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Masters Enseignement : Les reçus-collés, suite…

Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet (http://blog.educpros.fr/didier-delignieres/2013/02/16/masters-enseignement-quid-des-recus-colles/), mais la mise en place concrète des nouvelles maquettes des ESPE rend cette actualité brûlante pour les étudiants.

Le master enseignement a été construit pour préparer les étudiants au concours en M1, et pour les former au métier en M2. Et on peut ajouter: pour que l’ensemble les mène à un niveau Master, en termes de formation à et par la recherche. Cet aspect a été le plus souvent repoussé en M2, la préparation au concours occupant logiquement de manière exhaustive l’année de M1.

Cette organisation entraîne une grande différence de philosophie entre les deux années. Le M1 prépare des candidats au concours, et le M2 forme des enseignants. Et malgré ce que l’on peut en dire ça et là (l’idée par exemple que la préparation au concours pourrait être considérée comme un formation professionnalisante), ce n’est absolument pas la même chose. Les étudiants sont à ce niveau clairs : c’est l’année de M2 en alternance qui leur fait réellement découvrir le métier d’enseignant, les stages en observation de Licence ou de M1 restent souvent un mise en situation purement formelle.

L’air du temps est à l’abandon de la sélection à l’entrée en M2 (suite notamment à la décision du tribunal administratif de Bordeaux), et le ministère propose d’accueillir en M2 les reçus-collés, en leur proposant un « parcours adapté ». Il est en effet clair que si un reçu-collé est admis en M2 et qu’il en suit strictement le programme, il a peu de chance d’être compétitif sur le concours par rapport aux étudiants inscrits en M1.

Mais si un reçu-collé est admis dans un parcours « préparation au concours » en M2, autant dire qu’il redouble le M1. Donc les objectifs de formation des enseignants et de mastérisation passent à la trappe, et nous allons être amenés à attribuer le master enseignement à des étudiants qui n’en auront évidemment pas le niveau.

Pour le moment la solution d’une l’année de césure (DU ou préparation au concours) me semble la plus raisonnable. Les étudiants commencent d’ailleurs à réagir face aux solutions qui leur sont proposées. Une pétition a été lancée pour que les reçus-collés ne soient pas obligés de suivre un « M2 alternance de substitution » qui les mènerait de manière inéluctable à l’échec au concours. Les étudiants plébiscitent logiquement l’organisation d’une préparation au concours non diplômante qui leur permettrait de suivre à nouveau une partie des enseignements du M1.

Que deviendront les titulaires du M2 après deux échecs au concours? Des éducateurs précaires? Des frustrés de l’université? Une page Facebook exprime le désarroi des étudiants qui ont obtenu le Master 2 sans pour autant réussir le concours. Je cite l’auteur: « Aujourd’hui j’aimerais faire valoir ce niveau d’études bac +5 sur le marché du travail mais il semblerait que cela n’ait aucune valeur sans le concours… »

Commentaires (4)

  1. dgb

    DD découvre la lune ?
    Ou, mieux, la fait découvrir aux aveugles, ce qui peut être d’une certaine utilité.
    Tout cela était parfaitement prévisible. Les réponses de la Degesip il y a 2 ans (J M Jollion, D Filâtre) ont été quasi mystiques (l’avenir [sive deus] y pourvoirait).
    L’obstacle n’est pas du côté de la « sél » (sic) mais du concours : un concours externe à l’U, organisé par l’Educ nat, peut-il décider d’un passage en M2 ? Espérons qu’il n’y aura pas trop de non-diplômés-reçus.
    Une solution serait soit un concours à l’entrée en master (et donc ÉSPÉ, ce que préconisaient feu André Ouzoulias et ses amis), soit la suppression des concours (comme dans la plupart des pays occidentaux) ou leur modification (les enseignants chercheurs sont recrutés en France par des concours sur dossiers et entretien)

    DD voit les choses ÉSPÉ à la mode IUFM d’avant la masterisation. Réalisme sans doute, à confronter toutefois à la réalité des épreuves écrites et orales des concours annoncées comme « pro » (par Vincent Peillon, l’européen) et garantissant la continuité M1-M2. Une pointe d’adhésion à cette rupture M1 (académique, UFR)/M2 (pro, ÉSPÉ quasi CPR) ? Il oublie au passage le sort des collés au concours dans le système ancien, voire celui des diplômés de l’U. Et m’envisage aucune autre solution que le DU (académique, UFR ?).

    À suivre

    dgb

  2. Didier Delignières (Auteur de l'article)

    « DD voit les choses ÉSPÉ à la mode IUFM d’avant la masterisation. « : Je vois les choses comme le ministère les a construite. Considérer le master comme un cycle complet (cf le TA de Bordeaux) et mais placer un concours de recrutement durant la première année, c’est assez fort. Je me suis battu avec André Ouzoulias et le GRFDE pour que le concours soit placé en fin de L3.
    Je vois aussi les choses comme quelqu’un qui a les mains dans le cambouis et qui essaie de faire le moins de dégâts possibles avec les étudiants dont il a la charge.

  3. Pedro Cordoba

    Bonjour,

    Je viens de mettre en ligne sur mon propre blog un article sur le sujet, à propos du rapport de la mission parlementaire sur les ESPE :
    http://pedrocordoba.blog.lemonde.fr/2014/07/13/les-senateurs-bluffes-par-les-espe/
    La situation actuelle correspond à ce que j’annonçais déjà l’an dernier :
    http://pedrocordoba.blog.lemonde.fr/2013/05/20/limbroglio-des-espe-chronique-dun-desastre-annonce/

    Tout cela n’est pas nouveau. Dès mai 2008, j’avais mis en garde contre la situation des « reçus-collés » au cours d’une réunion organisée par des membres démissionnaires du jury de CAPES de Lettres modernes (je n’en suis pas particulièrement fier mais c’est donc moi qui ai inventé cette expression à propos des concours d’enseignement). Peu après le ministère me demanda un rapport sur la question. J’y indiquais par avance tout ce qui se passerait par la suite, y compris ce que vient de découvrir la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin : les étudiants qui échouent volontairement au M1 pour pouvoir représenter le concours. Évidemment, le ministère rangea ce rapport dans une armoire sans en tenir aucun compte. Ils ne voulaient qu’une chose récupérer 2/3 d’ETC sur le dos des stagiaires. Mais qu’un gouvernement de gauche cède à la CDIUFM et maintienne la mastérisation dans le cadre des ESPE (en l’aggravant) est incompréhensible

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