L’Université, les STAPS, l’Education Physique et Sportive

Simplifier l’offre de formation: Est-ce vraiment un bonne idée?

Un argument fréquemment répété est que l’offre de formation de l’université est trop complexe, illisible. La ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche s’en est récemment émue. L’université propose 9.900 différents intitulés de licences ou de masters: comment les étudiants peuvent-ils s’y retrouver pour construire leur parcours de formation ? La solution est évidente : il faut simplifier, revenir à une offre de formation plus compacte, une centaine de Licences, pourquoi pas une dizaine, clairement identifiées par de grands domaines disciplinaires. Des enseignements enfin lisibles, une offre de formation rassurante, compréhensible pour les lycéens, leurs parents, et les employeurs. On ne peut a priori qu’être d’accord avec cette proposition, pleine de bon sens. Mais nous savons aussi que les solutions de bon sens ne sont pas nécessairement les meilleures, et la simplification de l’offre de formation est de mon point de vue l’archétype de la fausse bonne idée.

On peut rappeler les principes énoncés par William R. Ashby dans ce qu’il a appelé la Loi de la Variété Requise : pour qu’un système A puisse contrôler un système B, il faut que le premier possède une complexité au moins égale à celle du second. En d’autres termes on ne peut gérer un système complexe en faisant appel à des solutions simples, et certainement pas faire face à l’hétérogénéité des étudiants d’aujourd’hui avec une offre de formation simpliste. Un système tire son efficience et son adaptabilité de ses propriétés de redondance et de complexité : pour atteindre un objectif donné, un système complexe fournit toujours de multiples voies, des stratégies alternatives. Et pour faire face à l’hétérogénéité de son public, l’université aurait plutôt intérêt à multiplier les voies de réussite, à permettre des cheminements individualisés. Imposer à tous les étudiants, quel que soit leur baccalauréat d’origine, l’épreuve des amphithéâtres bondés est soit un rite initiatique, soit un bizutage déguisé. En tout  cas cela construit l’échec avec méthode et efficacité.

Alors l’université doit en effet proposer, en complément au LMD, une série d’entrées, d’échappatoires, et de passerelles diversifiées. Le DEUST par exemple permet à de nombreux étudiants de trouver un chemin de réussite à l’université, et pour beaucoup de revenir ensuite sur une Licence, qu’ils n’auraient jamais pu envisager d’emblée. Mais il est clair qu’une offre de formation diversifiée peut vite devenir une jungle, dans laquelle seuls les plus avertis pourront trouver leur voie. On en vient alors à évoquer le problème de l’orientation. On a souvent l’impression, tant dans les lycées qu’à l’université, que l’on a réglé le problème dès lors que l’on a mis à disposition des lycéens ou des étudiants quelques plaquettes d’information ou placardé quelques affiches. Cette conception de l’orientation est absolument dépassée et inutile. L’étudiant a avant tout besoin de dialogue ; il doit pouvoir rencontrer des personnes susceptibles de réaliser avec lui un bilan de ses acquis, de ses difficultés, de ses projets, et des possibilités offertes par l’université.

L’offre de formation universitaire est un dédale, mais ce dédale est nécessaire. Par contre l’orientation ne doit pas rester un service informatif optionnel, mais devenir un enseignement obligatoire, dès le lycée et tout au long des études universitaires. Le développement actuel, au sein de nombreuses formations universitaires, des enseignements de « Projet Personnel et Professionnel de l’Etudiant », ou celui du « Portefeuille d’Expériences et de Compétences », constituent des prémisses encourageantes. Il est aussi nécessaire de former, dans les centres d’information et d’orientation de l’enseignement secondaire, des personnels qui connaissent réellement l’université actuelle et peuvent ainsi éviter d’y projeter leur propre histoire et parfois leurs propres frustrations. Aujourd’hui encore, de nombreux conseillers d’orientation déconseillent aux lycéens la filière STAPS, trop difficile, exigeant un niveau sportif élevé, ne préparant qu’au métier de professeur d’EPS, et évidemment sans débouchés. Une telle méconnaissance du système est absolument stupéfiante. Que l’on retienne au moins ceci : ce n’est pas parce que le système d’information et d’orientation est incapable d’informer et d’orienter que l’offre de formation universitaire est trop complexe.

Commentaires (10)

  1. b JEBBOUR

    JE NE PARTAGE PAS VOTRE AVIS. QUAND VOUS DITE UN SYSTEME IL FAUT LE SITUER PAR RAPPORT A SON ECO-SYSTEME ET DONC SON ENVIRONNEMENT QUI LE MOINS QUE L’ON PUISSE DIRE EST A DEUX DIMENSIONS STABLE ET CHAOTIQUE. LA DIMENSION STABLE PEUT S’ACCORDER AVEC LES IDES DE SIMPLICITE SOMME TOUTE INTUITIVE ALORS QUE LA DIMENSION CHAOTIQUE PEUT S’ACCORDER AVEC LES DIEES DE COMPLEXITE AVANCES PAR PR ASCHBY. DANS CES CONDITIONS IL FAUT SIMPLIFIER TOUT EN RENDANT LE SYSTEME AUSSI FLUIDE AVEC DES MARGES DE MANOEUVRES DES ACTEURS DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE. CE QUI MILITE VERS LA RECHERCHE DE VOIES DE PASSERELLES DE ET VERS LE SYSTEME DE L’ESR, ET LA JE SUIS D’ACCORD.

  2. LAVEAUD Michel-Jean

    « Les territoires et les organisations à l’épreuve de l’hybridation » thème des 3émes Rencontres des territoires (TTT3)à la Cité des Territoires à Grenoble ( 28-29 mai 2012), la préparation des Schémas Régionaux d’Aménagement et de de Développement Durable du Territoire ( SRADDT 2030) et la disjonction d’avec les offres de formation qui structurellement méprise l’interdisciplinarité, plaide pour plus que des passerelles tant le besoin de métissages s’impose. Le Programme pluridisciplinaire LIDO de la MSH de Clermont-Ferrand dont les Journées  » Comment cartographier les récits documentaires et fictionnels? » http://calenda.org/226398?utm_source=lettre donne à penser et à valoriser des processus enracinés et mobiles qui brise la logique de l’évaluation par les seules publications ( hors-sols?). Le 13 et 14 décembre Journées CNRS Paris  » Bourdieu et le travail », à deux pas de  » La distinction »…

  3. Jeanne

    Bonjour,

    Cette propension à taper sur l’orientation, à clamer qu’il faut créer des services d’orientation, qu’il faut former les conseillers comme si rien n’existait, rien n’était fait est quand même incroyable ! Je travaille dans un SCUIO, je ne suis pas COP (je fais de l’information, un site internet, des chat’, des visioconférences, des outils d’aide à l’orientation (diploDATA), des séances d’information dans les filières…) mais je vois leur travail au long de l’année, je vois tout ce qu’elles connaissent, toutes les pistes qu’elles proposent aux étudiants qu’elles reçoivent. Ce n’est pas rien ! Certes, tout peut être amélioré; certes, il existe sûrement des personnels incompétents (comme partout, tous les enseignants ne sont pas fabuleux non plus, non ?) mais l’orientation est comme vous le dites un dialogue et parfois le lycéen ou l’étudiant n’est juste pas prêt à entendre certaines choses, aimerait qu’on lui offre une solution sur un plateau « Vous devez faire ça, c’est ce qu’il y a de mieux pour vous », ou qu’on lui dise « Mais oui, avec votre bac pro, vous allez réussir brillamment une PACES ». L’orientation n’est pas un processus qu’on pourrait appliquer à tous de la même façon, elle prend du temps, elle demande la maturation d’un projet et parfois les lycéens ont « besoin » de l’échec pour se poser les vraies questions et construire leur projet.
    C’est un processus impliquant que l’orientation, et certains ne sont pas prêts à s’impliquer parce que c’est aussi inquiétant cet avenir qu’on a l’impression de choisir une fois pour toute. Alors, ils préfèrent demander qu’on leur dise quoi faire, pour ensuite se dégager de toute responsabilité en assénant « J’ai été mal orienté ».
    Les professionnels de l’orientation ne sont pas tous à jeter et si d’autres que nous le pensaient, cela ferait du bien aussi (et n’hésitez pas à visiter des services d’information et d’orientation pour voir « en vrai » !)

  4. Olivier Ridoux

    Le discours tenu sur la lisibilité depuis une dizaine d’années est absolument hypocrite et revient le plus souvent à accuser son chien de la rage pour se donner le droit de le tuer.

    La lisibilité c’est employer un terme précis pour désigner une réalité précise. S’en tenir à 10 mentions de licence conduirait à des intitulés type Sciences sachant qu’aujourd’hui cela ne veut strictement rien dire. Si on voulait prendre au sérieux un tel intitulé on serait condamné à une énumération à la Jules Verne de toutes les sciences d’aujourd’hui. Excellent peut-être pour la culture générale, mais complètement inapproprié pour des étudiants qui ont un projet précis, complètement inapproprié pour des étudiants que rebutent certaines matières, ils les trouveront toujours en travers de leur chemin, et complètement inapproprié pour professionnaliser la licence.

    Au nom de la lisibilité on a fait le contraire, on a donné le même nom à des réalités très différentes. C’est juste le contraire de la lisibilité. J’en viens à me demander si nos censeurs d’habilitation pédagogique savent lire, car vouloir se limiter à 10 mots c’est quand même un aveu d’incompétence en la matière.

    Je crois qu’il faut laisser les établissements voire les composantes choisir leurs mentions, mais les obliger à les documenter sérieusement : objectif, contenu, flux, insertion professionnelle, poursuite d’étude, etc. Ça donnerait matière à lire, donc à lisibilité. La seule intervention extérieure qui me semble légitime est celle de groupements qui définissent une profession. Une formation de notaire doit évidemment s’appeler Formation de notaire, Une formation d’informatique doit évidemment s’appeler Formation d’informatique (tant qu’elle n’est pas trop spécialisée, mais pour la licence ça devrait suffire).

    Mais il y a pire que les mentions de diplôme, il y a les noms de domaine ! Par exemple, Sciences, technologie, Santé… C’est celui des formations dans lesquels j’enseigne l’informatique. Mais l’informatique a des rapports bien plus opérationnels avec le droit et la gestion qu’avec la santé. Résultat, une formation d’informatique dans le domaine STS pourra contenir un peu de droit et de gestion (ni Sciences, ni Technologie, ni Santé), mais quasiment jamais de santé. Où est la lisibilité ?

  5. Patrick

    La complexité est un faux débat. Les Etats-Unis, par exemple mais ce n’est pas le seul pays, ont un système beaucoup plus complexe. Et on ne peut pas dire qu’ils ont de mauvaises universités. Les étudiants là-bas sont libres de composer leur cursus. Ils sont conseillés par les enseignants en fonction de leur projet professionnel, et la seule contrainte est dictée par les « prérequis ». Pour suivre le cours XY, il faut avoir suivi le cours XX. Et c’est tout. Il y a une foultitude de cours proposés. Si un cours a suffisament d’étudiants, il ouvre. Sinon, il ferme.
    Les étudiants s’y retrouvent ? Oui, bien sûr. Parce-que depuis la maternelle, on leur apprend à être autonome, entreprenant, créatif, responsable. Le bac ? Ils choisissent leurs matières. Mais ils savent que s’ils se construisent un bac trop facile, ils ne pourront pas rentrer dans l’université de leur choix. Ils prennent leurs responsabilités. Le travail n’est pas « pré-maché ».
    Le problème n’est pas la complexité, mais la rigidité. Si un étudiant veut choisir des cours d’informatique, de mathématiques et de biologie pour pouvoir travailler dans les biotechnologies, il ne peut pas. Car ce sont 3 parcours de licence séparés complètement étanches. Comme un étudiant doit s’inscrire dans un parcours prédéterminé à l’avance par l’université, on multiplie les parcours et les options.
    Si on veut vraiment faire avancer les choses, il faut repenser complètement les études: les étudiants choisissent leurs cours, avec une majeure et une mineure. La majeure donne la coloration du diplome.

  6. Didier Delignières

    Jeanne,

    Désolé d’avoir donné l’impression de « taper » sur l’orientation. L’idée que je souhaitais développer était que l’orientation devait sans doute prendre une place plus prioritaire, et considérée comme un enseignement à part entière. Nous tentons de faire cela à l’université.

  7. Didier Delignières

    Patrick

    Deux points en réponse:

    1. Je pense que les enseignants des universités sont mieux à même que les étudiants pour construire la cohérence des parcours de formation. C’est peut-être un manque de confiance envers les étudiants, je le reconnais.

    2. D’accord pour miser sur l’autonomie des étudiants face à la complexité. Encore faut-il leur donner les moyens de cette autonomie, c’est-à-dire leur donner les moyens de décrypter la complexité. C’est aussi un problème d’égalité des chances.

  8. Jeanne

    Sans doute, sous les nombreux « coups » reçus, suis-je plus à fleur de peau sur le sujet…
    J’ai participé cette année au semestre Rebond proposé pour les étudiants de PACES éliminés en janvier dans un module Projet Professionnel de l’Etudiant et ce fut effectivement une grande réussite (pour ceux qui sont allés jusqu’au bout) et je pense en effet que l’intégration de tels modules dans les cursus est indispensable aux étudiants.

  9. Patrick

    @Didier: c’est depuis la maternelle qu’il faut responsabiliser les jeunes. De même quil faut responsabiliser les parents en leur donnant la possibilité de choisir l’école de leurs enfants.
    Si on laisse un enfant dans un trotteur, il n’apprendra jamais à marcher.
    A moins que de penser que les jeunes sont plus intelligents ailleurs, il n’y a aucune raison pour que ça ne marche pas aussi en France.

  10. apprendre l'informatique

    J’ai essayer de trouver une formation pour mieux apprendre l’informatique. trop cher. les écoles supérieur profite du besoin de marché. et les prix augmente de plus en plus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *