Bien sûr. Compassion pour les victimes, révolte contre la barbarie. C’est la jeunesse que l’on a fauchée. C’est l’insouciance, la culture, la convivialité, une certaine image du bonheur que l’on a crucifiées.
On peut comprendre les sentiments qui émergent. L’horreur, l’effroi, et bientôt l’envie de vengeance. Le pays entre en guerre contre un ennemi diffus, insaisissable. Comme l’ont fait en leur temps les Etats Unis contre l’Irak, avec les conséquences que l’on sait. Il s’agit d’une réaction logique, attendue même, espérée sans doute d’une large frange de l’électorat. Et avec les échéances qui s’annoncent, il s’agit de sirènes qu’on écoutera volontiers.
Répondre à l’agression, si barbare soit-elle, par l’écrasement. Appliquer la Loi du Talion envers des groupes a qui l’on reproche principalement de vouloir l’imposer. C’est paradoxal, mais avant tout réactif et animal. Les politiques apprennent peu du passé, et pourtant les exemples d’enlisement se sont tant multipliés ces dernières décennies qu’on pourrait s’attendre à quelque retenue avant de déclencher l’apocalypse.
L’Histoire avance au rythme des dominations, et de l’humiliation de ceux qui les subissent. Humiliation des hommes, des peuples, des continents même. Qu’est-ce qui peut inciter un kamikaze à se faire exploser, seul sur un trottoir aux portes du Stade de France, si ce n’est un désespoir absolu et une humiliation trop longtemps contenue ? Et la violence de la révolte des humiliés est proportionnelle à la technologie que les dominateurs ont malencontreusement mise à leur disposition…
Ajoutons à tout cela que le monde est devenu trop complexe pour se plier à des grilles de lecture binaires : les seigneurs et les serfs, les bons et les méchants, le Nord et le Sud, l’Occident et le reste du monde. Les dominations sont multiples, interpénétrées, parfois étonnamment récursives. Il n’y a pas de solution simple face à cette complexité.
Venons-en à l’université. Sans être celui du monastère, le temps de l’université n’est pas celui des politiques. Tout en étant ancrée dans les réalités économiques du monde, l’université est un lieu où la prise de recul est une discipline essentielle. L’université doit former les citoyens qui inventeront le futur. C’est dire qu’elle doit avant tout enseigner la complexité. Enseigner que tout est infiniment intriqué, que des actions ponctuelles et locales peuvent générer des catastrophes planétaires, militaires, économiques ou climatiques.
Trop souvent nos enseignements se limitent au factuel, à des connaissances locales issues de travaux de recherche cloisonnés. Mais l’accumulation de savoirs spécialisés ne permet pas de penser la complexité du monde. Si l’université se pose de plus en plus le problème de la formation professionnelle, elle ne doit pas oublier qu’elle a aussi à former des citoyens. L’enseignement secondaire a clairement pris en compte cette exigence, en envisageant des enseignements visant à la mise en système des connaissances disciplinaires dans des situations reproduisant la complexité de la vie réelle. Nos étudiants ont vocation à prendre des responsabilités dans l’administration, l’enseignement, les services ou l’économie. C’est dire la nécessité pour l’université de poursuivre inlassablement cette formation dialogique à la pensée complexe. A l’heure où l’on se pose le problème d’une approche par compétences à l’université, celle-ci me paraît essentielle.
Bon texte cher cousin français.
Bon courage à votre grande nation.
Sincèrement du Québec.
Yvan
Tout ce que vous écrivez est plein de bon sens et doit être mis en oeuvre ; mais cela s’applique sur le long terme. En revanche à court et moyen terme cela ne fournit pas une stratégie d’action, non pas bien évidement dans le domaine policier ou judiciaire , mais dans la lutte des idées. Comment pensez le phénomène de l’islamisme du point de vue politique et idéologique et quel discours tenir à tous les niveaux. Attention au sanglot de l’homme blanc !
Cela dit je pense qu’une approche efficace serait de soutenir activement la lutte des femmes musulmanes contre l’oppression dont elle sont l’objet et que la « culture » ne peut en rien justifier.
Penser la complexité du monde oui. Apprendre l’écoute, la coopération, la tolérance, plus que jamais, telles sont les missions de l’université. A court terme, répondre fermement aussi : nos dirigeants par les frappes, nous en terrasse et dans les amphis. Pour le temps long, vu de mon université francilienne qui porte un peu d’ascension sociale et d’espoir, nous travaillons contre tous les obscurantismes.