L’Université, les STAPS, l’Education Physique et Sportive

La compensation : retour sur de vieilles discussions

Alors que la question de la compensation est reposée sur la table, je ne résiste pas à l’envie de partager cet extrait du procès-verbal de la séance du 30 janvier 2012 du Conseil de Gestion de l’UFR STAPS de Montpellier. Le cadre institutionnel a un peu vieilli, mais globalement le raisonnement a conservé sa pertinence.

« Propositions d’aménagement des procédures d’évaluation de connaissances et des compétences de la Licence STAPS

L’arrêté du 11 Aout 2011 a édicté les nouvelles règles concernant les modalités d’obtention de la Licence. L’article 15 propose deux voies d’obtention des diplômes : « Le diplôme s’obtient soit par acquisition de chaque unité d’enseignement constitutive du parcours correspondant, soit par application des modalités de compensation telles que décrites à l’article 16. Un diplôme obtenu par l’une ou l’autre voie confère la totalité des crédits prévus pour le diplôme. »

La voie de la compensation semble évidemment offrir plus de chances à l’étudiant d’obtenir son diplôme : il peut compenser ses points faibles par ses points forts, et distribuer stratégiquement ses efforts sur les différents enseignements du programme. D’un autre côté, le système de compensation peut virtuellement amener à des cas de figures difficilement défendables, et notamment de diplômes obtenus sans que des UE jugées indispensables ne soit indépendamment acquises (mémoires, TP, etc.).

L’arrêté du 11 Aout 2011 évoque aussi de manière répétée la nécessité de travailler selon une pédagogie des compétences. L’article 3 précise que « des référentiels de compétences sont définis pour une discipline ou un ensemble de disciplines » et l’article 6 précise la nature de ces compétences : disciplinaires, linguistiques, transversales ou génériques, ou préprofessionnelles. Cette organisation des enseignements sous forme de compétences est consistante avec l’effort d’écriture des fiches RNCP, qui permettent l’affichage des diplômes auprès des employeurs et leur reconnaissance.

Cet accent mis sur les compétences ne nous paraît guère compatible avec le principe de compensation. Dans un diplôme construit dans cette optique, chaque UE cible une compétence particulière, regroupe des enseignements convergeant vers son élaboration. L’obtention du diplôme n’a de sens que si chaque compétence est maîtrisée. On peut difficilement accepter le principe que la maîtrise à haut niveau d’une compétence puisse compenser l’absence d’une autre compétence. On peut ici évoquer les termes dans lesquels le Code de l’Education évoque la nécessaire maîtrise du Socle Commun à la fin de la scolarité obligatoire : « les compétences qui le constituent [..] sont complémentaires et également nécessaires. Chacun des domaines constitutifs du socle commun contribue à l’insertion professionnelle, sociale et civique des élèves [..], il ne peut donc y avoir de compensation entre les compétences requises qui composent un tout, à la manière des qualités de l’homme ou des droits et des devoirs du citoyen » (titre II, p. 180).

Nous proposons de modifier les procédures d’évaluation de connaissances et des compétences de la Licence STAPS, en abandonnant tout principe de compensation entre unités d’enseignement et entre semestres. Le diplôme s’obtiendra par l’acquisition séparée de chaque unité d’enseignement. Ce principe ne remet pas en cause la compensation entre les enseignements constitutifs d’une même unité d’enseignement, ces enseignements étant supposés construire une même compétence. Ces nouvelles modalités seront appliquées dès la rentrée 2012-2013, pour la Licence 1, puis seront progressivement étendues à la seconde année de Licence en 2013-2014, et à la troisième en 2014-2015.

Ces réflexions s’inscrivent évidemment dans la démarche qualité qui motive actuellement l’université. L’excellence des formations ne peut admettre à notre sens que perdurent les pratiques évoquées précédemment (stratégies d’évitement, compétences essentielles non acquises). Même si les diverses modalités de compensation peuvent évidemment paraître favorables aux étudiants, il nous semble qu’obtenir un diplôme dans ces conditions ne peut être vécu réellement de manière positive.

L’essentiel n’est pas de décrocher le diplôme, mais un passeport pour l’emploi et des compétences reconnues. Nous faisons le pari qu’un diplôme attribué sur ces principes, pour peu qu’une communication soit assurée, sera davantage reconnu par le milieu professionnel.

Nous pensons que cette organisation de l’évaluation permettra aux étudiants d’avoir davantage de respect pour leur formation et leurs diplômes. On peut aussi penser que c’est accorder davantage de respect aux enseignants, car chaque unité d’enseignement est alors jugée également importante, puisque non compensable.

Ces nouvelles modalités d’obtention du diplôme ne sont absolument pas incompatibles avec les objectifs de réussite en Licence. Il est clair que l’abandon de la compensation, sans modifier les pratiques pédagogiques, mettraient les étudiants en difficulté. Ces nouvelles dispositions doivent s’accompagner de pratiques rénovées, inscrivant les efforts en faveur de la réussite des étudiants au niveau de chaque unité d’enseignement. L’Equipe de Formation de Licence devra mettre en place ces nouvelles pratiques, parmi lesquelles on peut évoquer :

  • le recours massif au contrôle continu (demandé par l’arrêté du 1er Aout 2011),
  • la généralisation des sessions de rattrapage, même si la première session est en contrôle continu,
  • le réajustement du niveau d’exigence pour certaines UE,
  • l’attribution de points-jury au niveau des UE,
  • la mise en œuvre d’un soutien individualisé dans les domaines de compétences à renforcer,
  • le réajustement des coefficients d’épreuves à l’intérieur des U.E.»

Cette proposition avait été adoptée à l’unanimité des votes exprimés, moins une abstention. Je tiens à préciser que tous les étudiants avaient voté favorablement, et que la mise en débat de cette proposition avait été initiée au conseil précédent par Mathilde, présidente du Bureau des Etudiants. Je dois dire que c’est l’un des moments où j’ai été le plus fier d’être le directeur de cette Faculté.

Cette proposition est remontée à l’université, et la Direction des Etudes et de la Vie Universitaire avait alors envoyé une question écrite à la DGESIP. Fin de non-recevoir, notre lecture de l’arrêté de 2011 étant jugée erronée… Disons que six mois après la promulgation de l’arrêté, il n’était pas question de mettre un grain de sable dans le consensus.

Depuis les choses ont pas mal évolué. La problématique de la professionnalisation, que nous évoquions dans ce texte, est devenue centrale. La réussite n’est plus pensée comme le simple fait de décrocher un diplôme, mais dans le fait que ce diplôme, reconnu par le milieu professionnel, se transforme en emploi. L’approche par compétence s’est structurée et imposée, et les STAPS ne sont pas les plus en retard sur ce sujet. On peut sans doute voir les choses autrement…

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On trouvera dans ce blog un autre texte sur cette thématique, datant également de 2012 : La compensation : une insulte au bon sens, un profond mépris pour les étudiants

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