Selon « Le Monde », l’âge de la scolarisation obligatoire va être abaissé, dès la rentrée 2019, à 3 ans, quand il ne débutait qu’à 6 ans actuellement. Selon l’Elysée, « la décision d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans traduit la volonté du président de la République de faire de l’école le lieu de l’égalité réelle et une reconnaissance de l’école maternelle, qui ne doit plus être considérée comme un mode de garde universel ou comme la simple préparation à l’école élémentaire […] L’enjeu est d’affirmer l’identité propre de l’école maternelle comme une véritable école tournée vers l’acquisition du langage et de l’épanouissement de l’enfant ».
Pour être clair, s’agit-il d’obliger les enfants à fréquenter régulièrement une école maternelle dès l’âge de trois ans ? Ce serait une grande curiosité car les enfants, à partir de six ans, ne sont pas tenus de fréquenter régulièrement une école, mais sont soumis à l’obligation d’ « instruction dans une école publique ou une école privée, ou dans la famille ».
Ou s’agit-il d’une « obligation d’instruction » (mais laquelle, définie comment et par qui?) Et ce serait une rupture effective de principe avec l’école maternelle »à la française » fondée au moment de la troisième République triomphante sous Jules Ferry.
L’arrêté du 28 juillet 1882 (écrit sous l’influence décisive de Pauline Kergomard) a signé la naissance de « l’école maternelle » française (une quasi exception dans le paysage européen) : « l’école maternelle n’est pas une école au sens ordinaire du mot : elle forme le passage de la famille à l’école ; elle garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu’elle initie au travail et à la régularité de l’école […]. Tous les exercices de l’école maternelle doivent aider au développement des diverses facultés de l’enfant sans fatigue, sans contrainte ; ils sont destinés à lui faire aimer l’école et à lui donner de bonne heure le goût du travail, en ne lui imposant jamais un genre de travail incompatible avec la faiblesse et la mobilité du premier âge ».
Le décret du 18 janvier 1887 précise que « dans les écoles maternelles, les enfants peuvent être admis dès l’âge de deux ans révolus et rester jusqu’à l’âge de six ou sept ans ». Il est indiqué que « les écoles maternelles sont des établissements de première éducation ». Il s’agit bien d’éducation et non d’instruction.
Pauline Kergomard mènera durant trente ans une lutte incessante pour que l’école maternelle ne soit pas envahie par des programmes scolaires, mais soit le lieu où le jeu est reconnu comme étant l’activité la plus formatrice pour de jeunes enfants. En corollaire, elle tentera de promouvoir une formation spécifique pour les enseignantes en maternelles, mais sans grand succès.
Si l’on juge par ce qu’en dit elle-même Pauline Kergomard, le bilan de cette orientation et de ces luttes persistantes n’a pas été pleinement satisfaisant, signe de difficultés récurrentes qui peuvent encore se poser aujourd’hui . « C’est là la grande faille de notre éducation maternelle : on y confond le développement intellectuel avec l’instruction ». Une appréhension et une prémonition plus que jamais d’actualité ?