Cette déclaration est signée par les ministres français, italien, chypriote et grec en charge de l’éducation. Et le texte a été présenté mardi dernier à l’occasion du colloque « Europe et langues anciennes ; nouvelles questions, nouvelles pratiques »
On peut sans doute s’étonner d’une telle présentation et la trouver discutable. Mais elle ne manque pas d’intérêt et à un double titre . D’abord parce que l’on s’attendrait plutôt à ce que »l’idéologie woke » soit plus prise à partie dans le cadre lui aussi idéologique du »roman national » que dans celui de « l’Europe ». Mais cela peut être une indication précieuse sur la reprise de la politique macronienne en la matière à l’approche d’e la campagne de l’élection présidentielle qui se fera au moment même où le président de la République Emmanuel Macron aura en charge la présidence du Conseil européen.
Ensuite parce que c’est l’occasion de se remémorer les perspectives qui avaient été dessées en l’occurrence par Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer.
Le 21 mai 2018, en réponse à une question posée par la députée Modem Marguerite Deprez-Audebert sur la façon de «donner envie d’Europe à notre jeunesse», le ministre de l’Education nationale a répondu qu’il est «tout à fait primordial d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes en leur faisant bien comprendre qu’il y va de leur avenir». Et Jean-Michel Blanquer a indiqué qu’il a élaboré une « stratégie » avec le Chef de l’Etat dont l’axe central est qu’ « à l’horizon 2024, chaque étudiant devra parler deux langues européennes en plus de la sienne » et que « la moitié d’une classe d’âge devra avoir passé au moins 6 mois dans un autre pays européen que le sien » .
C’était la reprise d’ailleurs, huit mois après, d’un passage du discours du Président de la République en Sorbonne le 26 septembre 2017: « Au lieu de déplorer le foisonnement des langues, nous devons en faire un atout! L’Europe doit être cet espace où chaque étudiant devra parler au moins deux langues européenne d’ici 2024. En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans , au moins 6 mois dans un autre pays européen
Le ministre de l’Education nationale a par ailleurs annoncé lors de cette même séance du 21 mai 2018 que les nouveaux programmes du lycée devront « assurer la transmission de contenus académiques et disciplinaires solides, ouverts sur l’Europe, et pleinement ancrés dans les enjeux mondiaux de notre temps ». Et il a conclu en affirmant que « nous devons réussir à renforcer l’enseignement des langues européennes dans notre système »
Où en est-on dans l’application effective de ces perspectives datant de septembre 2017 et de mai 2018 ? Mystère. On est certainement très loin du compte. Alors, pour solde de tout compte, on a désormais la nouvelle perspective européenne des « langues mortes » (pardon « langues anciennes ») à la place de la perspective des langues vivantes.
]]>Mais si l’on s’intéressait d’un peu près à certaines prescriptions ministérielles qui se sont succédé à ce propos depuis un demi-siècle, à commencer par celles de René Haby, ministre de l’Education nationale du président Valéry Giscard d’Estaing ? Début du texte sur l’éducation civique du 7 juillet 1978 pour le cours élémentaire : « le respect d’autrui avec ses différences (s’agissant notamment d’enfants handicapés ou d’immigrés )».
Indications durant le ministère de Jean-Pierre Chevènement . Arrêté du 15 mai 1985 pour le CP :« reconnaissance des droits d’autrui, de l’égalité des races et des sexes ». Programmes du collège de décembre 1985 en éducation civique, pour la classe de sixième : « diversité et solidarité des hommes. Diversité des origines, des croyances, des opinions, des modes de vie. La tolérance . Le refus des racismes ». En histoire et géographie : « la conscience de la diversité des milieux et des civilisations est particulièrement propice à la remise en question des idées reçues, à l’acquisition du sens de la relativité, au développement de l’esprit critique, à la reconnaissance de l’universel au sein des cultures. La présence dans les classes d’élèves d’origine étrangère peut constituer l’occasion de mieux présenter certains événements historiques ou des faits de civilisation »
Indications sous le ministère de François Bayrou, ministre de l’Education nationale du président Jacques Chirac. Education civique pour le CP, en 1995 : « éminemment morale, l’éducation civique développe l’honnêteté, le courage, le refus des racismes, l’amour de la République ». Programmes du collège en 1996, classe de cinquième : « refus des discriminations. Des exemples seront donnés sur les différentes discriminations (racisme, sexisme, rejet des handicapés et des malades)»
Indications sous le ministère de Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale du président Nicolas Sarkozy . Programme d’histoire-géographie-éducation civique pour la classe de cinquième du 28 avril 2008. « Même s’il existe des différences entre les individus et une grande diversité culturelle entre les groupes humains, nous appartenons à la même humanité. Assimiler les différentes cultures à des différences de nature conduit à la discrimination et au racisme […] L’étude d’un exemple de discrimination ou de racisme appuyé sur un texte littéraire ou un fait d’actualité permet de les définir et de montrer leurs conséquences pour ceux qui en sont victimes »
Circulaire ministérielle du 4 avril 2008 en vue de la rentrée 2008 : « au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caracactère sexuel, notamment l’homophobie »
Pour ce qui concerne les questions de la colonisation et de l’esclavage, on notera tout particulièrement les libellés des programmes d’histoire du collège datant d’août 2008.
Classe de cinquième : « La traite des noirs avant le XVI° siècle. Les traites orientales, transsahariennes et internes à l’Afrique noire : les routes commerciales, les acteurs et les victimes du trafic ». Classe de quatrième : « Les traites négrières et l’esclavage. La traite est un phénomène ancien en Afrique. Au XVIII°, la traite atlantique connaît un grand développement dans le cadre du »commerce triangulaire » et de l’économie de plantation […]. Les colonies au XIX°. Les conquêtes coloniales assoient la domination européenne. Les colonies constituent, dès lors, un monde dominé confronté à la modernité européenne ». Classe de troisième : « Le Monde depuis 1918. L’évolution du système de production et ses conséquences sociales. Evolution de la structure de la population active et migration du travail. L’étude s’appuie sur l’histoire d’un siècle d’immigration en France […] . Des colonies aux Etats nouvellement indépendants. Processus de la décolonisation. Principales phases de la décolonisation : 1947-1962 ».
Mais que nous arrive-t-il, dans quel contexte sommes-nous, pour qu’il puisse être prétendu (et même cru par certains) qu’ « au nom de la »diversité » et de son corollaire pédagogique l »’inclusion », les idéologies »woke » ont pénétré dans le temple scolaire avec la complicité d’une partie du corps enseignant et par le biais des outils pédagogiques » , avec un effacement de fait de toute l’histoire antérieure comme non advenue (ou mal venue…) ? A l’évidence, ce n’est pas le moment de perdre de vue les préconisations ministérielles du dernier demi-siècle dans ce domaine, bien au contraire
Claude Lelièvre. Dernier livre paru ( aux éditions Odile Jacob): » L’école d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire ».
]]>SYNTHESE:
La plupart des études de modélisation sur l’impact des fermetures de classe et des données observées confirment que:
– la fermeture des écoles pourrait avoir un impact sanitaire si elles sont fermées à temps et assez longtemps ;
– la fermeture des classes/écoles doit être accompagnée de mesures pour éviter le regroupement des élèves hors des classes ;
– il y a un coût social très élevé qui, à la lumière de 2009, est supérieur au coût de dépenses de santé évitées ;
– si cette stratégie n’est pas combinée à d’autres, la fermeture d’écoles retarde le pic mais a le plus souvent peu d’impact sur le taux d’attaque ;
– cette mesure pourrait être intéressante localement pour réduire la charge des services de soins en retardant le pic mais générerait un absentéisme potentiellement conséquent parmi le personnel soignant pour garde d’enfants ;
– les effets de la distanciation sociale cessent dès l’arrêt ou l’allègement des mesures ;
– les modèles considèrent des taux d’incidence optimale dans la communauté pour la fermeture des établissements mais ces seuils sont en pratique difficilement mesurables. La décision de fermeture, son mode et sa durée sont à décider en fonction de la gravité de la pandémie, de sa phase (freinage ou atténuation) et des objectifs à atteindre.
La communication autour de ces éventuelles fermetures sera complexe, du fait de prise de positions parfois différentes au niveau international. Il n’existe aucune règle, aucun algorithme permettant de déterminer avec certitude à l’avance les critères de fermeture et de réouverture des établissements scolaires.
La gravité d’une pandémie peut être appréciée à partir d’un certain nombre de paramètres décrivant la transmission et la gravité clinique. La qualification de gravité de la pandémie ne pourra être établie que sur un avis d’experts se basant sur l’analyse de ces paramètres.
Ainsi à titre d’exemple, concernant les modalités de fermeture des établissements scolaires, plusieurs situations sont possibles :
Transmission faible et gravité faible : fermeture non recommandée.
Transmission élevée et gravité faible :
o l’impact attendu d’une fermeture de courte durée est faible ;
o la fermeture peut être envisagée pour réduire localement la pression sur le système de soins ou plus globalement en anticipation d’une période de congés scolaires ;
o la mise en œuvre peut être soit locale, établissement par établissement, soit nationale sur l’ensemble des établissements d’une zone donnée.
Transmission faible et gravité élevée :
o la fermeture localement est à envisager dès qu’il existe des cas groupés ;
o la mise en œuvre est locale, établissement par établissement.
-Transmission élevée et gravité élevée :
o fermeture recommandée de l’ensemble des établissements. La fermeture des établissements scolaires et autres lieux collectifs devra être accompagnée d’information et de recommandations dans le but de favoriser l’isolement à domicile et d’éviter tout regroupement d’élèves en dehors des établissements scolaires (par exemple lieux de sport, centres aérés, lieux de loisirs, ou garde familiale groupée, etc.). Ces regroupements compromettraient l’impact de la fermeture sur la réduction de la pandémie.
]]>Comme je l’ai écrit bien avant le déclenchement des mises en causes »financières » dans un billet posté sur Médiapart le 21 novembre 2016: »Un Fillon »filou » (lorsqu’il y a quelque danger à être »courageux » sinon »téméraire ») ».
« Un exemple. Fin avril 1993, Edouard Balladur est nommé Premier ministre et François Fillon ministre de l’Enseignement supérieur. Le programme « Union pour la France » qui rassemblait les candidats du RPR et de l’UDF aux législatives du printemps 1993 s’était prononcé pour des « universités autonomes et concurrentielles ».
A la mi-mai 1993, le ministre de l’Enseignement supérieur François Fillon se déclare favorable à une proposition de loi uniquement si elle se limite à autoriser les universités qui le souhaitent à sortir du cadre législatif en place pour expérimenter de nouveaux modes de fonctionnement (la crainte des mésaventures du projet »Devaquet » pesant alors beaucoup …). La loi est votée début juillet. Mais la manœuvre est éventée. Les sénateurs socialistes saisissent le Conseil constitutionnel qui juge qu’en votant « une loi autorisant les universités à s’organiser à leur guise sous la seule réserve que le ministre de tutelle ne fasse pas d’objection, le Parlement s’est défaussé indûment d’une des responsabilités que lui attribue la Constitution... ».
Un Fillon »à géométrie variable », sujet à des »inversions ». Trois exemples.
D’abord des refus initiaux du ministre de l’Education nationale François Fillon envers certaines propositions de la commission Thélot lors du débat à l’Assemblée nationale le 16 février 2005 (et motivés »catégoriquement »):
1)« Commençons par les propositions que nous n’avons pas retenues. Il y a d’abord l’apprentissage obligatoire de l’anglais dès le primaire. En France, nous restons attachés à la diversité linguistique . Ma philosophie ne m’incline pas à multiplier les obligations : les parents et les élèves doivent être informés, mais c’est à eux de choisir.
2) Je n’ai pas davantage retenu l’abaissement à 5 ans de l’âge de la scolarité obligatoire. Plus de 95 % des élèves sont scolarisés avant leur sixième anniversaire, mais il n’y a pas de raison de contraindre les familles qui font le choix contraire, d’autant que certains y voient une menace pour la maternelle. Notre école maternelle est une réussite : ne la fragilisons pas.
3) La commission suggérait également de faire évoluer le métier d’enseignant en prévoyant que trois à six heures par semaine soient consacrées à l’accompagnement des élèves. Mais l’article 912-1 du code de l’éducation, issu de la loi de 1989, inclut déjà ces missions dans celles des enseignants. Enfin, il est délicat de quantifier cette partie du métier d’enseignant auquel beaucoup consacrent déjà bien plus de trois heures par semaine »
Puis, en complète opposition à ces trois refus ( »catégoriques ») initiaux du ministre de l’Education nationale François Fillon, les trois propositions inversées du candidat à l’élection présidentielle François Fillon lors de son discours sur l’éducation du 10 avril 2014 :
1)« Choisir dès le primaire d’apprendre l’anglais, l’apprentissage d’une deuxième langue commençant dès le début du collège […]
2) Commencer la scolarité obligatoire à cinq ans (au lieu de six) de sorte que l’apprentissage de la lecture débute plus tôt, pendant l’année de grande section de l’école maternelle […]
3) Dans les misions du professeur doivent être inscrits l’accompagnement personnalisé des élèves et la formation des jeunes enseignants. C’est pourquoi il faudra augmenter progressivement le temps de présence des enseignants du second degré dans l’établissement : dans les collèges et lycées, le temps de présence passerait de 648 heures à 800 heures par an ; mais le temps de cours serait inchangé ».
Lors de la dernière campagne pour les élections présidentielles, Jean-Michel Blanquer a fait des pieds et des mains pour se mettre en posture d’être choisi comme futur ministre de l’Education nationale auprès d’Alain Juppé et du couple Macron, mais aussi de François Fillon dont il était le plus proche sur le fond et par la manière…
]]>Bachelard a connu une certaine célébrité dans le monde universitaire et même dans le monde pédagogique en raison notamment de la notion de »rupture épistémologique » qui portait sur l’origine de certaines difficultés de la connaissance: une problématique intéressante pour les chercheurs et pour les enseignants . Il a été connu aussi (et peut-être davantage encore) pour ses considérations dans ce qui paraît a priori un autre domaine (bien à tort d’ailleurs) celui de l’imaginaire.
Jean-Michel Wavelet ne manque pas de revisiter tout cela à sa façon (il avait d’ailleurs consacré son mémoire de maîtrise de philosophie à la notion de »rupture » chez Bachelard) en deux forts chapitres: le chapitre 3 portant sur »le chemin de la science et des mathématiques; la force du connaître » et le chapitre 5 portant sur « le chemin de l’imaginaire; inventer et créer » (avec en intercalé, et ce n’est pas un hasard, le chapitre 4 portant sur »le chemin de la pédagogie; apprendre en construisant »).
La première grande originalité du livre de Jean-Michel Wavelet, c’est qu’il ne sépare pas en fait le penseur de l’imaginaire de l’épistémologue des sciences contrairement à ce qu’il se passe dans la plupart des ouvrages consacrés à Gaston Bachelard.
La deuxième originalité de ce livre, comme Jean-Michel Wavelet le souligne à juste titre dans sa conclusion , c’est qu’il montre que « éclairée par la pratique des sciences modernes, la pédagogie construite par Bachelard est centrale dans son oeuvre. Elle sert de trait d’union entre les sciences et l’épistémologie, comme en témoigne l’usage pédagogique puis épistémologique du concept d’obstacle; elle sert aussi à repenser l’esthétique à travers une réflexion sur l’enseignement très raisonné de la rhétorique et de la littérature »; C’est dire combien ce livre peut concerner les enseignants et les pédagogues au premier chef car c’est un aspect de l’oeuvre de Gaston Bachelard généralement négligé ou sous-estimé.
La troisième originalité de l’ouvrage de Jean-Michel Wavelet, c’est qu’il s’est intéressé de très près (et même avec passion) à la »construction » d’un homme remarquable que rien ne destinait à avoir le parcours qu’il a eu. Un exemple et une analyse qui peuvent être précieuses pour tout éducateur, surtout pour ceux qui se veulent »progressistes » et soucieux des trajectoires (pour ne pas dire du »destin », un terme qui serait en l’espèce fort mal venu) des enfants d’origines populaires.
Fils d’un cordonnier de Bar-sur-Aube, Gaston Bachelard a quitté l’école après l’obtention du baccalauréat pour travailler comme surnuméraire des postes à Remiremont. En dépit de la longueur de ses journées de travail, il se forme par lui-même et obtient une licence de mathématiques et de physique. A la veille de la guerre, il échoue de peu au concours d’ingénieur des télégraphes et des téléphones. Après 39 mois de tranchées, il débute à trente-cinq ans dans l’enseignement comme professeur auxiliaire de physique- chimie au collège de Bar-sur-Aube, tout en élevant seul sa fille après le décès de sa jeune femme et de ses parents. Et c’est donc à 38 ans qu’à la tête d’une famille monoparentale Gaston Bachelard commence une carrière de penseur hors-norme.
Pour Jean-Michel Wavelet, l’oeuvre produite par Bachelard s’inscrit dans un parcours accidenté qui contribue en retour à son originalité. Ce parcours accidenté a été considéré par beaucoup de biographes ou de commentateurs de Gaston Bachelard comme accidentel. Et c’est pourquoi ils passent rapidement là-dessus, bien à tort comme le montre Jean-Michel Wavelet, en particulier dans le chapitre 2: « le chemin de la technique; la fabrique de la pensée ». Bachelard n’a cessé la pratique télégraphique qu’au bout de seize années et Jean-Michel Wavelet met en évidence que quelque chose de fort s’est joué dans ce monde alors prestigieux et aux contraintes techniques exigeantes: « avant le désir de philosophie, il y eut la tentation technologique en vertu de laquelle on ne s’instruit que de ce que l’on construit. Loin d’être accidentelle, cette expérience s’inscrit dans la continuité d’une histoire et se révêle déterminante dans la construction d’une pensée aussi originale que dynamique »
Mais il ne faudrait pas non plus oublier le rôle de »l’imaginaire » pour ce penseur hors norme qui s’est particulièrement illustré dans ce domaine. Trois chapitres y sont consacrés. Le premier: »tracer sa route en rêvant sa vie; ouvrir l’avenir »; le chapitre 5 (on l’a déjà évoqué) et le dernier chapitre , comme un fait exprès: »le chemin des rêves, vivre les rêves ».
On allait oublier de mentionner un chapitre, le chapitre 6, et il a pourtant un titre et surtout un sous-titre tout à fait significatifs et au total centraux: »le chemin de la philosophie, la construction de soi »..
Tout est annoncé et dit. Il suffit maintenant de lire.
»Gaston Bachelard l’inattendu. Les chemins d’une volonté‘ , par Jean-Michel Wavelet, L’Harmattan, 270 pages, septembre 2019,
]]>Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet ouvrage qui vient de paraître aux éditions »La Découverte » n’est pas un court pamphlet de plus (comme il y en a tant à chaque rentrée scolaire) mais un livre de 320 pages très documenté.
Il convient en l’occurrence de se souvenir que les deux grandes premières »guerres scolaires » qui sont restées dans les mémoires (celle du »moment ferryste » d’instauration d’une école publique laïque et celle de la décennie d’avant-guerre suivant l’interdiction d’enseigner faite aux congrégations) ont été surtout des »guerres de manuels scolaires », la hiérarchie de l’Eglise catholique mettant à l’index certains manuels scolaires (la plupart d’histoire, de morale ou d’éducation civique). D’où sans doute le »clin d’oeil » du début du titre de l’ouvrage: « Vers une nouvelle guerre scolaire »
Il est remarquable que si l’Eglise catholique essayait ainsi de peser de facto sur les enseignements donnés dans les écoles communales, le ministère de l’Instruction publique, lui, ne tentait pas alors d’imposer quoi que ce soit aux enseignants de l’Ecole publique laïque en matière de choix des manuels (même en pleine bagarre pour son existence et son indépendance).
Philippe Champy consacre tout un chapitre, fort bien documenté et argumenté, sur ce qu’a été la doctrine de l’Ecole républicaine et laïque en la matière; et c’est précieux par les temps qui courent…
Le 6 novembre 1879, le Directeur de l’Enseignement primaire Ferdinand Buisson (dans une note adressée au nouveau ministre de l’Instruction publique Jules Ferry) indique en effet qu’ « il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maîtres leurs instruments d’enseignement » et qu’ « il n’y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu’ils préfèrent ».
En conséquence, le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry signe le 16 juin 1880 un arrêté qui fait largement appel au concours des enseignants. « Art 1 : Il est dressé chaque année et dans chaque département une liste des livres reconnus propres à être pris en charge dans les écoles primaires publiques. Art 2 : A cet effet, les instituteurs et institutrices titulaires de chaque canton réunis en conférence spéciale, établissent une liste des livres qu’ils jugent propres à être mis en usage dans les écoles primaires publiques. Art 3 : Une commission composée des inspecteurs primaires, du directeur et de la directrice des écoles normales et des maîtres-adjoints de ces établissements révise les listes cantonales et arrête le catalogue pour le département »
Dans sa circulaire du 7 octobre suivant, Jules Ferry ne fait pas mystère de ce qu’il a en vue en indiquant que « cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour former l’esprit pédagogique des enseignants, pour développer leur jugement, pour les façonner à la discussion sérieuse, pour les accoutumer, surtout, à prendre eux-mêmes l’initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible »
A comparer avec la situation actuelle et les mises en cause ad hoc. Philippe Champy s’y emploie activement dans son ouvrage et dresse un long réquisitoire que l’on peut sans doute discuter , mais qui mérite d’être lu car il est dûment informé et clairement mené.
« Vers une nouvelle guerre scolaire, quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Education nationale« , Philippe Champy, La Découverte, 320 pages, 20 euros.
]]>L’article 4 de la loi « Pour une école de la confiance » publiée au BO du 26 juillet indique en effet que « l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore bleu blanc rouge, le drapeau européen, la devise de la République et les paroles de l’hymne national sont affichés dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés publics et privés sous contrat ».
Ces affiches seront-elles offertes simplement au regard des élèves et censées agir en quelque sorte par magie? On bien y aura-t-il des explications sur le sens de leurs éléments (avec replacement dans leurs contextes)? Sur quels aspects? Dans quel ordre? Décidé par qui (dans la succession des classes) aussi bien pour le secondaire que pour le primaire; et selon quelles responsabilités des différents professeurs au collège et au lycée?
Le 11 février dernier, à une proposition du député LR Eric Ciotti de mettre un drapeau tricolore dans chaque salle de classe, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer avait répondu dans un premier temps en s’inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs (et en faisant valoir des arguments qui méritent d’être connus et rappelés): »Que les enfants connaissent la Déclaration des droits de l’homme, qu’ils chantent La Marseillaise et que le drapeau soit présent dans l’école est un objectif fondamental. Comme vous le savez, le code de l’éducation prévoit déjà chacun de ces éléments à l’échelle de l’école.
Vous proposez qu’ils soient dorénavant présents à l’échelle de la classe. Je ne dis pas que c’est une proposition absurde, mais je ne pense pas qu’il soit souhaitable de multiplier les affichages en classe pour des raisons pratiques assez évidentes. Nous devons, en revanche, nous attacher à ce que les élèves acquièrent une véritable connaissance de ces éléments. Or cela ne dépend pas tant d’une présence dans la classe que dans les programmes et dans la formation continue des professeurs, et tout simplement du fait que les inspecteurs de l’éducation nationale s’assurent de l’effectivité de ces apprentissages.C’est exactement le sens des consignes que j’ai pu donner depuis que je suis au ministère, dans la continuité des mesures importantes prises au cours des deux quinquennats précédents. J’ai approfondi ce sillon, notamment au travers des repères annuels que nous avons fixés pour l’école primaire ».
Mais d’autres députés »LR » prennent la parole et soutiennent l’amendement présenté par Eric Ciotti. Il y a une suspension de séance à l’issue de laquelle est proposé (et voté) un »compromis historique »(?) à la suite de »propositions faites par le Gouvernement, avec l’aval du premier signataire de l’amendement no 102 (Eric Ciotti). »
Après avoir d’abord réagi en ministre homme d’Etat, Jean-Michel Blanquer a finalement décidé en politicien (en se dérobant à l’affrontement politique avec la droite LR); et l’on se trouve quelques mois plus tard avec les difficultés d’application de cet article de sa loi… (chercher l’erreur, ou la faute)…
On doit espérer qu’il ne se dérobera pas une seconde fois en la matière: ce serait le comble qu’il ne donne aucune indication pour résoudre les problèmes d’application de ce qui est désormais l’un des points d’une loi, alors même qu’il n’a pas hésité ( par exemple) à signer et à publier le 28 mai dernier une note de service de plusieurs pages pour « Guider l’apprentissage des gestes graphiques et de l’écriture » (comme si les professeurs des écoles n’étaient pas au fait plus que lui depuis longtemps des » bonnes pratiques » dans un domaine par ailleurs peu clivant).
Après la dénégation (et finalement un certain mépris) envers l’expertise des professeurs des écoles dans un domaine qu’ils pratiquent depuis longtemps, l’absence de clarifications et de références minimum dans un domaine qui leur est assez étranger (comment faire appréhender le contenu de l’affiche, et en particulier les 7 strophes de La Marseillaise) serait de fait une dénégation des difficultés dans lesquelles les professeurs vont se retrouver en raison d’un choix ministériel foncièrement politicien . Un nouveau mépris.
Et cela d’autant plus que circulent sur les réseaux sociaux des textes parodiques ou des »progressions » plaisantes et provocatrices. On en citera une longuement pour l’exemple, car elle le mérite (parue très récemment sur »Facebook »)
REPERES PROGRESSIFS POUR LES APPRENTISSAGES DE LA MARSEILLAISE A L'ECOLE : QU'EST-CE QUE LA MARSEILLAISE ? CONTEXTE HISTORIQUE, TEXTE ET MUSIQUE. PETITE SECTION Adopté par la France comme hymne national : une première fois par la Convention pendant neuf ans du 14 juillet 1795 jusqu'à l'Empire en 1804, puis en 1879 sous la Troisième République. MOYENNE SECTION Les six premiers couplets sont écrits par Rouget de Lisle en 1792 pour l'armée du Rhin à Strasbourg à la suite de la déclaration de guerre de la France à l'Autriche. Dans ce contexte originel, La Marseillaise est un chant de guerre révolutionnaire, un hymne à la liberté, un appel patriotique à la mobilisation générale et une exhortation au combat contre la tyrannie et l'invasion étrangère. GRANDE SECTION La Marseillaise est décrétée chant national le 14 juillet 1795 (26 messidor an III) par la Convention,à l'initiative du Comité de salut public. Abandonné en 1804 sous l'Empire et remplacée par le Chant du départ, elle est reprise en 1830 pendant la révolution des Trois Glorieuses qui porte Louis-Philippe Ier au pouvoir. CP La IIIe République en fait l'hymne national le 14 février 1879 et, en 1887, une version officielle est adoptée en prévision de la célébration du centenaire de la Révolution. Le 14 juillet 1915, les cendres de Rouget de Lisle sont transférées aux Invalides. CE1 Pendant la période du régime de Vichy, elle est remplacée par le chant Maréchal, nous voilà ! (il serait intéressant que la chorale de l'Ecole prenne en charge l'apprentissage de cet hymne). En zone occupée le commandement militaire allemand interdit de la jouer et de la chanter à partir du 17 juillet 1941. CE2 Son caractère d'hymne national est à nouveau affirmé dans l'article 2 de la Constitution du 27 octobre 1946 par la IVe République, et en 1958, par l'article 2 de la Constitution de la Cinquième République française. Valéry Giscard d'Estaing, sous son mandat de président de la République française, fait ralentir le tempo de La Marseillaise afin de retrouver le rythme originel. CM1 LES PAROLES Le texte est fortement inspiré d'une affiche apposée à l'époque sur les murs de Strasbourg par la Société des amis de la Constitution, qui commence ainsi : Aux armes citoyens,l'étendard de la guerre est déployé, le signal est donné. Il faut combattre, vaincre ou mourir. Aux armes citoyens...Marchons! L'expression les enfants de la Patrie ferait référence aux engagés volontaires du Bas-Rhin, dont faisaient partie les deux fils du maire. Un parent de Rouget de L'Isle rapporte qu'il aurait affirmé, lors d'une réunion, s'être inspiré d'un chant protestant de 1560 exécuté lors de la conjuration d'Amboise. Enfin, certains ont suggéré que Rouget a pu songer à l'ode de Nicolas Boileau sur un bruit qui courut, en 1656, que Cromwell et les Anglais allaient faire la guerre à la France. CM2 LA MUSIQUE L'origine de la musique est plus discutée, puisqu'elle n'est pas signée (contrairement aux autres compositions de Rouget de Lisle). Plusieurs écrivains et musiciens émettent des doutes sur la paternité de Rouget de Lisle réputé être un amateur incapable de composer un hymne dont la valeur musicale est reconnue. En 1861, les journaux allemands ont prétendu que La Marseillaise était l'oeuvre de Holtzmann, maître de chapelle dans le Palatinat (on a parlé du Credo de la Missa solemnis n° 4), mais ce n'était qu'un canular. L'air du début de l'Oratorio Esther, de Jean-Baptiste Lucien Grisons intitulé Stances sur la Calomnie a été évoqué ; mais Hervé Luxardo dit que l'air en question a été introduit postérieurement. EXEMPLES D' ACTIVITES POUR L'ECOLE MATERNELLE MOTRICITE : LE JEU: AUX ARMES ! Les enfants sont sans culottes. Le maître/lamaîtresse dispose au fond du préau d'autant d'armes (diverses) qu'il y a d'élèves, moins une. Au signal du maître : Aux armes, citoyens !, les enfants doivent tous se précipiter pour récupérer une arme. Celle/celui qui n'en a pas est mis au piquet avec un bonnet d'âne et doit chanter la Marseillaise jusqu'à la fin du jeu. Les dix derniers joueurs possesseurs d'une arme sont déclarés vainqueurs. Ils chantent: Français, en guerriers magnanimes / Portez ou retenez vos coups ! devant les perdants. Au choix, ils épargnent les perdants ou font mine de les massacrer avec leurs armes. Ils devront justifier leur choix en débat collectif lors du retour au calme en classe.]]>
Cette dramatisation dans le registre du religieux avait été par ailleurs accompagnée de celle du registre du »sécuritaire » dès le même 7 juillet par le Chef de l’Etat déclarant à propos des rétentions de notes du baccalauréat que l' »on ne pouvait prendre nos enfants et leurs familles en otage »
On remarquera pourtant que la condamnation par »l’opinion publique » (certes toujours nettement majoritaire) de perturbations du baccalauréat tend à s’effriter. En 2003, en pleines grèves à répétition dans l’Education nationale qui pouvaient perdurer jusqu’au baccalauréat y compris , 88% des Français sondés fin mai 2003 par l’Institut CSA avaient répondu être d’accord avec l’assertion suivante: « l’exercice du droit de grève ne doit pas empêcher les élèves de passer leurs examens » . Et il n’y eut finalement pas alors de perturbations du baccalauréat.
Il n’en a pas été de même en 2019 avec des passages à l’acte (certes tout à fait minoritaires mais effectifs). Et en dépit des dramatisations effectuées par Jean-Michel Blanquer et Emmanuel Macron dans les registres respectifs du »religieux » et du »sécuritaire », l’opposition à ce type d’actions s’est pourtant nettement effritée si l’on en juge par le sondage effectué à la demande de »France Info » et du »Figaro » publié le 11 juillet dernier : 69% des Français interrogés estiment que les grévistes ont eu tort et 61 % approuvent qu’il puisse y avoir des sanctions. Il y a donc une majorité nette opposée aux perturbations du baccalauréat par des »grévistes » (de l’ordre des deux tiers) mais elle est aussi nettement moins compacte qu’il y a une quinzaine d’années (88% alors). Les »compréhensifs » ont presque triplé alors qu’il y a eu passage à l’acte accompagné de dramatisations….
L »’épopée » grandiloquente (allant jusqu’à la »sacralisation ») du baccalauréat est-elle vraiment encore de saison? On peut en douter. Redescendons sur terre! Ce sera sûrement mieux pour les uns et pour les autre. Des »devoirs de vacances » qui en valent bien d’autres…
]]>« Le baccalauréat : un des plus beaux rendez-vous républicains? » Fichtre, comme il y va notre sacré Blanquer!
Dans sa forme moderne, le baccalauréat a été créé par un Empereur, Napoléeon I. Il a été pérennisé lors des deux périodes royalistes suivantes ( »Restauration » et »Monarchie de Juillet ») suivie par un long « Second Empire » ( après le court intermède de la »Seconde république »)
Certes, Jules Ferry a tenté comme il l’a dit d' »arracher le baccalauréat aux misères, aux écueils et aux mensonges de la préparation mnémonique et mécanique » (le 31 mai 1880 devant le Conseil supérieur de l’Instruction publique).
Mais il ne semble pas que cela a été réussi sous les deux républiques qui ont succédé au »Second Empire », (la »Troisième » et la »Quatrième ») si l’on en juge par le rapport motivant le décret du 28 août 1959 relatif au baccalauréat: « Il est anormal que cet examen compromette les études dont il doit couronne le terme […]. Ces études qui devraient être uniquement orientées vers l’acquisition générale s’orientent de plus en plus vers le »bachotage » c’est à dire l’acquisition hâtive, superficielle et indigeste d’un savoir encyclopédique«
Y aurait-il eu sous la Cinquième République une transformation »du baccalauréat » au point qu’il serait devenu »républicain » (quid?), une »transfiguration » qui aurait échappé aux observateurs, même les plus avertis? On a plutôt assisté à l’assomption d’une »Sainte Trinité »: une »divinité » en trois »personnes » ( »le bac » en trois baccalauréats foncièrement différents: »généraux », technologiques, professionnels ») une mythologie à laquelle on est prié de croire.
La »croyance » en une mythologie (« républicaine »?), une »Sainte Trinité » ( »laïque »?) serait-elle devenue le fin du fin en cette fin de la cinquième République?
Toujours est-il que dans cette atmosphère (assez irrespirable) on ne devrait pas être autrement surpris d’entendre le ministre actuel de l’Education nationale emprunter le registre de la religiosité et de l’anathème: ‘‘c’est un sacrilège d’abîmer un des plus beaux rendez-vous républicains ». In fine un »crime de lèse-majesté » (surtout envers sa Majesté Jean-Michel Blanquer en proie à l’ébranlement de son »autorité » dans l’Education nationale…et dans l’opinion). La pompe hystérisée d’un pompier pyromane…
PS: dans » Le Parisien » du 11 juillet, Jean-Michel Blanquer persiste et signe: « il y a quelque chose de sacrilège dans ce qui a été accompli ». .Après avoir sur-joué le registre ultra-sécuritaire ( »les grévistes ont pris en otage les lycéens ») Jean-Michel Banquer emprunte avec insistance celui de la dévotion , de la religiosité, du sacré afin de s’imposer auprès de l’opinion publique ( qu’il sait être aux deux tiers défavorable aux perturbations du baccalauréat ). Il n’ a pas choisi la voie de l’apaisement en interne (de l’Education nationale) qui aurait été celle d’un vrai homme d’Etat, mais le biais de propos incendiaires ( à destination du grand public) pour que son image soit la moins écornée possible. Le politicien l’a emporté ( une fois de plus, diront certains; mais de façon ici fort révélatrice ) sur l’homme d’Etat qu’il devrait être pour avoir réellement quelque consistance.
]]>Ce serait rompre en effet avec ce qui a été doublement fondateur pour »l’école maternelle » et l »’école primaire ».
Une école primaire qui, selon les propres termes de Jules Ferry, se distingue de celle de »l’Ancien Régime » par tout ce qui n’est pas le »lire, écrire, compter »: « Pourquoi tous ces enseignements dits »accessoires » autour du »lire, écrire, compter »? Parce qu’ils sont à nos yeux la chose principale, parce qu’en eux réside la vertu éducative. Telle est la grande distinction , la grande ligne de séparation entre l’Ancien régime et le nouveau » (Jules Ferry au congrès pédagogique des instituteurs et institutrices de France du 19 avril 1881).
Et une école »maternelle » qui est certes une »école », mais avec des formes tout à fait spécifiques qui la distingue de »l’école primaire élémentaire » et a fortiori d’un élémentaire »très primaire », celui des »rudiments’‘ ( »lire, écrire, compter »).
L’arrêté du 28 juillet 1882 (écrit sous l’influence décisive de Pauline Kergomard) signe la naissance de « l’école maternelle » française (une quasi exception dans le paysage européen) : « l’école maternelle n’est pas une école au sens ordinaire du mot : elle forme le passage de la famille à l’école ; elle garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu’elle initie au travail et à la régularité de l’école […]. Tous les exercices de l’école maternelle doivent aider au développement des diverses facultés de l’enfant sans fatigue, sans contrainte ; ils sont destinés à lui faire aimer l’école et à lui donner de bonne heure le goût du travail, en ne lui imposant jamais un genre de travail incompatible avec la faiblesse et la mobilité du premier âge ».
Le décret du 18 janvier 1887 précise que « les écoles maternelles sont des établissements de première éducation ». Il s’agit bien d’éducation et non d’instruction.
Pauline Kergomard mènera durant trente ans une lutte incessante pour que l’école maternelle ne soit pas envahie par des programmes scolaires, mais soit le lieu où le jeu est reconnu comme étant l’activité la plus formatrice pour de jeunes enfants.
Si l’on juge par ce qu’en dit elle-même Pauline Kergomard, le bilan de cette orientation et de ces luttes persistantes n’a pas été pleinement satisfaisant, signe de difficultés récurrentes qui peuvent encore se poser aujourd’hui . « C’est là la grande faille de notre éducation maternelle : on y confond le développement intellectuel avec l’instruction ».
Eh bien, on n’en a pas fini avec cette confusion entre »développement intellectuel’‘ et »instruction » si l’on en juge par nombre des préconisations de Jean-Michel Blanquer. On risque même d’en finir avec l’école maternelle elle-même.
Quelques exemples (parmi bien d’autres possibles). Selon la circulaire, « il est attendu des enfants, à la fin de l’école maternelle, la capacité de discriminer des syllabes, des sons-voyelles et quelques sons-consonnes (hors des consonnes occlusives) comme p, b, t, d, k, g, voire m, n dans une moindre mesure, ces sons étant difficilement perceptibles. » Toujours selon la circulaire, »l‘enfant doit maîtriser la synchronisation du pointage des éléments de la collection avec la récitation des noms des nombres et apprendre à énumérer tous les éléments de la collection (pointer une et une seule fois, sans en oublier) ».
Dans le journal »La Croix » du 29 mai, Jean-Michel Blanquer explique ces textes réglementaires: « cette circulaire et les documents qui l’accompagnent détaillent ce que chaque élève doit acquérir pour mieux préparer encore l’entrée au CP. Pour enrichir leur vocabulaire et donc faciliter l’apprentissage de la lecture, il faut travailler sur les familles de mots, les synonymes, les antonymes. De même, les élèves doivent pouvoir lire l’écriture chiffrée jusqu’à dix, ordonner les nombres et dire combien il faut ajouter ou soustraire pour obtenir des quantités ne dépassant pas dix«
Une dernière question (et non des moindres): quelles sont les compétences du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer pour assurer le choix de telles préconisations?
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