Najat Vallaud-Belkacem a été la première femme à être nommée ministre de l’Education nationale, jeune qui plus est (la plus jeune après Jean Zay, le ministre du Front populaire) ; et c’est peu dire qu’on l’attendait »au tournant ». Et cela d’autant plus – en ces temps troublés voire troubles – qu’elle était issue d’une famille marocaine musulmane.
Eh bien, on peut dire qu’elle a fait face (en dépit de rumeurs multiples et insistantes qui ont commencé dès son arrivée), avec un grand calme le plus souvent et beaucoup de détermination et d’engagements publics. Les difficultés n’ont pas manqué : un contexte politique où le gouvernement était en perte de confiance ; et des secteurs ou domaines scolaires très délicats à »refonder », en particulier redéfinir les programmes de l’ensemble de la scolarité obligatoire et réformer le collège.
Le collège est historiquement le lieu des tensions maximum de toutes sortes du »système éducatif ». Il est l’occasion de turbulences médiatiques très fortes lorsqu’on tente effectivement de traiter le problème qu’il pose (par exemple, à sa façon, René Haby lors de la création du »collège unique ») et non de faire semblant (genre dans lequel se sont illustrés bien des ministres de l’Education nationale…). On peut noter, entre autres, Claude Allègre qui s’était chargé personnellement d’une »réforme des lycées » et d’une »Charte du primaire », mais s’était défaussé du »cactus du collège » sur sa ministre déléguée aux Enseignements scolaires – Ségolène Royal – qui elle-même n’avait trouvé rien de mieux que de noyer les problèmes centraux à résoudre dans une annonce d’une quarantaine de mesures dont personne ne se souvient aujourd’hui…
Cela n’a pas été le choix de Najat Vallaud-Belkacem : quel que soit soit le sort qui leur sera réservé dans le futur, on se souviendra en particulier de la mise en place de classes bilingues pour tous dès la cinquième et surtout de l’institution des EPI ( enseignements pratiques interdisciplinaires).
Sur le plan »programmatique », la jeune ministre a dû faire face à des détournements voire à des emballements médiatiques créés de toute pièce (avec pour arrière fond de soi-disant »crédibilité » son origine familiale arabe musulmane). On peut citer – entre autres – les polémiques sur la présence de la religion musulmane dans le programme d’histoire de la classe de cinquième (alors qu’elle figure en bonne place là depuis au moins le début de la cinquième République) ; ou bien encore les déclarations réitérées sur une prétendue obligation de l’apprentissage de l’arabe en CP , en lieu et place de l’importance de l’enseignement de la langue française. Cerise sur le gâteau (mais qui n’est pas sans lien si l’on y songe), une prétendue réforme de l’orthographe initiée par la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem (emballement médiatique qui a tenu la France en haleine durant deux semaines…), alors qu’il s’agissait de mesures évoquées une trentaine d’années plus tôt (sous l’égide de Michel Rocard), reprises dans les nouveaux programmes de 2008 (sous le ministère de Xavier Darcos) et finalement d’intégrer tout simplement ces anciennes recommandations dans les nouveaux manuels scolaires.
En dépit de ces turbulences (finalement surmontées, mais non sans difficultés ou sans »casse ») le fait est là ; et il est advenu sans drames majeurs (ce qui a pour effet qu’il est passé médiatiquement presque inaperçu) : pour la première fois dans notre histoire scolaire, les programmes de la scolarité obligatoire – depuis le cours préparatoire jusqu’à la troisième – ont été pensés ensemble, toutes disciplines confondues, par cycles successifs de trois années . Un beau travail mené sous la houlette du Conseil supérieur des programmes présidé par /Michel Lussault. Et cela-même devrait assurer un net progrès dans la continuité et la cohérence des progressions, ainsi que dans leur faisabilité. On n’en parle pas beaucoup, mais cela devrait être porté en premier lieu au crédit de Najat Vallaud-Belkacem, non seulement en raison de son importance et de sa nouveauté historique, mais aussi parce que c’est elle qui a tenu bon (en pleine conscience des risques encourus) pour que cela se fasse d’un coup, en même temps (et non pas par vagues successives, comme il a pu lui être conseillé). Chapeau l’artiste !
Des classes « bilingues » pour tous dès la 5ème?? Où avez-vous trouvé cela??
L’introduction d’une seconde dès la 5ème avec diminution des horaires hebdomadaires, et massivement l’espagnol et donc suppression du choix de la LV2.
Et les classes supprimées sont les classes « bilAngues ».
Des classes bilingues avec 1h30 d’espagnol par semaine, on le saurait
Certes, nombre de polémiques auront été marquées par la mauvaise foi et l’outrance. Il n’empêche : cette réforme n’a pas été élaborée avec sérieux. Ce qui le montrerait ce ne sont pas les critiques adressées par ses adversaires les plus virulents (ceux du prédicat, ceux des EPI, ceux du livret unique…) Mais plutôt la manière dont les EPI ont été introduits dans la réforme (il y a – site des Cahiers Pédagogiques je crois- un entretien avec un des responsables de la partie EPS qui disait la soudaineté de leur apparition), plutôt les divergences entre les explications données par M. Lussault et S. Plane sur le prédicat, plutôt les propos de F. Robine assurant que tout se passait bien avec la mise en œuvre du livret numérique. Nombreux sont les enseignants qui ne se seront reconnus ni dans les âneries d’un Régis Debray, qui ne fut pas le pire, ni dans les propos enthousiastes d’un découvreur d’EPI. Ces centaines de pages de programmes, cette « refondation » où elles s’inscrivent n’ont pas été du boulot sérieux. Une ministre tenace certes, pour ne pas parler des précédents, animée d’intentions louables, capable rétrospectivement de mieux saisir comment elle a pu braquer les gens ; bref, estimable. Mais un « beau travail » non. Le temps passant, il sera bien intéressant et un peu triste, de lire les historiens, dont vous serez, qui éclaireront la complexité de la séquence et en pèseront mieux les ratages. Les qualités de la « jeune ministre » et celles que vous trouvez à la réforme en sont deux aspects très différents. La ministre s’éloignant, les programmes vont sans doute se trouver bien seuls. Mais comment il a pu se faire que tant de travail n’ait pas été plus sérieux et mieux abouti, c’est une question qu’il vaudra mieux se poser avant de décider de leur sort.
Je corrige une bourde que j’ai écrite dans mon commentaire précédent : ce n’est pas dans les Cahiers (le passage sur les EPI) mais sur le Café pédagogique : entretien avec Léo Cantié de mai 2015. Désolé.