L’Université, les STAPS, l’Education Physique et Sportive

Enseigner l’Education Physique et Sportive : Une histoire de mecs

La féminisation du corps enseignant est un phénomène dont il devient de bon ton de s’inquiéter. Avec 93% d’enseignantes à l’Ecole maternelle, 78% dans le primaire, et 57% dans le secondaire, il est clair que l’enseignement devient massivement une affaire de femmes. D’aucuns y voient une conséquence de la dévalorisation du métier d’enseignant. D’autres s’inquiètent de la perte d’autorité, ou du déficit de modèles masculins dans la communauté éducative.

L’Education Physique et Sportive, décidément toujours à part, marque encore ici sa différence. Les femmes ne représentent en effet que 45% des professeurs d’Education Physique et Sportive. Et cette proportion ne risque pas de s’accroître : lors du concours 2012, les femmes ne représentaient que 35% des candidats, et in fine 37% des admis. Là où les uns s’inquiètent d’une féminisation excessive, c’est au contraire la masculinisation du corps enseignant qui interroge en d’Education Physique et Sportive.

Il faut savoir que le CAPEPS s’est longtemps présenté sous forme de deux concours distincts, l’un pour les hommes et l’autre pour les femmes. Dans une école où le démixage en cours d’Education Physique et Sportive a longtemps été la norme, ce recrutement par quota était conçu comme logique. Afin de satisfaire au principe d’égalité d’accès à la fonction publique, un concours unique de recrutement des professeurs d’Education Physique et Sportive a cependant été instauré à partir de 1989. On s’est évidemment demandé à l’époque si ce concours allait déboucher sur une évolution de l’équilibre des sexes chez les enseignants. La réponse est maintenant claire.

La tendance ne risque pas de s’inverser dans l’immédiat. Le concours du CAPEPS puise essentiellement dans le vivier des étudiants des UFR STAPS. Or ce vivier est essentiellement masculin : sur près de 600 étudiants entrés cette année en première année à l’UFR de Montpellier, 125 seulement sont des filles, soit 21%. Et dans le master « Enseignement » dont j’ai la charge, les étudiantes ne représentent là encore que 20% de l’effectif. Les chiffres recueillis au niveau national sont du même registre.

Et alors ? On peut penser que ceci va permettre de compenser un peu la féminisation dont on parlait plus haut, de réintroduire un peu de modèles masculins dans le corps professoral… Le problème, c’est que le sexe du professeur ne bouleverse pas outre mesure l’enseignement des mathématiques ou de la physique, il en va tout autre lorsque l’on s’adresse au corps de l’élève et à ses pratiques physiques. Les activités physiques, sportives et artistiques sont sexuellement marquées, porteuses de valeurs, soit masculines, soit féminines. Les Programmes tentent de tenir compte de cet état de fait, en introduisant dans les activités enseignées un quota minimal de pratiques considérées comme féminines. Mais on ne décrète pas les attitudes et les représentations des enseignants vis-à-vis des pratiques qu’ils enseignent. Dans les faits, la masculinisationdes enseignants d’Education Physique et Sportive débouche sur un enseignement majoritaire d’activités masculines.

Comment s’étonner dès lors que les filles présentent de manière récurrente des résultats inférieurs de plus d’un point au baccalauréat dans les épreuves d’Education Physique et Sportive ? L’Education Physique et Sportive semble totalement fermée au corps féminin. Pourtant il semble que ce soit là que les besoins soient les plus manifestes. La pratique sportive, en dehors de l’Ecole, est surtout une affaire de garçons. Ce sont les filles qu’il convient en priorité d’inciter à la pratique. Mais que peut comprendre un enseignant, porteur de valeurs masculines dans l’approche de la pratique sportive, au désintérêt des filles ? C’est là le danger de la masculinisation des enseignants d’EPS : passer à côté des aspirations, des motivations des filles, et ne pas leur permettre d’accéder à des pratiques pourtant essentielles à leur équilibre et leur qualité de vie.

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