Tout le monde sait que depuis la réforme dite de « mastérisation », les enseignants nouvellement nommés arrivent dans les établissements scolaires en n’ayant jamais vu un élève, en n’ayant aucune idée du métier d’enseignant. C’est du moins ce que racontent à l’envi les media.
Les enseignants qui travaillent à la formation des enseignants dans les UFR STAPS ont l’impression de vivre sur une autre planète. Dans un UFR STAPS, les étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement optent pour la Licence Education et Motricité, une des cinq spécialités de Licence définies au niveau national et inscrites au RNCP. Souvent ils peuvent choisir cette spécialité dès la seconde année de Licence et dès lors ils bénéficient à chaque semestre d’un stage en établissement scolaire, tout d’abord en position d’observateur, puis en responsabilité. C’est dire que lorsqu’ils décrochent le concours, au terme de leur master, et intègrent leur premier établissement scolaire, ils savent ce qu’est un élève et la gestion d’une classe. Bien sûr, ils demeurent des enseignants débutants qui devront aguerrir leurs pratiques et leurs modes d’intervention. Mais après quatre années de fréquentation régulière des établissements scolaires, on a du mal à les voir comme ces débutants naïfs et sans expérience décrits avec tant de complaisance par les media.
Une autre spécificité des STAPS est que la séparation si souvent évoquée entre connaissances disciplinaires et formation professionnelle est beaucoup moins évidente. Lorsque les étudiants pratiquent des activités sportives, c’est moins pour s’entraîner eux-mêmes que pour réfléchir sur les modalités de leur enseignement. Les enseignements scientifiques visent le plus souvent à leur permettre d’analyser le comportement des élèves, leurs difficultés d’apprentissage, leurs motivations, leurs différences.
Il faut se rappeler qu’à l’origine la formation des enseignants était la seule finalité des UFR STAPS (on parlait d’ailleurs à l’époque des UER EPS). Depuis l’offre de formation s’est diversifiée, par exemple vers les métiers de la réhabilitation, de l’entraînement et du coaching, du management ou de l’ergonomie. Les métiers de l’enseignement ne concernent maintenant qu’une minorité d’étudiants de Licence. Cependant les UFR STAPS ont souvent conservé de leur histoire une sensibilité particulière pour la formation des enseignants, et maintenu les compétences nécessaires pour l’assurer.
Si la formation des enseignants en EPS peut être considérée comme particulièrement performante, cette exemplarité renvoie à certaines spécificités, liées tant à la nature de la discipline qu’à l’histoire des institutions, et il n’est pas évident que les autres disciplines scolaires puissent s’en inspirer. Il n’est pas de tradition par exemple dans les UFR de Sciences Economiques ou de Mathématiques de proposer des Licences « Enseignement ». Cependant si comme le Ministre de l’Education Nationale l’a récemment évoqué, près de 50% des étudiants de master auront dans les années à venir à satisfaire les besoins du pays dans le domaine de l’enseignement, investir dès la Licence dans des formations orientées dans ce sens apparaît comme adaptation raisonnable au marché de l’emploi.