Le Groupe Reconstruire la Formation des Enseignants (GRFDE) milite pour un modèle basé sur un prérecrutement en licence, laissant ensuite aux universités la charge de former professionnellement les futurs enseignants durant les deux années de master (http://grfde.eklablog.com/). Ce groupe a tenté de chiffrer cette proposition, et leur étude démontre que cette solution se révélerait beaucoup moins onéreuse que les modèles envisagés actuellement (concours en M1 ou concours en M2). Il semble que le ministère se refuse cependant à envisager cette éventualité, restant crispé sur l’hypothèse d’un concours situé en première année de Master.
Le prérecrutement en Licence apparaît pourtant comme la solution la plus logique vis-à-vis des objectifs de la mastérisation (voir à ce sujet mon post précédent). Elever le niveau de formation au niveau Master ne devait pas déboucher sur un simple étalement de la préparation au concours sur deux ans, mais permettre la mise en place, à l’université, d’une véritable formation professionnelle des futurs enseignants. Or il est clair que la seule chose qui empêche l’université d’assurer cette formation professionnelle, c’est le fait que les masters soient pollués par la préparation aux concours. Isoler le master du concours par un prérecrutement en Licence apparaît dès lors comme la solution la plus rationnelle.
Pourquoi alors s’orienter vers des dispositifs voués à l’échec ? Il est évident que l’Education Nationale tient à garder la main sur un concours, situé le plus près possible de la prise de fonction des enseignants, et supposé porter sur l’appréciation des compétences professionnelles. Position paradoxale quand par ailleurs la nature même des concours interdit l’acquisition préalable des dites compétences professionnelles.
Il y a aussi l’idée que la qualité du recrutement ne serait liée qu’au ratio postes/candidats caractérisant le concours. Les Inspections Générales restent formatées par rapport à un « âge d’or » où il y avait dix candidats pour un poste. L’idée générale n’est pas de former des enseignants, mais de faire confiance à un effet de masse pour sélectionner les candidats méritant de rentrer dans la profession.
On peut ajouter à cela qu’un certain nombre d’acteurs restent visiblement attachés à ces grands-messes des concours, avec leur dramaturgie si particulière. Supprimer ces concours dans leur forme traditionnelle, c’est supprimer un rite initiatique, ses grands maîtres et son clergé, une perspective aussi inacceptable que voici quelques années la suppression du Service National.
Je ne milite pas pour la suppression des concours de recrutement pour les enseignants. Il est essentiel de protéger cette fonction par un statut national. Mais je pense qu’il faut laisser à l’université la possibilité de former les enseignants dont le pays a besoin. Les débats actuels montrent avant tout à ce niveau une défiance totale de l’Education Nationale envers l’université.
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