L’article 1 du projet de loi sur » l’Ecole de la confiance » et la façon dont est actuellement traitée la libre expression de certains enseignants rouvre un débat aussi vieux que les débuts de l’Ecole de la troisième République. Et il était alors très »tranché », dans tous les sens du terme
Les instituteurs et institutrices deviennent fonctionnaires d’Etat en 1886. Et cela dans un contexte où la syndicalisation est tout à fait interdite aux fonctionnaires.
En 1887, Jules Ferry condamne en termes virulents l’ambition de l’Union des instituteurs et institutrices de la Seine d’exprimer elle-même des opinions sur les questions scolaires et de marquer ainsi une certaine indépendance par rapport à l’Etat: « Tout ce qu’il y a d’esprit de révolte, d’orgueil envieux, de prétentions à gouverner l’Etat, dans la minorité brouillonne et tapageuse d’une corporation honnête et modeste éclate dans le tumulte et ce qui est plus grave, apparaît dans les résolutions […]. Si Spuller laisse se constituer cette coalition de fonctionnaires, outrage vivant aux lois de l’Etat, à l’autorité centrale, au pouvoir républicain, il n’y a plus de ministre de l’Instruction publique, il n’y a plus d’inspecteurs » (11 septembre 1887)
Circulaire du 20 septembre 1887 d’Eugène Spuller, alors ministre de l’Instruction publique: « Les instituteurs publics sont des fonctionnaires. Comme tels ils font partie d’une hiérarchie légalement constituée […]. Ils ne sont autonomes, ni individuellement ni collectivement. L’autonomie des fonctionnaires a un autre nom, elle s’appelle anarchie […]. Si votre profession est la plus noble de toutes, elle doit rester la plus réservée et la plus modeste […]. Un instituteur turbulent, passionné, ne forme pas de bons élèves; un instituteur qui croit ne relever que de son propre jugement ne peut pas non plus prétendre au rôle d’éducateur »
On peut terminer avec la profession de foi – une vingtaine d’années plus tard – présente dans le » Manifeste des instituteurs syndicalistes » du 26 novembre 1905, quand des enseignants du primaire ont tenté de se constituer en syndicat : » Ce n’est pas au nom du gouvernement, même républicain, ni au nom de l’Etat, ni même au nom du peuple français que l’instituteur confère son enseignement ; c’est au nom de la vérité. Les rapports mathématiques, les règles de grammaire, non plus que les faits d’ordre scientifique, historique, moral, qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations d’une majorité. Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de son autonomie, et les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance « .
A suivre…