Ce serait sans doute prolonger d’une certaine façon ce qui a commencé historiquement avec Mendès-France en 1954. Alors chef du gouvernement, Mendès-France décrète la distribution d’un verre de lait et d’un morceau de sucre à l’heure de la récréation dans toutes les écoles avec pour objectif de lutter contre la dénutrition et la consommation d’alcool par les enfants (qui n’était pas alors prohibée, loin s’en faut…)
Mais, au fil du temps, cette distribution de lait s’est accompagnée dans nombre d’établissements, d’une consommation de boissons et d’aliments : sodas, biscuits, gâteaux, céréales, viennoiseries (riches en sucres et en graisses). L’ennemi »soda » a remplacé l’ennemi »alcool » …
En janvier 2004, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dénonce les méfaits de la collation de 10 h à l’école en remettant en cause sa composition et son utilité. En effet, 93 % des enfants de 3 à 5 ans prennent un petit-déjeuner et les enquêtes alimentaires ne montrent pas de déficiences calciques dans cette tranche d’âge. De plus, face au contexte de l’augmentation de l’obésité infantile, la multiplication des prises alimentaires n’apparait pas souhaitable, bien au contraire. Elle recommande donc la suppression de toute collation, tout en laissant la possibilité de proposer aux seuls enfants concernés un petit-déjeuner équilibré à base de lait demi-écrémé dès l’arrivée à l’école. Mais cette derrière proposition n’est guère suivie d’effets, signe sans doute qu’elle n’est pas si facile à mettre en place ( mesure destinée à certains enfants et pas à d’autres, dans l’école ou dans la classe…)
A une question écrite posée en juillet 2014 par Françoise Boog (sénatrice du Haut-Rhin) , le ministère de l’EN répond: « Aucun argument nutritionnel ne justifie la collation matinale de 10 heures qui aboutit à un déséquilibre de l’alimentation et à une modification des rythmes alimentaires des enfants. Cependant, comme l’a précisé le groupe d’étude des marchés de la restauration collective et de nutrition (GEM RCN) le 10 octobre 2011, certaines situations spécifiques, liées aux conditions de vie des enfants et de leur famille, peuvent nécessiter une distribution d’aliments. Afin de pallier des insuffisances d’apports en nutriments, cette collation doit être ciblée sur les enfants qui n’ont pas pris de petit-déjeuner, ou sur ceux qui en ont pris un mais très tôt et/ou très pauvre. Dans ces cas, la collation doit être proposée lors de l’arrivée des enfants à l’école, et au minimum deux heures avant le déjeuner, en privilégiant le pain, les fruits et le lait demi-écrémé non sucré«
Mais on peut toujours douter de la mise en place effective et suffisamment fréquente de ce type de dispositif. La proposition de servir un petit déjeuner gratuit à tous les élèves de REP et REP+ rompt avec une difficulté le choix des élèves concernés, et le risque de stigmatisation). Mais pour entrer dans une autre difficulté : tous les élèves d’origines très défavorisées ne se retrouvent pas en ZEP, loin s’en faut.
Il est aussi remarquable que cette proposition n’apparaît pas dans l’excellent rapport rédigé par l’IGEN Jean-Paul Delahaye: « Grande pauvreté et réussite scolaire » (publié en mai 2015), la proposition-phare à cet égard étant la préconisation N° 5: « Faire en sorte que la restauration scolaire devienne en droit sans aucune condition restrictive ». Quelques témoignages, parfois poignants, d’enfants en grande difficulté dans l’ensemble de ce domaine sont retranscrits dans ce rapport.
On terminera par les résultats de l’étude sur l’indice de masse corporelle des enfants de grande section de maternelle faite en 2012 par l’Agence régionale de Santé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur: « dans les territoires de grande détresse sociale, la fréquence d’enfants en situation de surcharge pondérale est plus élevée que la moyenne régionale« , mais il existe aussi « un phénomène de sous-poids, et ce phénomène n’est pas négligeable avec 5,7% des enfants de grande section de maternelle concernés. Les circonscriptions où l’insuffisance pondérale est importante se situent en zone de montagne, dans certaines zones rurales mais aussi sur certaines zones urbaines très localaisées« . Au total, cela se situe souvent hors zone REP ou REP+ et excède également la question du petit déjeuner.