L’Université, notamment dans le cadre de la gestion des premières années d’études supérieures, est confrontée à un ensemble d’exigences particulièrement contradictoires.
La première est souvent rappelée, comme balise incontournable : tous les bacheliers doivent pouvoir être accueillis dans la formation supérieure de leur choix. Principe généreux, inscrit dans la Loi, et dont le système universitaire français peut être fier.
La seconde nous ramène à un quotidien plus pragmatique : les composantes universitaires doivent fonctionner à budget constant. C’est-à-dire que le budget d’une UFR ou sa dotation en postes, ne sont pas liés au nombre d’étudiants qu’il accueille. Il faut faire avec les moyens que l’on a. Principe de réalité.
Une troisième contrainte fixe d’ambitieux objectifs au système universitaire : il convient d’assurer la réussite du plus grand nombre en première année de Licence, pour à terme amener 50% d’une classe d’âge au niveau Licence. Principe nécessaire, qui rappelle à trente années d’écart les objectifs fixés par Alain Savary à l’enseignement secondaire.
Il ne faut cependant pas être grand clerc pour comprendre que ces exigences ne pourront être satisfaites de manière simultanée. L’un est systématiquement au détriment des deux autres. Ou bien les universités partent à la recherche d’un impossible compromis, ou bien il va falloir essayer de penser le problème autrement…
Ce qui nous mène évidemment au problème de la limitation des capacités d’accueil, qui a agité cette année un nombre grandissant d’universités. Evidemment, cette disposition entre logiquement en conflit avec le principe d’accès de tous à l’université. Certains peuvent être tentés par une sélection des étudiants sur dossier. Les UFR STAPS ont connu voici plus de vingt ans un processus d’admission sur concours. Il s’agissait à l’époque de sélectionner les étudiants en termes de capacités physiques. L’objectif à l’heure actuelle serait plutôt de privilégier les baccalauréats scientifiques, et on peut le comprendre lorsque l’on analyse les taux de réussite en fonction des filières de baccalauréat. Cette tentation doit être résolument écartée, si l’on veut préserver la mixité sociale, la démocratisation du savoir et des compétences. A bien y réfléchir, le tirage au sort, qui a été abondamment critiqué dans les média, reste cependant la moins mauvaise solution. Reste à en faire l’usage le moins bête possible…
Comment déterminer sa capacité d’accueil ? La capacité maximale de l’amphithéâtre local, comme je l’ai entendu ça et là ? On n’ose y penser. Des problèmes budgétaires ? Allez expliquer à une famille qui paie ses impôts que l’université n’a pas assez d’argent ou pas assez d’enseignants pour accueillir ses enfants. Même si c’est vrai… La sécurité ? Plus sérieux et réel. Les pratiques sportives, dans les UFR STAPS, peuvent en effet devenir dangereuses avec des groupes pléthoriques. Certains travaux pratiques scientifiques peuvent poser des problèmes similaires. On peut citer aussi l’exemple des promotions entières qui doivent traverser la ville pour aller d’un site à l’autre au hasard d’un emploi du temps acrobatique.
On ne demande pas la limitation de sa capacité d’accueil par plaisir, mais parce qu’au-delà d’un certain effectif, on se rend compte que l’on ne peut plus réaliser les missions qui nous ont été confiées, et que l’on met en péril la sécurité et l’avenir des étudiants. Pas évident cependant de fixer la limite. La ligne rouge est sans doute de ne plus offrir de places à des étudiants de son académie ayant placé votre formation en premier choix. Ce dernier critère doit de toutes manière être pris en compte : que les lycéens qui ont choisi une filière en premier choix dans l’université de leur académie ne soient pas soumis à un tirage au sort aveugle.
Autrement comment gérer ces promotions pléthoriques ? La tentation pourrait exister de traiter le sureffectif par l’échec. On accueille 1000 étudiants en première année, on reporte aux années suivantes les enseignements coûteux (travaux pratiques), on gère la masse à coup de cours magistraux et d’évaluations sévères, et par un mélange d’abandons, d’échecs ou de réorientations, on se retrouve avec 200 étudiants en seconde année. Il faut avoir peu de considération pour l’université, pour ses missions de service public, et pour les étudiants qui nous font confiance pour envisager les choses de cette manière. Mais je ne suis pas sûr que ce qui précède relève de la science-fiction.
Il est vrai que de nombreux étudiants ne sont pas à leur place sur les travées des amphithéâtres. Le problème, c’est que l’on s’en rend compte trop tard, ou que l’on n’ose pas leur dire les yeux dans les yeux, et que lorsqu’ils s’en sont enfin rendus compte ils ont perdu quelques années et leurs familles se sont saignées pour pas grand-chose.
Tout ceci appelle évidemment à développer l’orientation, afin que les lycéens évitent les choix par défaut, les options mal éclairées, et les impasses programmées. Lorsque l’on parle d’orientation active, on pense évidemment à cette démarche actuellement proposée aux lycéens, qui le plus souvent ne permet qu’à des candidats déjà bien informés et motivés de confirmer leurs projets. Il faut sans doute penser autrement cette démarche. L’université a de belles économies à faire en investissant dans l’orientation de ses futurs étudiants.
Enfin on ne peut envisager une réduction de ses capacités d’accueil sans l’exigence morale d’un accroissement des taux de réussite. Limiter ses effectifs, c’est interdire à certains de profiter des formations dispensées. Qu’au moins une majorité de ceux qui ont été admis puisse en tirer profit.
« La tentation pourrait exister de traiter le sureffectif par l’échec. On accueille 1000 étudiants en première année, on reporte aux années suivantes les enseignements coûteux (travaux pratiques), on gère la masse à coup de cours magistraux et d’évaluations sévères, et par un mélange d’abandons, d’échecs ou de réorientations, on se retrouve avec 200 étudiants en seconde année. »
À l’époque où je suis arrivé au Cnam pour en diriger le Centre de calcul, et où je m’étonnai que le cours d’analyse-programmation soit au premier semestre, et les TP au second semestre, il me fut répondu que sans les abandons du premier semestre, il n’y aurait pas assez de place en salles de TP. C’était en 1988. Non, ce n’est pas de la science fiction.
Excellent état des lieux du problème posé et de certaines solutions mises en oeuvre, toutes plus ou moins insatisfaisantes. Le bilan de l’orientation active est à faire : quelle est la propotion de bacheliers à qui il a été déconseillé de poursuivre des études en licence universitaire s’y inscrivent quand même et vont échouer ? Personne ne sait.
J’en suis arrivé pour ma part à l’orientation sélective : tout bachelier a droit à poursuivre des études supérieures, mais pas forcément immédiatement. Ne poursuivre dans le supérieur qu’au moment où on a les atouts pour réussir. Un passage par le service civique serait certainement bénéfique pour réussir dans le SUP
52 chroniques du blog « Histoires d’universités » sur la sélection à l’entrrée du SUP : http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/selection/
Bonsoir,
Que dire des élèves choisissant des classes à option EPS a priori voués à s’orienter en STAPS ?
Leur projet est le fruit d’une certaine réflexion et tout au moins le résultat d’un engagement bien entamé. Le tirage au sort remet tout simplement en cause ce choix de classe.
D’autres filières universitaires ont elles ses formes de « propédeutiques » ?
D’une manière générale les élèves suivant l’option EPS choisissent l’UFR STAPS en premier voeu. Ils trouvent donc une place sans problème. C’est plus compliqué s’ils veulent changer d’académie
L »analyse est jolie mais ne tient compte que des limitations de l’université dans la réussite des étudiants. A mon sens une grande partie des échecs des étudiants est due à leur changement de mode de vie. L’université française n’est pas chère, mais se loger, se nourrir, se soigner, … a un coût pour l’étudiant qui, s’il ne reste pas chez ses parents, nécessite souvent un travail en parrallèle à ses études. Du coup les études ne sont plus à plein temps et le décrochage est souvent inévitable. Je pense qu’une façon de réduire l’échec des étudiants serait d’adapter leur contrat pédagogique à leurs contraintes. Si l’étudiant doit travailler, les études seraient plus longues sur le papier, mais avec plus de chances de réussite, il y aurait moins de redoublements et dans les faits elles seraient en moyenne moins longues.
Désolé, mais sur toulouse le tirage au sort a laissé sur le carreau des lycéens « option EPS ». La demande en 1er choix étant supérieure à la limite de capacité d’accueil.
la réforme du LMD prévoit la conservation des notes sur plusieurs années. Une des stratégies est donc d’étaler les études..Une autre reste celle de ne pas assister au cours, de contacter l’enseignant et lui expliquer cette impossibilité, liée à un contrat de travail, de lui demander comment passer l’examen, éventuellement en session 2 orale, ou de préparer cette matière en année suivante….la plupart du temps,un étudiant ajourné de L1 ou L2 qui a obtenu au moins un des deux semestres de l’année considérée peut être autorisé à suivre des UE de l’année supérieure sur proposition du responsable de mention de licence. Il a également la possibilité d’effectuer un stage pendant le semestre déjà acquis si le stage est en relation avec le cursus ou le projet d’études.
Certaines université ont mis en place la notion de « mobilité réduite »:pas d’obligation d’assiduité aux épreuves de contrôle continu ; seules les épreuves terminales de 1ère et 2ème sessions sont accessibles…