de toute façon être prise que par le Parlement. L’opinion des enseignants ne devrait pas être prépondérante, la loi devant exprimer la volonté du peuple souverain et non de ceux qui seront chargés de la mettre en œuvre. Les variations constatées dans les sondages organisés par la SOFRES montrent d’ailleurs que ses opinions des professionnels évoluent dans le temps.
Sur le fond maintenant : la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans avait été proposée par le plan Langevin Wallon en 1946, plan élaboré dans le prolongement des réflexions du Conseil national de la résistance. Cet allongement n’était que l’une des réformes d’un plan de refondation totale de tout notre système éducatif, y compris des pratiques pédagogiques. Ce plan n’a jamais été appliqué : il serait sans doute judicieux de rappeler qui l’avait rejeté et pour quelles raisons.
Ce que vous dites à propos de l’école maternelle est très juste : l’obligation concerne l’instruction et non la scolarisation. Il serait bon aussi de rappeler les origines de cette institution originale, spécifiquement française, du rôle de Pauline Kergomard qui l’accepta le terme d’école qu’à la condition qu’elle soit qualifiée de maternelle.
La loi de 1959 qui avait allongé de deux ans la durée de de l’instruction obligatoire avait négligé de repenser l’organisation des 10 années de cette instruction, mais surtout aussi les objectifs visés, les moyens à mettre en œuvre, ce qui a conduit aux impasses du collège actuel : est-il toujours le premier cycle de l’enseignement secondaire conduisant au baccalauréat ou une école moyenne comme en Finlande, par exemple ?
Les lois de 1882 ne se sont pas contentées de décréter les âges où tous les petits Français devaient recevoir une instruction minimale, elles avaient aussi défini les finalités de cette instruction. Un jour sans doute, on peut du moins l’espérer, nos législateurs auront à se prononcer sur une Refondation de notre système éducatif. Cela ne pourra pas se faire sans un véritable débat national prolongé autant qu’il le faudra et non à un simulacre de débat comme ce fut le cas il y a quelques années.